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Réalisation : Frank Miller & Robert Rodriguez

Scénario : d’après la bande dessinée de Frank Miller

Pays : USA

Année : 2005

Genre : Thriller, néo-noir fantastique

Production : Dimension Films

 

Synopsis

 

« En marchant dans certaines ruelles de Sin City, on peut trouver tout c’qu’on veut ».


La voix-off donne le ton, parti pris du narrateur racontant une histoire et ayant la fonction de présenter les personnages, le récit est alterné par des dialogues et une voix-off particulière, puisqu’elle circule à travers un certain nombre de personnages directement issus de l’univers de la bande dessinée combiné à celui du film noir.

 

L’histoire : Un officier de police proche de la retraite voulant sauver une fillette des griffes d’un pédophile, fils d’un sénateur corrompu ; un marginal brutal mais philosophe à l’esprit vengeur recherche le meurtrier de sa bien-aimée. Un soupçon de violence et de corruption, le tout agrémenter d’une horreur sans nom sous les traits d’un cannibalisme volontaire où il ne fait plus bon d’être péripatéticienne : bienvenue à Sin City, la ville des pêchés !

 

Notion de dialogue

 

Le dialogue au cinéma est classiquement considéré comme un élément qui doit se fondre dans la réalité représentée et doit laisser l’impression que ça parle ni plus, ni moins et ni mieux, ni moins bien que dans la vie.

Le plaisir du verbe se donne souvent à entendre dans des voix-off de narrateurs, des voix qui font récit, des voix qui s’imposent et se distinguent du tout-venant verbal par le niveau de langage.

Parler juste n’est pas forcément le gage d’un bon dialogue. Tout dépend du film, de son rapport à la réalité, de son degré de stylisation, de sa distance aux personnages.

L’objectif n’est pas de parler juste mais de résonner vrai d’où l’importance du parler faux chez certains cinéastes pour lesquels la représentation du monde ne va pas de soi.

Parler faux, c’est refuser de réduire le dialogue à un outil narratif, à un élément participant à l’élaboration d’un climat réaliste, à la construction d’une histoire vraisemblable, à l’expression du personnage comme unité indivisible.

 

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Narrateur et instances narratrices

 

L’instance narratrice fondamentale (le scénariste) peut déléguer ses pouvoirs à un ou plusieurs narrateurs (les personnages) prenant en charge la totalité ou une partie du récit.

 

Ce narrateur délégué peut prendre plusieurs formes :

 

Extradiégétique, le commentateur est extérieur au récit et est évoqué par la voix-off.

 Péridiégétique, le narrateur n’intervient pas dans le déroulement de l’histoire mais peut appartenir à l’univers diégétique. Il est considéré comme un observateur extérieur à l’action mais reste à la frontière de la diégèse.

 Diégétique, le narrateur fondamental délègue ses pouvoirs à un ou plusieurs personnages.

 

La spécificité de Sin City tient dans l’utilisation originale de la voix-off qui ne se situe pas à la périphérie du récit mais bien à l’intérieur, ce qui lui confère un rôle particulier basé sur la focalisation mentale.

 

Le dialogue à travers les personnages

 

Le dialogue caractérise des personnages, une époque, un genre.

L’Homme ne parle pas simplement pour donner des informations, il parle également pour s’exprimer, pour verbaliser ses émotions, consciemment ou inconsciemment, de façon directe. Les mots sont parfois plus sulfureux que les images.

Un personnage parle pour et parce qu’il existe, à chaque type psychologique correspond une façon de parler ce qui induit que chaque genre cinématograhique est caractérisé par un type de dialogue.

Le film policier et le film noir  jouent la carte de l’efficacité avec des formules lapidaires pour laisser le maximum de latitude à l’action pure.

Sin City est une formidable mise en abîme : ce film est un honorable hommage et une fascinante citation faite au film noir : le film néo-noir cite le film noir.


«[…] On parle œil pour œil, on parle de sang au litre, retour de la grande époque, l’époque du tout ou rien ! »

 

Le rôle de la voix off : focalisation mentale

 

Le dialogue commente l’histoire grâce à la voix-off qui la surplombe pour nous révéler certaines clés. Cette voix n’a normalement aucune implication dans les événements qu’elle commente et, est extradiégétique, hormis dans le film, où elle devient intradiégétique : elle permet d’exposer très vite la situation et les personnages, de donner également des coups d’accélérateurs au récit en relatant des moments dont le film peut faire l’ellipse sans nuire à la compréhension. Le commentaire du personnage permet également de faire le point, de redéfinir les enjeux, d’analyser la situation et par conséquent de se focaliser sur l’action.
Toutes les séquences introduisent un personnage qui lui-même expose la situation de l'unité spacio-temporelle de l'histoire, d'où l'originalité du film de Frank Miller et de Robert Rodriguez dont on sent la touche caractéristique de Quentin Tarantino.

 

Le narrateur est le personnage du film

 

Il existe une voix intérieure appelée focalisation mentale : on entend ce que pense le personnage ; il reste muet, le spectateur ne perçoit pas les paroles qui sortent de sa bouche.

Le personnage-narrateur sait et donne à savoir (focalisation mentale), il raconte l’histoire signifiant un récit premier introduit par une voix-off intradiégétique, ce qui fait la caractéristique de Sin City en particulier et du film noir en général. Ici, la fonction de la voix-off est d’impliquer directement le spectateur dans l’univers du film.

Le personnage-narrateur entend et donne à entendre (focalisation auditive) ; le spectateur entend tout ce qu’il entend.

Le personnage-narrateur voit et donne à voir (focalisation visuelle) : le spectateur voit (ou imagine) ce que le personnage est supposé voir.

Le récit second est amené par le dialogue faisant partie de la diégèse, c’est-à-dire, de l’histoire et de ses pourtours.

 

Dans Sin City, les personnages passent leur temps à commenter leurs faits et gestes sous la forme de pensées intérieures, ce qui a le don de souligner leur action en impliquant le spectateur. L’identification prédomine sur la distanciation et absorbe le spectateur au cœur du film.

L’identité des commentateurs réserve parfois des surprises qui leur confèrent une portée dramatique ou émotionnelle au-delà du procédé narratif qui peut paraître artificiel et convenu.


Source :
Sin City by Frank Miller & Robert Rodriguez (2005)
Précis d'analyse filmique ~ Francis Vanoye & Anne Goliot-Lété

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