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Les bujutsu à mains nues

 

« Quand un homme se trouve au coeur d’un combat, sa dernière chance de survie réside dans son habileté à se servir de ses armes naturelles : celles de son corps ».

 

Le Jiu-Jutsu

Le Jiu-Jutsu, littéralement « Art de la souplesse » est une méthode de combat à mains nues qui repose sur le principe de non-résistance. Cet Art permet d’utiliser les mouvements de son adversaire afin de le mettre hors d’état de nuire.

Le Jiu-Jutsu utilise toutes les techniques corporelles permettant l’auto-défense : esquives, projections, balayages, coups saisies et étranglements.

En outre, des arts de combat d’origine chinoise se répandirent au Japon, arts appelés « kempô ». Le " karaté " (main vide) est le plus connu de ces « kempô ».

Au sud du Japon, au sein de l’archipel des Ryu-Kyu, l’île d’Okinawa fut sous domination chinoise durant le 15ème siècle. Les armes étant interdites pour la population indigène, le peuple développa clandestinement un art martial dérivé du kempô chinois : le « Tode » ou « Main de Chine ».

Cet art continua à être pratiqué jusqu’en 1609, quand l’île d’Okinawa fut de nouveau occupée par les Japonais. Cet art martial local commença à se faire connaître sous le nom d’Okinawate et fut introduit au 20ème siècle dans le reste du Japon par Funakoshi Gishin, que ce dernier nomma Karaté Do, la Voie de la main vide, afin de souligner son appartenance au Budo.

Le terme « kara », littéralement « vide » fut choisi afin de désigner d’une part, le caractère de combat à mains nues, d’autre part, d’insister sur sa signification morale et religieuse, car « kara » fait référence au « vide de toute intention agressive et rejoint l’expérience Zen du « Vide ».

Keshiba Morihei, créateur de l’Aïkido, fut un personnage assez particulier car au cours de sa vie, il fut attaqué plus d’une fois, de toutes les manières possibles, sans jamais être pris au dépourvu, ainsi il réussit toujours à neutraliser ses adversaires.

La légende raconte que ce Maître accepta un combat sans arme contre un expert en Kendô armé d’un bokken. Le Maître triompha de son adversaire à coup d’esquives, ce dernier étant trop épuisé, il renonça finalement à l’attaquer.

 

« Maître Ueshiba explique : « Avant que quelqu’un m’attaque, son ki vient vers moi. Si je l’évite et que son corps suit le ki, je n’ai qu’à le toucher légèrement pour qu’il tombe au sol ».

 

Une autre histoire relate un autre exploit au cours d’une expédition en Mongolie. Un soldat, situé à six mètres de Maître Ueshiba, le tenait en joue avec un fusil. Au moment où le soldat tira, ce dernier fut surpris d’être désarmé par le Maître.

 

Maître Ueshiba commenta :

« Il existe un temps très long entre le moment où un homme décide de tirer et tire effectivement ».

 

Ueshiba Morihei (1883-1969) était un grand maître dont la principale motivation était de promouvoir la paix en enseignant un art axé sur la négation de la violence.

Les étranges pouvoirs du Maître sont communs à tous les Arts Martiaux. Le principe de base est le « Chi », « Ki » en japonais, qui est un principe difficilement traduisible car il signifie à la fois « souffle, énergie interne, attention, esprit ».

 

« Selon la tradition orientale, le Ki originel se répand dans l’Univers entier et se dégrade peu à peu en s’éloignant de la source, pour imprégner d’une façon plus ou moins intense, les êtres et les choses du cosmos ».

 

L’incroyable Chi

Un vieux Maître de combat à mains nues enseignait son Art dans une ville de province. Sa réputation le précédait dans la région, défiant toute concurrence, et tout le monde souhaitait recevoir son enseignement.

Un jeune expert se décida un jour de provoquer le vieux maître et se présenta afin de le rencontrer. Un vieil homme lui ouvrit la porte de l’école tout en lui demandant ce qu’il désirait. D’un ton assuré et déterminé, le jeune homme lui annonça son intention. Embarrassé, le vieillard voulut prévenir l’expert que sa requête était un suicide car le Maître était doté d’une redoutable efficacité.

Afin de prouver sa détermination, l’expert s’empara d’une planche qu’il cassa en deux avec son genou. Le vieil homme demeura impassible, restant de marbre devant l’exploit du jeune expert. Le jeune visiteur insista pourtant pour affronter le Maître, menaçant de tout ravager pour démontrer sa détermination et ses capacités.

Alors le vieil homme lui ramena un énorme morceau de bambou tout en lui disant : « Le Maître a l’habitude de casser avec un coup de poing des bambous de cette taille. Je ne peux prendre au sérieux votre requête, si vous n’êtes pas capable d’en faire autant ».

Le jeune homme essaya de briser le bambou à mains nues mais il dû renoncer car il s’était bien vite épuisé. Le vieil homme conseilla à l’expert d’abandonner son projet s’il ne réussissait pas à briser ce bambou. Le jeune expert jura de colère, de revenir et de réussir l’épreuve. Il s’entraîna durant deux longues années, tant et si bien que ses efforts portèrent ses fruits et que son corps était devenu dur et musclé.

Quelques temps après, il se représenta à la porte de l’école afin de passer l’épreuve et le même petit vieux le reçut. Le jeune homme se concentra quelques secondes, leva la main puis cassa le bambou en poussant un cri terrible. Puis, le jeune homme se retourna vers le vieillard d’un air satisfait.

Le vieillard déclara alors : « Décidément, je suis impardonnable, je crois que j’ai oublié de préciser un détail. Le Maître casse la bambou… sans le toucher ».

Le jeune homme excédé ne put croire aux exploits du Maître, dont il doutait finalement de son existence. Alors le vieillard se saisissa d’un solide bambou, le suspendit à un bout de ficelle pour l’accrocher au plafond. Prenant une profonde respiration sans quitter des yeux le bambou, le vieil homme poussa un cri terrifiant venu du plus profond de son être et sa main, tel un sabre, fendit l’air pour l’arrêter à cinq centimètres du bambou, qui vola en éclat.

Subjugué par le choc de la vibration qu’il venait de recevoir, le jeune expert resta plusieurs minutes ans mot dire, tétanisé et pétrifié qu’il était. C’est alors qu’il demanda humblement pardon au vieux Maître pour son odieux comportement et le pria de l’accepter comme élève.

 

L’œil du guerrier

Tajima no Kami, célèbre Maître du sabre, était un grand amateur de théâtre Nô et il aimait assister à des spectacles où toute la Cour était réunie autour de cet événement.

Le Maître du sabre observait avec l’attention le jeu de l’acteur qui prouvait que ce dernier excellait dans son art. L’acteur faisait une grande preuve de maîtrise de soi et d’une concentration paraissant sans faille, car sa gestuelle ne laissait apparaître aucune ouverture, tel un guerrier expérimenté. N’ayant pas quitté l’acteur des yeux, Maître Tajima poussa un Kiaï dans sa direction, un cri discret mais qui ne passa pas inaperçu au sein de l’assistance. A la fin de la représentation, le Shôgun convoqua Maître Tajima afin d’obtenir les raisons de son étrange intervention. Le Maître se contenta de déclarer : « Questionnez l’acteur, lui, il sait ».

Par la suite, l’acteur avoua : « Le Kiaï a retenti au moment même où j’ai eu une seconde de distraction car quelque chose avait changé dans le décor ».

Cette histoire illustre parfaitement que quel que soit l’art ou l’activité que l’on pratique, la concentration reste un élément prépondérant et à ne pas négliger, ce qui en outre, témoigne de la qualité d’un savoir-faire.

 

Le ki, le kiaï et le kime

Afin de maîtriser et de sentir le « Ki », des techniques de respiration, de concentration et de méditation sont enseignées. Le « Kiaï » est l’art de diriger et de projeter le Ki.

Il existe deux aspects du Ki :

Un cri sonore, émettant une certaine qualité de vibration, cri qui provient du «Hara Tanden», le centre vital de l’homme, considéré comme étant le centre de gravité du corps qui conditionne la stabilité, les mouvements ainsi que les déplacements.

Un cri silencieux qui provient des profondeurs de l’être. C’est un cri qui projette une énergie subtile et peut se manifester par les yeux. En cela, le cri silencieux peut être comparable à l’hypnose.

L’objectif des cris, qu’ils soient silencieux ou sonores reste identique : émettre des vibrations susceptibles de créer le trouble chez l’adversaire. Ils servent également à réanimer ceux qui ont perdu connaissance, grâce au choc produit par la vibration.

Le « Kime » est l’action de projeter le Ki à l’aide du corps. L’onde de choc et l’énergie interne sont rassemblées en un point. Ainsi, les vibrations continuent leur chemin lorsque le coup s’arrête. Le Ki est en parfait accord avec ce l’on appelle le « sixième sens », qui est la faculté de pressentir les choses et de sentir une attaque dans le cas d’un combat.

Toute pensée, toute intention est une onde qu’une personne émet et qui peut être captée par une autre, dont la sensibilité est très développée.

 

Sixième sens

Tajima no Kami, Maître du sabre, se promenait dans son jardin tout en contemplant les cerisiers en fleur. Près du Maître, se tenait un jeune serviteur qui l’observait. A ce moment, l’idée d’attaquer le vieux maître par derrière lui traversa l’esprit, voulant tester son habileté, tant Tajima no Kami était absorbé par les fleurs des cerisiers.

A cet instant précis, le Maître se retourna, scrutant les alentours, ayant ressenti une présence qu’il n’aurait pas pu définir. Le Maître, inquiet, chercha dans tous les recoins du jardin. Soucieux de n’avoir trouvé personne, il se retira dans sa chambre.

Le jeune serviteur ayant remarqué l’inquiétude du Maître lui demanda si tout allait bien. Tajima no Kami répondit : « Je suis profondément troublé par un étrange incident que je ne peux m’expliquer. Ma longue pratique des Arts Martiaux me permet de ressentir toute pensée agressive émise contre moi. Tout à l’heure, dans le jardin, cela m’est justement arrivé, mais je n’ai trouvé âme qui vive. Ne pouvant justifier ma perception, je suis mécontent ».

C’est alors que le jeune serviteur s’approcha du Maître en lui avouant son idée, s’excusant humblement auprès de ce dernier. Tajima no Kami se détendit satisfait, puis s’en retourna dans son jardin.

 

La conquête du pouvoir n’est pas le but de la Voie

Après de nombreuses années de pratique, les grands Maîtres sont capables de pressentir intuitivement une attaque. Ceci leur permet de pouvoir anticiper les mouvements de l’adversaire et  de pouvoir rester inattaquables.

 

Le Ki n’est ni bon ni mauvais en lui-même.

Le Kiaï peut servir à paralyser ou à réanimer. C'est celui qui utilise le Ki qui le rendra bénéfique ou maléfique, destructeur ou créateur. Voilà pourquoi les écoles de sagesse étaient très sévères sur la sélection des candidats. Ainsi, la transmission des techniques se faisait sous le sceau du secret.

 

L’infaillible concentration

Sen no Rikyu est connu dans la mémoire collective nippone pour être un illustre Maître de Chanoyu, le rituel du thé. Le Maître du thé était au service du régent (kampaku) Hideyoshi qui gouvernait le pays à l’époque.

Maître Rikyu officiait au cours d’une cérémonie, lorsque le régent déclara à ses généraux : « Regardez bien Rikyu préparer le thé et vous constaterez que son corps est rempli de Ki, que ses gestes précis et mesurés, n’offrent aucune ouverture. Sa concentration est sans faille ».

Kato Kiyomasa, un célèbre général, voulait vérifier si le « kampaku » disait vrai et il décida que dès qu’une ouverture se présentait, il toucherait le Maître du thé du bout de son éventail.

Le général observait attentivement Sen no Rikyu et au bout de quelques minutes, croyant percevoir une faille, il allait pointer son éventail. C’est alors que le Maître du thé le regarda droit dans les yeux en lui souriant.

L’attitude du Sen no Rikyu laissa Kato Kiyomasa bouche bée, qu’il en laissa tomber son éventail.

 

 « Toutes ces techniques martiales ne sont « qu’une conséquence du réveil des facultés latentes qui existent en tout être humain et qui résulte d’un travail intérieur nécessaire pour la réalisation de soi ».

 

D’ailleurs, les Maîtres n’utilisent que très rarement leur pouvoir, car le but est de protéger la vie dans le cadre de leur enseignement.

 

« L’utilisation des pouvoirs, la manipulation des énergies n’est pas gratuite. Le choc en retour est toujours à craindre. Telle est la loi du « Karma » : on récolte ce que l’on sème. Celui qui abuse des pouvoirs gaspille son énergie et s’enfonce dans le labyrinthe obscur, en perdant tout espoir d’accéder à la véritable maîtrise, à l’ultime secret ».

 

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« Entrebâillant une porte sur un monde inconnu, les histoires de pouvoirs  « extraordinaires » nous laissent le goût d’une Réalité impalpable ».

 

Sources :

Contes & Récits des Arts Martiaux de Chine et du Japon - Pascal Faulot, préface de Michel Random

La Voie du Samouraï, pratiques de la stratégie au Japon ~ Thomas Cleary ~ 1992

Zen & Arts martiaux ~ Taisen Deshimaru ~ 1977

Histoires de Ssamouraïs, récits des temps héroïques ~ Roland Habersetzer ~ 2008

Tactiques secrètes : leçons de grands maîtres des temps anciens  ~ Kazumi Tabata ~ 2003

Gorin-no-Shô : Traité des Cinq Roue ~ Miyamoto Musashi

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Etude portée sur la Voie du sabre # 1 : Le livre des sept Maîtres

Etude portée sur la Voie du sabre # 2 : Philosophie et secrets de la stratégie

Etude portée sur la Voie du sabre # 3 : Etude technique du Kempô par Kotoda Yahei Toshisada

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