LES GRANDES FIGURES DU PANTHEON BOUDDHIQUE CHINOIS

Le panthéon bouddhique est ordonné par une hiérarchie complexe fondée sur l’appréciation de la « nature du Bouddha » de chacun de ses représentants, c’est-à-dire, sur son degré de réalisation spirituelle.

Dans le bouddhisme Mahâyâna, Sakyamuni le Bouddha historique, n’est pas un personnage unique, mais une incarnation passagère. Démultipliée dans le temps et l’espace, elle se décline sous un grand nombre de formes différentes. La plus importante, celle qui est majoritairement représentée dans la grand-salle des temples, est la triade constituée par les trois bouddhas :

  • Le bouddha du passé
  • Le bouddha du présent (Sakyamuni)
  • Le bouddha du futur (Maitreya)

Ces trois bouddhas sont généralement mis en relation avec les Trois Joyaux de la doctrine. Cette triade est une construction intellectuelle à laquelle l’esprit chinois est habitué depuis très longtemps, comme en témoignent les trois Purifiants du taoïsme religieux.

 

MAITREYA ET BUDAI

Personnage important et familier du bouddhisme chinois, l’image de Maitreya se retrouve dans la salle d’entrée de chaque temple sous une forme bien particulière et particulièrement chinoise : il s’agit du célèbre « bouddha rieur », personnage obèse au visage épanoui par un bon rire jovial, symbole de la paix avec soi-même. Bouddha du futur, il est l’incarnation de l’amour universel qui règnera sur terre quand tous les problèmes du monde humain auront été résolus.

Maitreya est son nom sanskrit. Les Chinois l’appellent Milefo (« mi le fo ») :

Le premier caractère « mi » signifie « remplir », « plein », « se répandre », « universel », « partout », manifestation du bien-être et promesse d’un avenir radieux.

Le second caractère « le », dont le sens propre est « brider, tenir, contenir », signifie que cette ère du bonheur joyeux n’est pas encore advenue, qu’elle est encore à venir.

Le troisième caractère « fo » est la dénomination de « bouddha ». Sa venue doit inaugurer la première félicité sur terre et sa figure a cristallisé beaucoup de mouvements messianiques qui sont apparus en Chine.

Maitreya est souvent associé ou confondu avec Budai, autre personnage du panthéon bouddhiste dont le nom en chinois est « bu dai », littéralement « sac en toile ». Connu comme faiseur de miracles, ne faisant que passer partout où il allait tout en portant un baluchon de toile sur son dos.

A sa mort, sa véritable identité apparut : Budai était la réincarnation de Maitreya. Bien qu’il soit  représenté tout comme le Bouddha rieur, avec un ventre rond, on le reconnaît surtout à la volée d’enfants (cinq ou neuf) qui s’amusent autour de lui.

 

LE CHAN

C’est la forme la plus authentique, la plus chinoise du bouddhisme (autrefois écrit ch’an, plus connu au Japon sous la forme  « zen »). Apparut au 6ème siècle sous l’impulsion de Boddhidharma.

D’après la légende, Boddhidharma était le fils d’un roi de l’Inde du sud qui avait choisi sa voie religieuse. Il voyagea en Chine et arriva en 520 de notre ère à Nankin (capitale de la province chinoise du Jiangsu), où il fut reçu par le roi Wu, fervent bouddhiste et fondateur de la dynastie des Liang du Sud.

Puis, Boddhidharma repartit et traversa le fleuve Yangzi et finalement arriva au lieu-dit « petite Forêt » (en chinois, « shao lin ») où un monastère avait été fondé en 495 (dynastie des Wei du Nord) par un moine indien appelé Buddhabhadra (en chinois, Batuo).

Boddhidharma s’y installa et décida de mettre en pratique ses idées : tourner le dos au monde, retourner son regard vers son intériorité et y chercher sans faiblir la voie juste. Pour atteindre ce but ultime et se préserver de toute distraction éventuelle en chemin, il s’assit en méditation devant un mur entièrement nu et demeura ainsi neuf ans, période au bout de laquelle il connut l’éveil et commença d’enseigner.

Résultat de la rencontre entre la rigueur confucéenne et l’absolu bouddhiste, le chan apportait aux intellectuels une solution philosophiquement satisfaisante au lancinant problème de la mort, en la faisant apparaître comme une libération de l’infernal, enchaînement des passions et des douleurs.

La paix suprême, illusoire sur terre, pouvait s’atteindre en abolissant tous ses désirs et l’entrée dans le nirvana s’effectuait au terme d’un long parcours spirituel scandé par des réincarnations multiples.

Le mot « chan » est la traduction du terme indien « dhyâna », « méditation ». L’idéogramme est formé de deux éléments : le signe des affaires spirituelles. A droite, le signe qui évoque à la fois le combat et la faiblesse. Ensemble, les deux parties du caractère « chan » donnent un objectif moral que se fixe le chan : le constant combat spirituel contre la faiblesse.

 

CHAN ET CHA

Le thé est arrivé en Chine avec les missionnaires bouddhistes venant d’Asie. La consommation de thé pur s’imposa vers le 6ème siècle sous l’influence du bouddhisme et en particulier de la méditation.

 

LES ARTS MARTIAUX DU MONASTERE DE SHAOLIN

Une légende raconte que Boddhidharma avait retrouvé les moines dans un état physique épouvantable, il développa pour eux des exercices destinés à les renforcer dans leur pratique spirituelle et à leur permettre de se défendre contre les animaux sauvages et les brigands. Origine d’une célèbre technique de combat : la boxe à main nues de Shaolin.

Cette paternité témoigne du souvenir de techniques de combat originaires du Kerala, en Inde du Sud, qui seraient arrivées en Chine avec le bouddhisme vers le 5ème ou le 6ème siècle.

Dès l’époque de la dynastie Sui (581-618), les moines de Shaolin maîtrisaient le combat sans arme et ne cessèrent de le perfectionner. Il fallait que ces moines règlent la contradiction entre l’impératif bouddhiste de ne pas tuer et le fait qu’à cette époque les chemins n’étaient pas très sûrs. Les moines qui devaient se déplacer d’un monastère à un autre, ont été contraints de développer des techniques d’autodéfense à mains nues, voire avec le bâton de pèlerin. Ces techniques se marièrent naturellement aux divers exercices physiques de fortification, de contrôle des muscles et du souffle destinés à permettre aux moines de tenir lors des longues séances de méditation.

 

SHAOLIN KUNG FU

L’histoire du temple de Shaolin et de ses arts martiaux est emblématique de l’histoire chinoise dans son ensemble. Durant la Révolution culturelle (1966), le temple fut laissé à l’abandon.

Dans les années 1970, le cinéma hong-kongais et la télévision américaine s’emparèrent du mythe de Shaolin : la série télévisée « Kung Fu » et les films « La Troisième chambre » et « Les Disciples de la 36ème chambre », exportent la légende dans le monde entier.

En 1981, le monastère rouvre ses portes officiellement.

 

CONCLUSION

Les arts physiques chinois tels que le « tai ji quan », le « qi gong » et l’acupuncture sont des pratiques qui prennent en compte l’ensemble énergétique constitué par l’union constante de l’esprit et du corps.

Le scientifique et humaniste Albert Jacquard explique que l’humain n’est pas seulement un individu biologiquement isolé, c’est surtout une personne qui s’ingère dans un réseau de relations interpersonnelles.

Il en conclut que la responsabilité morale qu’implique la notion de personne « ne tombe pas du ciel », mais émerge simplement de l’ensemble des règles qui systématisent la finalité ».

Le confucianisme, qui met l’accent sur la responsabilité au niveau social incite à une attitude bienveillante envers autrui.

Le taoïsme, porté sur la responsabilité au niveau vital, se manifeste d’une manière « yin » par une attitude accueillante envers son corps et d’une manière « yang » par une attitude respectueuse envers la nature.

Le bouddhisme, en soulignant l’importance de la responsabilité individuelle des actes et la nécessité d’acquérir des mérites, favorise une attitude de compassion envers toutes les formes vivantes.

Un regard global sur l’ensemble des trois sagesses chinoises fait apparaître leur profonde convergence : elles invitent à accroître notre responsabilité, à développer notre capacité à répondre par une attitude appropriée aux situations auxquelles nous sommes chacun, chaque jour, confrontés. Il s’agit surtout d’enseignements et de manières de vivre.

 

POUR RESUMER

Le confucianisme accorde une importance à :

  • la vie sociale
  • la responsabilité politique
  • l’attitude envers autrui
  • la hiérarchie et sa régulation
  • l’éducation afin de pouvoir fonder son jugement et son action sur des bases raisonnables
  • la rectitude, considérée comme l’acte juste au moment opportun, sans autre considération que la justice
  • la loyauté, la poésie et tous les arts en général (musique, peinture, jeux d’esprit et de table), qui sont considérés comme des moyens d’apaiser le cœur
  • la politique, en tant qu’art du savoir-vivre en bonne entente entre êtres humains.

 

Le taoïsme accorde une importance à :

  • la vie naturelle
  • la responsabilité physique
  • l’attitude envers son corps et la nature
  • la personne et sa réalisation
  • la pratique, l’exercice, afin de disposer au maximum de l’accord entre le corps et le fonctionnement naturel
  • la pureté considérée comme un processus d’allègement des pesanteurs imposées par la vie physique et les règles sociales
  • la sensibilité afin d’affiner la perception permettant mieux de ressentir et façonner (épurer) le souffle-vital qui passe sans cesse du corps individuel à la nature entière afin de mieux s’accorder aux saisons
  • l’alchimie interne et la médecine naturelle qui donnent naissance à tous les arts physiques (tai ji quan, qi gong, etc.), qui sont considérés comme des moyens de mieux nourrir le vivre qui nous habite
  • l’écologie, en tant qu’art du savoir-vivre en bonne entente avec l’environnement naturel.

 

Le bouddhisme accorde son importance à :

  • la vie spirituelle
  • la responsabilité individuelle
  • l’attitude envers la mort et le destin
  • la souffrance et sa diminution
  • la communauté et le réseau d’entreaide mutuelle formée entre les laïcs et les moines
  • la sérénité, qui est considérée comme une progression vers la libération des souffrances
  • la douceur, en tant que fondement de la non-violence, qui doit réguler les relations qui unissent les humains entre eux et à l’ensemble des formes vivantes
  • la prière et la méditation, qui sont considérées comme le seul moyen de parvenir à l’éveil, à la perception de l’illusion de la permanence de l’ego
  • la psychologie, en tant que compréhension du fonctionnement de la conscience.

 

A SUIVRE : « The Grandmaster », réalisé par Won Kar Wai (2013) : présentation et analyse filmique.

 

Sources : « Les Trois Sagesses Chinoises : taoïsme, confucianisme, bouddhisme » - Cyrille J.-D. Javary (2010).

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