Présentation

« Black Books » est une comédie de situation britannique, créée par Graham Linehan et Dylan Moran, composée de trois saisons de six épisodes chacune (18 épisodes au total), d’une durée de 21’43’’, diffusée en Grande Bretagne sur Channel 4 entre 2000 et 2004, et en France à partir de 2002, sur Canal+, sur Comédie ainsi que sur France 4.

Les créateurs, Graham Linehan réalisateur, scénariste acteur et producteur irlandais et Dylan Moran, humoriste, acteur et scénariste également irlandais, se sont unis pour créer cette série réalisée par Nick Wood, Graham Linehan (Saison 1) et Martin Dennis (Saisons 2 et 3), produite par William Burdett-Coutts (producteur exécutif), Nira Park et Julian Meers.


Le synopsis

Le récit raconte le quotidien d’un libraire irlandais sarcastique, ironique, antipathique, fainéant, alcoolique et tabagique, qui rechigne à vendre ses livres et maltraite ses clients, car il hait le consumérisme et la culture de masse. Il est accompagné de Fran, son unique et meilleure amie ainsi que de Manny, un ami avec qui il partage son appartement, ancien comptable, excentrique aux attitudes naïves et parfois stupides, qu’il maltraite souvent avec férocité.


 Le générique

Le générique laisse apparaître trois personnages, deux hommes et une femme, avec en surimpression des dessins de bouquins, des cigarettes, une chaise, un cendrier rempli à ras bord, une lampe de chevet ainsi qu’une bouteille. Autant d’objets qui viendront rappeler le quotidien des personnages principaux.


Les personnages récurrents :

Bernard Black

Personnage central de la sitcom, Bernard Black est un libraire irlandais, trentenaire célibataire, installé à Londres. Ironique, sarcastique, il boit et fume autant qu’il déteste ses clients, qu’il n’hésite pas d’ailleurs à malmener. Alcoolique, tabagique et nihiliste, Bernard est un personnage qui passe son temps à maugréer contre la société (représentée entre autre par les clients).

Manny Beehankle

Manny est un personnage haut en couleurs, véritable figure du comique de situation. Son comportement et ses actions l’entraînent toujours dans des situations rocambolesques, voire absurdes. Manny est bien souvent la source du nœud de l’intrigue car il est considéré comme un personnage excentrique et peu ordinaire, souvent à côté de la plaque et maladroit de surcroît. Véritable déclencheur de catastrophes, le personnage est un des éléments perturbateurs des situations initiales mais participe également au rétablissement de la dysphorie du récit.

Fran Katzenjammer

Fran est l’unique et meilleure amie de Bernard. Dès son arrivé, elle se lie d’amitié avec Manny. Elle apparaît comme un personnage assez insaisissable qui endosse parfois plusieurs rôles symboliques : la femme libre, moderne, urbaine, indépendante, parfois autoritaire, (faisant fonction de mère) selon les besoins de la narration (S1E2 : « Manny’s First Day »). Le personnage de Fran constitue une constante qui assure le lien entre les deux autres personnages principaux. C’est un personnage qui connaît les codes de conduite de la société mais préfère certainement fréquenter Bernard qui se fout de la convention.


Les stéréotypes

Les personnages ne sont pas stéréotypés d’une manière conventionnelle.

Fran apparaît comme un personnage aux multiples facettes que l’on découvre au fil des épisodes et Manny peut également parfois apparaître tel un génie.

Par exemple, l’irlandité de Bernard passe avant tout par le dialogue et n’est pas un caractère typiquement irlandais tel que nous le connaissons habituellement dans notre imaginaire collectif.

En effet, dans le cinéma irlandais ainsi que dans le cinéma hollywoodien et étranger, l’Irlande est souvent représentée dans les imaginaires collectifs par le biais d’attributs ostentatoires, stéréotypés et un brin cliché : la Guinness, le trèfle à trois feuilles, la couleur verte, le pub, les soulards, la mythologie celtique et la langue gaélique ainsi que la Saint Patrick, fête nationale irlandaise.

Dans « Black Books », rien de tout cela n’est représenté à travers des signes représentatifs d’un coin particulier d’Irlande, rien qui concerne l’irlandité attestée de Bernard Black.

Pourtant deux éléments peuvent témoigner de l’irlandité du personnage : son accent et son exil à Londres.

Le premier élément est dû au fait que l’acteur Dylan Moran, qui tient le rôle du personnage principal, est natif du comté de Meath, situé au à l’Est de l’Irlande et possède donc l’accent typique de cette région.

Le deuxième élément ne peut être détectable que si l’on connaît l’histoire de l’Irlande. Deux choses évoquées inhérentes à l’histoire du peuple irlandais, remarquables dans l’épisode 5 de la saison 1, « The Big Lock-Out » : après avoir été enfermé dehors à cause de Manny, Bernard se retrouve à la rue, mourant de faim, ne sachant où aller.

Ce passage pourrait évoquer en seconde lecture sémiologique, la Grande Famine qui a frappé l’Irlande entre 1845 et 1849 et l’exode que cette catastrophe a eu pour conséquence.

En outre, le personnage est clairement défini comme étant un immigré vivant à Londres. Ce qu’il faut savoir, c’est que cela ne constitue pas un point négatif, bien au contraire. Les Irlandais possèdent une véritable culture de l’émigration qui s’avère être une perspective omniprésente et intégrée dans les conduites familiales et individuelles.

La manière dont les Irlandais à l’étranger expriment leur ethnicité dépend plus de leur relation au pays d’accueil que de leur lien avec leur île.

Néanmoins, Bernard Black est un personnage solitaire, anticonformiste et nihiliste et son irlandité est exprimée à travers le dialogue et qui est finalement peu évoquée, si ce n’est par le biais de l’accent de l’acteur.


Les personnages épisodiques

Les clients

Les figurants ou personnages secondaires

Les intrigues et les situations

L’épisode comporte toujours une à trois intrigues qui parfois s’entrecoupent suivant les situations vécues par les personnages. L’épisode 6 de la saison 2, « A Nice Change » constitue un « cliffhanger », épisode qui suggère une continuité narrative basée sur le suspense d’une situation, et qui est normalement élaboré pour retenir l’attention du téléspectateur, une manière de l’inviter à poursuivre la réception du programme. L’épisode 6 de la saison 3, « Party » marque la fin de la sitcom qui évoque une continuité narrative extradiégétique, nous suggérant que la vie quotidienne des trois protagonistes continue quoi qu’il en soit.


Segmentation d’un épisode :

Générique de début.

1. Séquence initiale : introduction des personnages ou exposition de la situation (euphorie).

Jingle clôturant la scène de présentation.

2. Séquence actionnelle : développement de 2 à 3 intrigues (nœud/dysphorie).

Jingle clôturant la première partie.

3. Séquence finale : dénouement des intrigues et retour à la situation initiale (euphorie).

Clôture de la deuxième partie de l’épisode.

Générique de fin.

La forme du programme apparaît comme une sitcom qui utilise les codes habituels du genre tel que Stéphane Benassi les décrits.


Les mouvements dedans/dehors

Les départs et sorties vers l’extérieur connotent bien souvent une dysphorie, un nœud qui vient bousculer l’harmonie de la vie quotidienne des trois protagonistes.

Les retours et entrées vers l’intérieur (dans la librairie) expriment bien souvent un retour à l’ordre, c’est-à-dire, la résolution du nœud, expression de la situation finale. Mais pas toujours, car certaines entrées vers l’intérieur, notamment celles des clients, sont toujours ressenties comme une « invasion faite à l’univers de Bernard », qui dans ce cas, constituerait une situation initiale.

A la différence d’un personnage de roman, le personnage central de la sitcom « Black Books » est doublement incarné, non seulement par un corps mais également par un espace, celui de la librairie qui définit son cadre de vie quotidien mais également son univers fictionnel, qui peut éventuellement créer une confusion entre espace privé et espace public.


L’espace fictionnel : les lieux récurrents et épisodiques

Intérieurs récurrents

La librairie qui constitue l’univers de Bernard Black, l’arrière-boutique faisant parfois office de salon/cuisine/salle à manger (dans tous les cas, ce lieu se réfère toujours à un lieu de vie quotidien et habitable), la salle de bains, le pub-restaurant.

Les sous-espaces domestiques

La devanture de la boutique de Bernard, la porte et son seuil (+ la petite cour attenante à la boutique jamais visitée car toujours encombrée dans l’épisode « Party » (S3E6), agissent comme des frontières spatiales qui divisent l’univers de la sitcom en deux mondes bien distincts, l’omniprésence du bout de rue en est la preuve.

La librairie de Bernard est certes un lieu propice aux échanges et aux rencontres, quand ce dernier conçoit à accueillir des éventuels clients, mais la sitcom n’écarte pas le fait que « hors les murs » (hors cadre que l’on fait parfois découvrir à travers l’omniprésence de cette part d’extérieur filmée), il existe « ce bout de rue » qui nous indique parfois qu’il se passe aussi des choses à l’extérieur du monde des protagonistes.

Intérieurs domestiques épisodiques

La boutique et l’appartement de Fran (S1E1E2), le bureau du comptable, le bureau de Manny (S1E1), le bureau du propriétaire de Fran (S2E2), la maison de Freddy (S1E3), les bureaux de Fran et de Gus (S2E3), la maison de Gerald et Sarah (S1E4), chez la famille « d’adoption » de Fran (S2E4), appartement du propriétaire de Bernard (S3E5), l’appartement du photographe (S1E6), la maison de campagne des amies de Fran (S3E2).

Autant de lieux domestiques épisodiques qui témoignent d’une certaine aisément en ce qui concerne la production de cette sitcom qui se détache du genre par la multiplicité des espaces domestiques représentés.

Extérieurs épisodiques

L’aéroport qui évoque le voyage hors de l’Angleterre (S2E6), la nouvelle librairie (S3E1), chez l’amie de Fran, au parc (S2E5), le poste de police (S1E4E6), l’hôpital (S1E1), chez le bookmaker, le cercle de jeu, le bureau de l’usurier (S3E4), le cinéma, le sex-shop, le fast-food (S1E5).

Tous ces lieux épisodiques sont inhérents au récit et témoignent avec réalisme de la vie quotidienne, même s’il s’y passe des choses un peu bizarres.


La représentation de l’espace, du temps et du son

Le cadrage

Majorité de plans d’ensemble, plans moyen, plans américains, plans rapprochés taille et poitrine, quelques gros plans.

Le champ/contrechamp 

Il amène dans la plupart des cas à suivre une discussion, une conversation, une situation intrigante, voire surprenante.

Montage

Majorité de cuts montés à un rythme rapide qui donne une dynamique à l’ensemble du programme, peu d’effets esthétiques (fondus enchaînés, volets qui agissent comme des parenthèses dans le récit, engendrant des micro-récits), une seule figure de style réelle avec le hors champ (S1E2 : « Manny’s First Day »).

Les mouvements d’appareil et la profondeur de champ

Utilisation de la profondeur de champ pour préciser le décor, l’image est bien souvent détaillée et nette du premier au dernier plan. Les quelques légers travellings-avant présents, qui cadrent en légère contre-plongée la devanture de la boutique de Bernard Black, pourraient éventuellement représenter une invitation faite au téléspectateur à entrer dans la boutique du libraire.

Le temps

Usage d’intertitres (11 secondes plus tard, un mois plus tard) et d’ellipses temporelles (essentiellement des flash-backs). Le récit diégétique n’est pas complètement calqué sur le quotidien du téléspectateur. En effet, la narration s’étale généralement sur une journée (jour/nuit), mais aussi sur un week-end (S3E2 : « Elephants and Hens »), à quelques jours (S1E6 : « He’s leaving Home », jusqu’à un mois d’intervalle au sein d’un seul et unique épisode (S1E3 : « Grapes of the Wrath »).

La bande sonore

La sitcom respecte un des principaux codes du genre sériel que sont les rires pré-enregistrés. Néanmoins, la bande sonore comporte également des applaudissements ainsi que des commentaires en onomatopées, exprimant plus ou moins la réaction à une situation ou à un sentiment qui rappelle la présence d’un hypothétique public situé à la place du mur absent.

L’omniprésence du poste de radio que l’on voit apparaître dans pratiquement tous les épisodes, rappelle les origines radiophoniques de la sitcom et témoigne également d’une quotidienneté. En effet, il fait partie des objets de la série les plus filmés et accompagne même un acte de la vie quotidienne lorsqu’il est intégré dans la salle de bains. Il est également utilisé à plusieurs reprises dans certains épisodes.

Par exemple, dans « The Big Lock-Out » (S1E5) ainsi que dans « The Fixer » (S2E3), on peut constater une mise en abîme qui fait apparaître un lien attestant de l’ascendance littéraire, radiophonique et par la force des choses, théâtrale de la sitcom.

A contrario, le poste de télévision apparaît peu à l’écran, uniquement dans deux épisodes (S3E1, S3E4).


Réception et analyse du contenu

Entre réalisme et irréalisme

Le téléspectateur est positionné en qualité d’observateur de la quotidienneté d’un libraire peu ordinaire, que l’on aurait certainement peu de chance de rencontrer dans la réalité, ou du moins pas à travers le profil dépeint du personnage de Bernard Black.

Néanmoins, la sitcom possède une dimension fantastique qui génère un effet irréaliste : dans l’épisode « Cooking the Books » (S1E1), le personnage de Manny avale « Le Petit Livre du Calme ». Dans l’épisode « Grapes of the Wrath » (S1E3), le « nettoyeur » (« the cleaner » en anglais) passe son doigt dans le vide et l’on voit apparaître des traces de poussière sur ses gants tout de blanc immaculé. Dans cet épisode, la dimension fantastique envahit l’univers de l’épisode lorsque le récit prend des allures de remake de « Frankenstein ».

Elle est également présente dans l’épisode « Moo-Ma and Moo-Pa » (S3E3), quand Bernard et Fran prennent un verre au comptoir d’un drôle de bar situé en dessous de la table où les protagonistes prennent leur repas.

La réalité évoquée d’un monde décalé

Une omniprésence d’un quotidien décalé parfois vraisemblable, avec des pointes d’absurdité.

Cette réalité décalée témoigne d’un monde qui l’est beaucoup moins : Bernard fait tout son possible pour éviter de remplir sa déclaration d’impôts, le stress au travail (S1E1), le chômage (Fran cherche du travail S2E3 « The Fixer » et S3E4 « A Little Flutter »), l’enfer du jeu (S3E4), les rencontres générant bien souvent des situations tragi-comiques, l’ennui et l’oisiveté sont également exprimés à travers les personnages de Manny et Fran, connotant un quotidien routinier qui sert la narration et s’inscrit ainsi totalement dans la lignée du programme sériel (S1E2 : « He’s leaving Home », S2E2 : « Fever », S2E4 : « Blood »).

Le monde de Bernard est opposé et confronté à la « vraie » réalité, bien souvent exprimée à travers les clients (personnages secondaires épisodiques) et la rue, lieu également propice à une multitude de rencontres et de situations.

La rue et le rapport à la réalité

Il est à noter que dans « Black Books », on y filme toujours un bout d’extérieur, une parcelle de rue, lieu qui vient s’opposer au monde de Bernard, la série se compose ainsi de deux mondes : celui du libraire et l’extérieur (la rue et tout ce qu’il s’y passe).

Par exemple, dans l’épisode « Cooking the Books » (S1E1), Bernard “expulse” ses clients dans la rue à coup de balai alors qu’il n’est que 15h15. La rue est le lieu où s’évade Nick Voleur, le comptable véreux de Bernard. Elle est aussi donnée comme un lieu bruyant (un chien aboie, une alarme de voiture s’y déclenche, des travaux s’y effectuent, etc.).

La rue est également représentée comme un lieu violent où l’on peut s’y faire agresser (S1E1), où l’on y poursuit des voleurs à la tire (S1E4), où l’on peut y faire de mauvaises rencontres (S1E6) et où on peut y mourir de froid (S1E5) comme de chaud (S2E2) et y trouver des soûlards (S3E4) et où les voitures prennent feu (S2E4). C’est également un endroit où l’on peut s’y disputer (S2E2), s’y suicider (S3E5) mais aussi où s’y promener (S2E5) et y dépenser son argent (S2E4).

La rue n’est pas vraiment représentée comme un lieu négatif mais plutôt comme un lieu social de vie et de communication, où il se passe aussi des choses, parfois catastrophiques, voire dangereuses. C’est un lieu d’où l’on peut voir les actions et où l’on peut également percevoir les sons émanant des maisons.

L’extérieur et la rue témoignent donc d’une urbanité quotidienne qui donne à la sitcom sa dimension réaliste, estompant partiellement le côté factice que possède généralement ce genre télévisuel.

Le quotidien

Les objets filmés : l’omniprésence des livres, les bouteilles de vin (pleines et vides), le poste de radio, le cendrier plein de mégots de cigarettes, autant d’objets qui viennent alimenter l’univers du personnage principal, témoignant eux aussi d’une quotidienneté.

Le pub (habitus britanico-irlandais) : aller au pub est tout autant une habitude irlandaise que britannique, car c’est un lieu où généralement on s’y retrouve après le travail, où les échanges se produisent, c’est un lieu de communication.

Représentation et vision de la société

Outre son aspect comique, la sitcom peut évidemment soulever des questions de société sous-jacentes tels que le chômage, le problème de logement (S2E2), l’analphabétisme (S2E3), le consumérisme ainsi que la culture de masse (S1E5), et même sur le conformisme (S3E1), ainsi que des questions également inhérentes au comportement humain tel que le stress et la dépression (« Grapes of the Wrath », « Hello Sun », « Manny Come Home »).

Le souci de réalisme semble être d’une importance capitale dans les programmes sériels britanniques. D’un point de vue français, l’aspect décalé de la sitcom apparaît en premier lieu, car en France, nous n’avons pas l’habitude de ce genre de programme et ce que l’on prend parfois pour « décalé » constitue une « norme » télévisuelle, dans ce cas précis, « Black Books » est une sitcom anglaise qui s’inscrit dans le schéma de la culture télévisuelle britannique, où les programmes sériels se doivent d’être à la fois multiculturels et novateurs. Le programme correspond donc bien aux attentes de la chaîne publique « Channel 4 ».


Conclusion

Concernant le fond, la sitcom « Black Books » développe un récit original avec des personnages peu ordinaires et anti-conformistes, que l’on nommerait Outre-Manche, « freaks », un terme faisant référence à l’aspect « hors norme » de ces derniers, que l’on rencontre tout au long des saisons. Le politiquement correct n’est pas de mise, car il s’agit d’une sitcom britannique qui diffuse donc une image culturelle et des comportements sociologiques différents de ce que l’on peut connaître dans les sitcoms américaines ou françaises.

De plus, le programme respecte les attentes de la chaîne britannique Channel 4 et s’inscrit donc comme un produit culturel télévisuel typiquement anglais.

Cette sitcom témoigne donc de sa britannicité car elle diffuse un humour et un comique de situation spécifiquement britannique, à l’image de la sitcom « Absolutly Fabulous », autre programme du genre, qui tire sur la satire sociétale et apporte une critique humoristique et décalée sur les rapports familiaux et amicaux.

Concernant la forme, la sitcom utilise les codes de fabrication inhérents au genre. Toutefois, elle s’en éloigne en ce qui concerne la temporalité (le récit se situe entre une journée et un mois pour un épisode), la spatialité (une quinzaine de lieux sont utilisés), ce qui est beaucoup pour une sitcom qui n’a duré que trois saisons. Le développement d’un épisode peut comporter jusqu’à trois intrigues, ce qui est peu commun concernant ce genre sériel qui a pour habitude de respecter plus ou moins la règle des trois unités. Néanmoins, la sitcom respecte, certainement par tradition, la mise en abîme non pas de la télévision, mais de la radio, dont l’omniprésence se fait fortement ressentir, faisant référence aux origines radiophoniques du genre.

Selon Marc Ferro, l’image triomphe car l’image, surtout télévisuelle, devient le médium des mœurs, des opinions et des idées. A la différence du discours politique, « l’image ne ment pas », elle diffuse un discours vrai, même si elle est capable d’influencer et de désinformer. De nos jours, l’image télévisuelle est devenue un enjeu culturel, économique et politique.

L’ordre audiovisuel tente lui aussi depuis les années soixante-dix de se rendre autonome des instances qui avaient le monopole des discours sur la société. Depuis, l’ordre audiovisuel est devenu le quatrième pouvoir, en collaboration avec la presse écrite et la radio, et obéit à des règles qui lui sont propres.

Le pouvoir de l’image est capable d’apporter une critique sur le monde qui l’entoure et l’image télévisuelle rejoint l’image cinématographique, dans le fait qu’elle devient un document historique et agent de l’histoire au sein d’une société qui la reçoit et qui la produit.

 

Sources :

« Réception télévisuelle et affectivité : Une étude ethnographique sur la réception des programmes sériels » - Stéphane Calbo, L’Harmattan, 1998

« Séries et feuilletons T.V. : pour une typologie des fictions télévisuelles » - Stéphane Benassi - Editions du Céfal, 2000

« L’empire de l’image » in « Cinéma et Histoire » - Marc Ferro - Folio Histoire - 1993

Web : Article de Pierre Langlais : « Séries TV : la leçon britannique » : http://www.slate.fr/story/27693/series-tele-la-lecon-britannique


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