Animisme & Chamanisme # 5 : le shintoïsme
10 sept. 2014Le shintoïsme ou shinto signifie littéralement « la Voie des Dieux » ou « la Voie du Divin ». C’est la plus ancienne religion du Japon, liée à sa mythologie, qui mélange des éléments polythéistes et animistes.
Le Kojiki (Chroniques des faits anciens) et le Nihonshoki (Chroniques du Japon) sont deux livres compilant les récits mythologiques nippons ainsi que de nombreuses légendes.
L’ESSENCE DU SHINTO
Présentation de l’essence du shinto et de ses différents aspects spirituels
Dans l’esprit des Japonais, le sanctuaire shinto est un lieu où ils se rendent à l’occasion de fêtes saisonnières, offrent des prières, vénèrent les kamis et se soumettent aux rites de passages dits « shichigo-san » (7-5-3). Tout enfant japonais âgé de 3,5 ou 7 ans, est conduit au sanctuaire shinto pour une cérémonie rituelle.
Les sanctuaires de l’époque moderne répondent à un grand nombre de besoins individuels ou collectifs. Cela reflète la dimension spirituelle de la vie quotidienne qui sous-tend tous les aspects de l’expérience humaine. Cette union entre le sacré et le profane est un trait spécifique du shinto.
Le Shintoïsme est essentiellement polythéiste, dont le concept majeur est le caractère sacré de la nature. Le profond respect qui en découle, définit la place de l’Homme dans l’univers : être un élément du grand tout. Ainsi, un cours d’eau, un astre, un personnage charismatique, une simple pierre ou même des notions abstraites comme la fertilité, peuvent être considérés comme des divinités.
L’essence du shinto se trouve dans notre relation et notre interdépendance avec les kamis. Le shinto est le chemin à travers lequel, l’être humain essaye de se réaliser pleinement en faisant l’acquisition des nobles caractéristiques des kamis. Afin de pouvoir suivre cette voie, il est indispensable de savoir se mettre en accord avec les kamis, attitude qui constitue l’essence même du shinto.
Aujourd’hui, nos sociétés matérialistes ne nous permettent pas de pouvoir exprimer un monde invisible et le domaine de l’esprit n’est pas toujours bien reçu. Le Shinto possède cet aspect mystérieux.
Dans un monde dominé par le profit et l’argent, certains individus ressentent le besoin ou le désir de se reconnecter au monde spirituel. Le shinto présente un système de valeurs spirituelles évolué et organisé, capable de satisfaire les besoins humains fondamentaux.
Dans cette optique, le « koshintô » (shinto originel des temps anciens) revêt une importance particulière. Le « koshintô » encourage chaque personne à s’entraîner mentalement et spirituellement, de manière individuelle, afin d’améliorer son propre caractère.
Grâce au « koshintô », il est possible d’acquérir une méthode d’entraînement systématique, transmise depuis un lointain passé. Il permet d’aller sous la surface du rituel, de comprendre ce qu’est réellement le shinto et d’être touché par la lumière spirituelle des kamis.
Le « koshintô » ou « shinto Yamakage » recèle la connaissance des cérémonies, des manières, des rituels, des méthodes de divination, de la médecine traditionnelle et bien d’autres choses encore. C’est une forme de savoir global et vaste. Il est question d’apprendre le shinto afin qu’il puisse servir de guide dans une éventuelle pratique, voire constituer un simple entraînement mental.
Le Shinto est la conscience qui sous-tend la mentalité japonaise, le fondement de la culture et des valeurs du Japon.
A l’heure actuelle, il est important et plus que nécessaire de redécouvrir ce que peut être une essence spirituelle, et ainsi apprendre ou réapprendre en quoi consiste les racines culturelles, afin d’en faire une force au service du bien de l’humanité en tant que tout.
PRENDRE SOIN DE L’ESPRIT DE LA NATURE
Le changement climatique est au cœur de tous les débats engendrant de diverses actions humaines, plus ou moins efficaces, à plus ou moins long terme.
L’activité humaine engendre des conséquences désastreuses et parfois irréversibles sur l’environnement.
Pour information, en trente ans, la physionomie de la planète s’est largement modifiée, d’une part, parce que la terre fonctionne en cycles, d’autre part, l’homme contribue lourdement (ironie) à ce changement.
Selon les données satellites, tout bouge en permanence à la surface du globe : dérive des continents, effondrement de certaines îles, pollutions terrestres et océaniques (ex : les essais nucléaires opérés par les forces militaires en Polynésie française ont entraîné l’effondrement de l’île de Mururoa), sous la pression de la tectonique des plaques ainsi que de l’activité volcanique.
Ainsi, le shinto pourrait en effet être une alternative écologique qui permettrait à l’être humain de pourvoir prendre conscience des réels risques encourus par la planète, en se reconnectant à cette dernière. Sur le plan éthique, cela lui permettrait de vivre en adéquation avec son environnement, afin de pouvoir en prendre soin comme il se doit : préserver notre planète devrait être notre priorité fondamentale. Cela permettrait à tout homme de vivre en phase avec la nature, plutôt que de la dominer ou de la détruire.
Dans le shinto, le ciel, la terre et l’humanité sont les différentes manifestations de la même énergie de vie. Par exemple, le peuple japonais à l’époque de l’Empereur Showa (Ere Shôwa : 1926-1989), a pris conscience de l’importance de la couverture forestière, tant d’un point de vue psychique qu’écologique. L’Empereur engagea sa fortune personnelle à la suite d’un appel à la reforestation.
Aujourd’hui, le Japon se situe au troisième rang des pays les mieux reboisés au monde avec 9 600 000 hectares de forêt.
Il semble évident et nécessaire de souligner ces actions qui prouvent que l’on peut œuvrer pour la sauvegarde et la préservation de la faune et de la flore à l’échelle d’un pays, même au 21ème siècle.
« Aussi longtemps que nous garderons les forêts intactes, l’eau continuera de couler des sources de montagnes ».
Notre planète, Gaïa, ancienne déesse de la terre, est un organisme vivant dont toutes les parties sont en relation et dépendent les une des autres. Si la terre est malade, notre devoir est d’utiliser notre connaissance et notre pouvoir pour la guérir.
Par exemple, les zones boisées qui entourent les sanctuaires manifestent l’intérêt que le shinto porte à la bonne santé de la nature.
Dans le shinto, il est admis que les kamis, puissances du monde spirituel, peuvent entrer en contact avec les hommes par l’intermédiaire des arbres.
Voilà pourquoi on trouve des arbres sacrés dans l’enceinte de certains sanctuaires, dont certains sont parfois âgés de plus de 4000 ans. Le sens sacré dans les arbres est profondément ancré dans la spiritualité japonaise.
La déforestation de la planète continue
Hélas, la forêt amazonienne continue d’être grignotée petit à petit. C’est la plus grande forêt primaire du globe, l’Homme en est conscient, mais paradoxalement, il continue de déboiser pour y implanter une agriculture mécanisée.
Depuis 1986, dans l’état du Mato Grosso (Brésil), les arbres ont cédé la place à de vastes plantations de soja. En 25 ans, rien qu’au Brésil, 400 000 m2 de forêt ont disparu (soit environ la superficie de l’Allemagne) ainsi que de nombreuses espèces animales.
Une prise de conscience tardive
La frénésie de la déforestation continue mais à une moindre échelle. En 2008, 13 000 km2 de forêt amazonienne brésilienne a disparu. En 2009, 7500 km2, en 2012, 4600 km2.
Depuis 2012, la déforestation en Amérique du sud ralentit. A l’échelle de la planète, entre 2005 et 2010, c’est plus de 48 000 km2 de forêt qui ont été rayés de la surface du globe.
Le shinto possède donc un sens universel ainsi qu’une éthique pratique pour le monde actuel, qui pourrait nous aider à mieux comprendre ce qu’il se passe aujourd’hui sur notre planète, car il semble urgent de nous sentir tous concernés.
Le shinto peut également nous habituer à voir la connexion entre le bien-être du monde naturel et notre propre bien-être spirituel. Cela nous permettrait de restaurer notre conscience de la nature. Etre en phase avec la nature, c’est également savoir cultiver les états mentaux positifs. Planter des arbres et se livrer à l’arboriculture est l’expression moderne d’une sensibilité spirituelle séculaire.
Le shinto est une tradition spirituelle authentique du peuple japonais et même si c’est une pratique spécifiquement nippone, son essence est valable pour toute l’humanité et très pertinente dans la situation difficile qui est la nôtre.
La compréhension shinto de la valeur intrinsèque du monde naturel liée à l’accent placé sur la notion de purification, possède une signification à la fois physique et spirituelle. Au sein de la tradition shinto, il existe la pratique de l’immersion du corps dans l’eau. Ce rituel est une forme de toilette, c’est-à-dire, de purification du corps, il représente également la purification de l’esprit et de l’âme. Cela rappelle aux êtres humains la signification de l’eau en tant que source de vie, sans laquelle aucune vie ne peut être maintenue.
« Le retour de l’idée de Gaïa est un défi radical à cette manière de considérer le monde ».
Ceci nous rappelle que nous faisons partie de la nature. Grâce à l’eau, nous nous purifions et l’eau constitue un des principaux composants du corps humain.
Gaïa est la déesse de la nature, sa tâche est d’en préserver l’équilibre. Ses équivalents dans le shinto sont :
Kunitokotachi no kami : Un des trois principaux kamis né du Chaos.
Dans le Nihonshoki, Kunitokotachi est considéré comme un dieu mâle alors que dans le Kojiki, ce kami est considéré comme un hitorigami asexué (kami venu à l’existence par lui-même). Kami considéré comme l’un des trois dieux de la création. Accompagné d’Amenominakanushi, Kunitokotachi fait appel au couple divin originel, Izanami et Izanagi, et les chargent de créer la première terre dans l’eau salée tourbillonnante qui existe sous les Cieux.
Toyouke Hime no Kami : Déesse de l’agriculture.
Amenominakanushi : Hitorigami faisant partie du groupe des trois kamis de la Création (« zôka sanshin ») et un des cinq kotoamatsukami, divinités célestes séparées. C’est une divinité qui est considérée comme centrale du « Daikyôin » au début de l’ère Meiji (1868-1912). Dans le Kojiki, Amenominakanushi est le chef des kamis des Sept Etoiles principales de la constellation de la Grande Ourse (Ursa Major).
La Grande Ourse est une constellation circumpolaire (41° latitude nord) que l’on voit mieux dans l’hémisphère nord. En Grec, « arktos » signifie ours, elle fait partie des 48 constellations identifiées par Ptolémée. En astronomie, Alioth, Dubhe, Mizar, Merak, Phecda, Megrez et Alkaid sont les principales étoiles de la constellation et forment l’astérisme le plus connu : le Chariot ou la Casserole. Etoiles chaudes de classe A, situées à 80 années-lumière de la Terre.
Ces kamis, symbolisant l’énergie de la nature, dissimulent leur présence derrière de nombreuses progénitures, on les appelle les « kamis invisibles ». Ils sont les kamis qui ont pour rôle de maintenir le grand réseau de la vie.
En japonais, le terme « kami » désigne les divinités ou esprits vénérés. Leur équivalent chinois est « shin ». La plupart du temps, les kamis sont des éléments de la nature, des animaux ou des forces créatrices de l’univers, mais peuvent également être des esprits de personnes décédées.
Dans le shintoïsme, les kamis ne sont pas considérés comme des êtres distincts de la nature, mais comme en faisant partie intégrante. Ils possèdent aussi bien des aspects positifs que négatifs et des caractéristiques bonnes ou mauvaises. Ils sont supposés être cachés de notre monde et vivent dans l’espace parallèle qui est le reflet du nôtre, appelé « shinkai ».
Etre en harmonie avec la crainte que peuvent inspirer les aspects de la nature, c’est être conscient du « Kannagara », la voie des kamis.
Dans son étude consacrée au Kojiki, intitulée « Kojiki-den », Motoori Norinaga (1730-1801), médecin, poète et philosophe japonais, donne une définition du mot « kami » en ces termes :
« Tout être qui possède certaines qualités éminentes sortant de l’ordinaire ou qui est impressionnant de nature, est appelé Kami ».
Dans les anciennes traditions shintoïstes, il existait 5 caractéristiques qui définissaient les kamis :
1/ Les kamis ont des personnalités divergentes.
Lorsqu’ils sont respectés, ils peuvent nourrir et aimer, mais il leur arrive de causer chaos et destruction s’ils sont méprisés. Les kamis doivent être apaisés si l’on veut gagner leurs faveurs et éviter leur courroux. Traditionnellement, ils possèdent deux esprits, l’un calme (Nigimitama) et l’autre sûr de lui (Ara-mitama).
2/ Les kamis ne sont pas visibles depuis le royaume des humains.
Ils habitent les lieux sacrés, vivent par le biais des phénomènes naturels ou séjournent dans les personnes qui demandent leurs bénédictions durant les rituels.
3/ Les kamis sont capables de se déplacer.
Ils visitent leurs lieux de cultes qui peuvent être nombreux, mais n’y restent jamais pour toujours.
4/ Il existe une multitude de kamis.
Le Kojiki en liste en tout 300 et tous ont des fonctions différentes. Ainsi, on trouve le kami des vents, tout comme celui des entrées ou des rues.
5/ Tous les kamis ont une autorité ou un droit différent selon les personnes qui les entourent.
Le peuple a pour obligation de garder les « kamis » heureux, en échange, ceux-ci doivent exécuter la fonction spécifique de l’objet, du lieu ou de l’idée qu’ils hantent.
Le concept des kamis a subi de nombreux changements, mais leur présence reste constante dans la vie japonaise. En tant qu’esprits reliés à la terre, les tous premiers kamis avaient pour rôle d’assister dans leur vie quotidienne les premiers groupes de chasseurs-cueilleurs. Ils étaient vénérés en tant que dieux de la terre, des montagnes et de la mer. Puis, la culture du riz devenant prépondérante au Japon, la vision des kamis s’est peu à peu modifiée, en leur attribuant des rôles de soutien directement liés à la croissance des récoltes. C’est alors qu’apparaissent les kamis de la pluie, du sol et même celui du riz.
Dans la foi du shinto, les mythes font l’objet d’une forte tradition. Dans le Kojiki, Nigini no Mikoto est le petit-fils de la déesse solaire Amaterasu ômikami, fille d’Izanagi (père) et d’Izanami (mère). Cette « grande déesse » est née de l’œil gauche de son père, après s’être purifié par ablution dès son retour du pays des morts.
Amaterasu dirige le royaume des cieux, le Takamanohara. Elle lui donna 5 graines de riz provenant des champs du Paradis, le Takamagahara. L’arrière-petit-fils de Nigini, Jinmu est considéré comme le premier empereur (légendaire) du Japon.
Dans les anciennes religions animistes, il existe des forces divines de la nature. Les fidèles du Japon ancien vénéraient les éléments de la nature qui dégageaient une beauté et un pouvoir particuliers, telles les chutes d’eau, les montagnes, les rochers, les animaux, les arbres, les herbes et même les rizières. Les anciens étaient persuadés que ces kamis méritaient le respect.
Le Kojiki et le Nihonshoki distinguent deux sortes de kamis :
1/ Les kamis célestes et immortels (amatsukami) qui résident au Takamagahara, littéralement, « la haute plaine du paradis », qui représente le monde supérieur, « uwatsukuni ». Yomi est le monde souterrain et Ashihara est le monde des Hommes.
Le Takamagahara est relié à la Terre par le pont « Ame no Ukihashi », « le pont céleste flottant ».
2/ Les kamis du pays, ceux que l’on inhume après leur mort, présents sur terre (kunitsukami).
A SUIVRE : Mythologie nippone : les principaux kamis
Sources :
Internet
« Kojiki, Chroniques des faits anciens » (712 ap. JC).
« Shinto, sagesse et pratique » - Motohisa YAMAKAGE - 2006
« Science & Vie, Spécial Terre : en 30 ans, tout a changé » - décembre 2013