Les trois sagesses chinoises # 2 : le confucianisme
14 sept. 2014LE CONFUCIANISME
« Les Entretiens » se composent de trois niveaux bien distincts.
Confucius était un personnage historique, dont on connaît bien la vie, la pensée, les défauts, les grandeurs et les mesquineries, grâce à un livre unique dans l’histoire de l’humanité par son impact : Les Entretiens de Lun Yu.
Des gens ordinaires ont décidé de faire des enseignements de Confucius, un mode de vie moral, allant jusqu’à braver la mort s’il le faut. Ce sont les Confucéens.
Le confucianisme est une morale de l’état se réclamant de ses idées, particulièrement le respect de l’autorité et l’obéissance à la hiérarchie, que développa le pouvoir impérial à partir de la dynastie des Han (2ème siècle av. J.C. - 2ème siècle ap.).
Durant la dynastie des Song (10ème et 13ème siècles), le néoconfucianisme apparaît telle une chape idéologique étriquée et étouffante qui aurait certainement révolté Confucius lui-même.
Hélas, cette pensée politique étatique fut la pensée dominante des Ming (1368-1644) jusqu’à la chute de l’empire des Qing (1644-1911).
Les deux premiers idéogrammes de son nom sont des titres honorifiques : « Kong Fu Zi » en chinois, latinisé en Confucius par les jésuites.
L’idéogramme « Confucius » signifie « Grand Maître Kong ». Ce qu’il y a de remarquable chez Confucius, c’est qu’il ne décrit ni extérieurement ni objectivement. Il ne parle pas de lui-même mais bien de ce qui l’anime, se résumant à un double mouvement : « La recherche, si ardente qu’il en oublie de se nourrir ; la joie d’y parvenir qui est si complète qu’il en oublie même la vieillesse ».
« Le Maître ne se décrit pas comme détenteur de sagesse ou de connaissances », mais seulement dans sa tension à perpétuellement s’améliorer.
Confucius a choisi comme trait dominant de son caractère l’enthousiasme (l’ardeur). Il se définit lui-même comme « animé par cette énergie passionnée qui le maintient dans une sorte de perpétuelle jeunesse ».
« Je n’éclaire que les enthousiastes ; je ne guide que ceux qui brûlent de s’exprimer ».
LUN YU, LES ENTRETIENS
« Nul livre, dans toute l’histoire du monde, n’a plus que « Les Entretiens » exercé, durant une aussi longue période, une si profonde influence sur tant d’êtres humains ». Ce petit recueil a inspiré tous les peuples de l’Asie orientale et est resté la pierre angulaire de la plus ancienne civilisation vivante de notre planète, la civilisation chinoise.
Utilisés indépendamment les deux caractères du titre original « lun yu » signifient, pour le premier, « examiner, discuter, choisir » et pour le second, « paroles, propos, dire, s’entretenir ». Ensemble, les deux idéogrammes signifient « choix de propos ».
« Qui ne connaît le mandat (du ciel), ne peut agir en être accompli. Qui ne connaît les rites ne sait comment se tenir. Qui ne connaît le sens des mots ne peut connaître les humains ».
PARTICULARITE DU STYLE DU LUN YU
Les propos de Confucius ne sont pas insipides mais incitatifs : ils demandent un effort de la part de celui qui les reçoit, ils doivent infuser. Lorsqu’il est interrogé, Confucius ne donne pas une solution, il répond par un propos qui a réflexion juste. Ses réponses ressemblent à celles qu’offrent le YI KING à celui qui l’interroge sur la bonne marche à suivre, consonance qui explique bien pourquoi l’attribution à Confucius de la totalité des « Commentaires canoniques » du « Classique des changements » a toujours paru une évidence pour les lettrés chinois. Le travail opéré par « Les Entretiens » se rapprocherait plus de celui de Socrate que de celui Platon. Confucius n’explique pas, il incite.
Confucius : « On t’enseigne une chose et tu es capable d’en déduire une autre ».
Confucius : « Quand j’ai soulevé un angle de la question si l’élève n’est pas capable d’en déduire les trois autres, je ne lui répète pas la leçon ».
Le propos confucéen partage le choix de la « brièveté » qui tend à rendre plus actif l’esprit de l’auditeur ou du lecteur. Sa parole laisse d’autant plus à penser qu’elle commence seulement à dire.
L’AMELIORATION DE SOI
Dans « La Grande Etude », un des grands textes confucéens, tiré de l’ancien « Livre des rites », attribué au petit-fils de Confucius : « Du fils du Ciel aux gens du peuple, pour tous il n’était qu’un seul et même principe : prendre comme fondamental le perfectionnement de soi-même ». Il s’agit d’un fondement indéniable dans l’enseignement de Confucius.
L’amélioration continuelle de soi n’est pas la recherche obstinée de la performance, mais plutôt la recherche tenace d’un développement progressif, de cette aptitude qui pousse les humains vers le bien tant pour eux-mêmes que pour les autres.
Mengzi (Mencius) développera l’idée confucéenne que chacun porte en soi cette propension, mais que la posséder ne suffit pas. Il faut également la cultiver, la faire tendre vers son épanouissement. Pour atteindre cet objectif, Confucius pense que le rite est une aide.
D’après Laozi, dans le chapitre 48 du Dao De Jing : « L’étude, c’est chaque jour un peu plus ». Ce que néglige Laozi, c’est que la conception confucéenne de l’étude n’est pas synonyme de plus d’efforts, mais d’une certaine rigueur dans le dialogue face à soi-même.
Maître Zeng (disciple important de Confucius) : " Chaque jour je m’examine plusieurs fois. Me suis-je fidèlement acquitté de mes engagements ? Me suis-je montré digne de la confiance de mes amis ? Ai-je mis en pratique ce qu’on m’a enseigné ? ".
L’ETRE ACCOMPLI
Confucius ne se soucie pas de savoir si l’être humain est naturellement bon ou mauvais. Une seule chose compte à ses yeux : « L’être humain est perfectible ».
Confucius : « Mon enseignement s’adresse à tous, sans aucune discrimination ».
Confucius a réussi à graver dans le cœur des Chinois, une indéracinable estime pour l’étude, la civilité, l’âge et la famille. Confucius s’était fixé la tâche de former des chevaliers laïques, qui tiendraient leur noblesse non de leur naissance, mais de leurs seules qualités morales.
Confucius donne à cet idéal novateur le nom de « jun zi », qui signifie « fils de noble » ou « noble sire ». Grâce à cette expression, Confucius pose ouvertement que chacun peut accéder au statut de « fils de noble » indépendamment de son « origine de classe », uniquement par cette propension qu’il appelle « étudier ».
Dans « Les Entretiens », le personnage de « jun zi » intervient souvent dans des parallélismes. Confucius ne répond jamais directement, il ne donne pas la solution mais préfère proposer (le choix entre deux attitudes dont l’une, adéquate, est attribuée au « jun zi », l’autre, dissonante, au « xiao ren », l’esprit petit, l’être mesquin, l’anti-modèle dont la seule utilité est de montrer ce qu’un confucéen digne de ce nom ne doit pas faire.
« Chacun suit sa pente, l’être petit en la descendant, le « junzi » en la remontant ». Dans la perspective du maître des Entretiens, le « junzi », c’est vous, c’est moi, c’est toute personne qui, PAR L’ETUDE, et notamment celle du YI JING, intègre une perception des situations qui lui permet de s’y comporter avec plus de justesse. Le « junzi » ne constitue pas un modèle par ses qualités innées, mais parce qu’il est devenu ce qu’il est, parce qu’il est accompli par lui-même.
Traduction dans le YI JING : L’Etre Accompli.
« Etre » et non pas « homme » car chaque être humain est concerné par cette tension vers l’amélioration ;
« Accompli » pour rappeler que c’est par le travail sur soi que l’on peut s’accomplir personnellement ;
Confucius disait : « C’est l’être humain qui peut agrandir le dao, ce n’est pas le dao qui peut agrandir l’être humain ».
LES SILENCES DE CONFUCIUS
Confucius se méfiait de l’éloquence ainsi que des beaux parleurs. Tout comme Laozi, il pensait que « la parole authentique n’est pas séduisante ». Comme beaucoup de Chinois, Confucius pensait que dans un message, ce qui n’est pas dit est au moins aussi important que ce qui est énoncé. Il est donc des sujets que Confucius n’abordent pas et d’autres dont il refuse de parler.
« Nous pouvons écouter et recueillir l’enseignement du Maître sur tout ce qui relève du savoir et de la culture, mais il n’y a pas moyen de le faire parler de la nature des choses, ni du dao céleste ».
« Le Maître ne traitait ni des prodiges, ni de la violence, ni du désordre, ni des esprits ». Confucius a toujours montré son refus des discours déconnectés de la réalité. Néanmoins, les sujets qu’il refuse s’éclairent d’eux-mêmes.
Les prodiges, le paranormal, le merveilleux, Confucius les laissent aux crédules et à ceux qui les exploitent.
D’où qu’elle vienne, la violence, surtout si elle provient du pouvoir, Confucius la proscrit. Confucius refuse de parler du désordre politique, ce contre quoi il s’est toujours battu.
Quant aux esprits, son attitude est plus nuancée. « Le Maître rejetait absolument quatre choses : les idées en l’air, les dogmes, l’obstination, le moi, c’est-à-dire l’ego. « Rejetait absolument » est un verbe fort évoquant une séparation totale et sans compromis.
Confucius refusait de discourir des « idées en l’air », parce qu’il considérait que seul compte ce qui est validé par la pratique, par les actes. Il refusait les dogmes parce qu’il rejetait tout ce qui ne tenait pas compte de la particularité des circonstances, de l’ensemble de la situation et des personnes qui y sont impliquées.
Pour le Maître, les exigences de la piété filiale l’emportent sans hésitation sur un principe général. « Le Chinois n’insiste pas sur les devoirs envers l’humanité en général, mais envers son père et sa mère ; c’est ce qui demande, en effet, un doigté et une vertu dont des saints sont à peine capables ».
Pour la même raison, Confucius rejette l’obstination, car savoir changer en fonction des circonstances est marque de justesse dans un monde où le changement est la norme.
Confucius fait remarquer que « seuls les gens suprêmement intelligents et les gens suprêmement bêtes ne changent pas ».
Quant au « moi », il y a toute chance qu’il s’agisse de l’égocentrisme, une manière d’être en complète opposition avec la tension vers autrui qui anime tant Confucius.
CONFUCIUS ET LES ESPRITS
Confucius se montrait réservé sur la métaphysique. Il prenait position concernant les pratiques religieuses d’une manière à la fois très simple et très humaine, ce qui pourrait constituer la maxime principale de tous ceux qui se sentent l’âme laïque : « Respecter les mânes et les esprits, tout en les tenant à distance ».
Les mânes et les esprits doivent être respectés non en vertu d’un quelconque pouvoir qu’ils détiendraient, mais parce que beaucoup de gens y croient. Tout comme pour les fantômes, la réponse de Confucius s’en tient au seul niveau humain.
Quelle que soit l’opinion personnelle de l’on puisse avoir sur cette question, il n’est pas juste de manquer de respect envers ce que les gens respectent avec sincérité. Mais il est mauvais d’en être prisonnier (tout en s’en tenant à distance). Confucius tient à distance les démons et les esprits « pour mieux parler aux humains car ils sont à la fois seule cause et seul remède à leurs malheurs ».
Il est également hors de question de feindre une croyance à laquelle on n’adhèrerait pas, ce serait de l’hypocrisie.
« Si je ne suis pas au sacrifice (avec mon cœur), c’est comme s’il n’y avait pas de sacrifice ». Le sacrifie n’a de valeur que parce qu’il est effectué dans un cadre social.
LE RITE
La gestion chinoise du rite requiert « un sens certain de l’improvisation, il demande de l’intelligence du geste et de la situation. Le rite pourrait être rapproché du « tact logique » dont parle Kant ».
Le rituel apporte de la souplesse aux comportements sociaux : « Sans le rituel, la courtoisie devient assommante, la prudence devient timidité, l’audace devient dangereuse, l’inflexibilité devient dureté ».
Le rite permet à chacun de trouver sa place, ou plus exactement de tenir SA PLACE, c’est-à-dire, de se comporter en fonction de la situation dans laquelle on se trouve. « Les Entretiens » regorgent de prises de position très claires : « Je n’ai pas d’idées préconçues sur ce qu’il est possible ou impossible de faire ».
« Dans les affaires du monde, l’être accompli n’a pas une attitude rigide de refus ou d’acceptation, le juste est sa seule règle ».
RITE ET RYTHME
« Les rites sont dans le temps ce que la demeure est dans l’espace. Car il est bon que le temps qui s’écoule ne nous paraisse point nous user et nous perdre comme la poignée de sable, mais nous accompli. Il est bon que le temps soit une construction. Ainsi, je marche de fêtes en fêtes et d’anniversaires en anniversaires et de vendanges en vendanges ». (Cf. Antoine de Saint-Exupéry).
Cette phrase explique une conception du rite qui peut paraître étrange : par sa simple répétition, le rite produit un effet d’entraînement moral. Dans des domaines aussi différents que la calligraphie ou les arts martiaux, l’apprentissage vise un même but : parvenir grâce à la répétition prolongée, à un geste parfaitement naturel.
Le naturel est celui dont parle Laozi au chapitre 25 du Dao De Jing. La pratique de la répétition, certifiée par une tradition, parvient à créer de la moralité dans une société, de la même manière qu’elle parvient à créer de l’efficacité (dans le combat) ou de la beauté (dans l’écriture). Grâce à l’intériorisation des rites, l’honnêteté est devenue une seconde nature, même sans les lois, elle incitera à agir comme il faut.
Pour Thomas Hobbes (philosophe britannique, 1588-1679), « l’homme est un loup pour l’homme » et que « par conséquent, il faut que sa violence soit contenue par la loi ».
Confucius pense que l’humain est un être naturellement social, car il naît dans un groupe familial et grandit dans l’attachement spontané entre parents et enfants. Le rite ne serait présent que pour renforcer et réguler cet élan affectif envers autrui.
L’impression que nous avons, que les Chinois auraient tendance à exagérer sur l’importance des rites, n’est finalement qu’une simple question de langage. Remplacer « rites » par « convenances sociales » (common decency) ou « mœurs civilisées », permet de saisir que les valeurs confucéennes se rapprochent de certains principes de philosophie politique inventés par le siècle des Lumières.
Montesquieu a notamment développé des notions proches de l’idée confucéenne. Confucius et Laozi partageaient une méfiance certaine à l’égard des lois. Pour Confucius, « la cohésion harmonieuse d’une société ne peut être assurée simplement par des dispositions légales, elle se fonde sur un commun respect des rites : « Gouvernez à force de lois, maintenez l’ordre à coups de châtiments, le peuple se contentera d’obtempérer sans éprouver la moindre honte. Gouvernez par la Vertu, harmonisez par les rites, le peuple non seulement connaîtra la honte, mais lui-même tendra vers le bien ».
Confucius pensait que les lois n’étaient pas forcément le meilleur moyen pour faire régner l’harmonie dans un Etat, parce qu’il a une confiance étendue en la moralité humaine ou plutôt, en son amélioration quand elle est bien guidée.
LE DEVOIR D’HUMANITE
Dans un idéal confucéen, le perfectionnement de soi est à la fois un but et une méthode. Ce but consiste à accéder à la meilleure part de sa nature propre pour être capable d’agir en vue du bien d’autrui autant que du sien. Cette phrase prend une place prépondérante dans la pensée de Confucius : le devoir d’humanité.
Pour Confucius, ce qui fonde la valeur essentielle du « ren », c’est le fait qu’il enracine dans le premier principe de la spiritualité chinoise, la piété filiale. Dans « Les Entretiens », trois disciples différents posent la même question : « Qu’est-ce que le ren ? » et Confucius y donne trois réponses différentes. Confucius préfère une réponse adaptée à chacun plutôt qu’une définition valable pour tous.
Confucius répondit au premier disciple : « Se dominer et en revenir aux rites, c’est ça pratiquer le « ren ».
Confucius répondit au deuxième disciple : « En public, se comporter comme face à un visiteur important. Diriger le peuple comme si on célébrait une grande cérémonie. Ne pas imposer aux autres ce qu’on ne voudrait pas pour soi-même ».
Confucius répondit au troisième disciple : « Le ren consiste à n’en parler qu’avec retenue. […] La pratique en est difficile, comment pourrait-on en parler sans retenue ? »
Ces trois réponses différentes reposent sur le même fond commun : la retenue rituelle, cette manière de savoir « se tenir ».
Un autre disciple obtint cette réponse de la part du Maître : « Celui qui pratique le ren commence par le plus ardu et ne récolte qu’en dernier lieu » ; « Aimez les gens » ; « Etre digne dans la vie privée, diligent dans la vie publique, loyal dans les relations humaines, même parmi les barbares ».
Autre conseil de Confucius : « Où que vous résidiez, mettez-vous au service des officiers des plus sages et liez-vous d’amitié avec les gentilshommes qui pratiquent le ren ».
« Qui saurait faire régner ces cinq choses : déférence, tolérance, bonne foi, diligence et générosité dans le monde entier, réaliserait le ren ».
- La déférence (considération très respectueuse que l’on témoigne à quelqu’un, traiter quelqu’un avec égard) garantit des insultes.
- La tolérance concilie tous les cœurs.
- La bonne foi suscite la confiance des gens.
- La diligence assure le succès, la générosité permet de commander aux autres.
Si Confucius donne tant d’importance à ce devoir d’humanité, c’est parce qu’il pense qu’il contient toutes les autres attitudes et pensées à cultiver envers les autres : l’amour d’autrui, le respect, la piété filiale, la sincérité, l’observance des rites, etc.
Cette idée est reprise par Mengzi (Mencius) : « Le devoir d’humanité, c’est d’être humain ».
« Agir de façon humaine, voilà ce qui nous humanise ».
Le devoir d’humanité n’est pas une vertu ou une qualité mais « une propension envers les humains qui inclut dans sa pratique la bienveillance, la tolérance, qui vont de paire avec la modestie, une attitude volontaire de mise en retrait de soi, dans le but d’une diminution des conflits potentiels avec autrui ».
Kant : « Ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse, ne l’inflige pas aux autres ».
Si l’humanité est le mot d’ordre de Confucius, il ne faut pas y voir une sorte d’amour universel qui serait applicable à tous sans distinction.
« Seul celui qui pratique le devoir d’humanité est capable d’aimer les humains (qui le méritent) et capable de haïr les humains (qui le méritent) ».
LA RESPONSABILITE PERSONNELLE
Confucius refuse le système légiste car il néglige la part qui revient à la personne. Pour Confucius, la loi punit quelqu’un pour une infraction sans que cette personne ait conscience qu’elle a mal agi. Cette punition, socialement justifiable, devient individuellement contre-productive, car elle n’offre pas à celui qui a mal agi, une possibilité d’amélioration. Se comporter de manière harmonieuse ou gouverner harmonieusement, cela ne fait guère de différence pour Confucius. Pour ce dernier, la politique est une extension de l’éthique.
Confucius : « Gouvernez avec droiture. Si vous menez droit, qui osera ne pas marcher droit ? »
Pour Confucius, fauter est normal, cela arrive à tout le monde. Ce qui est grave, c’est de ne pas savoir profiter de cette erreur pour s’améliorer.
« Commettre une faute et ne pas s’en corriger, c’est ça que j’appelle une faute ».
Confucius se garde de juger ce qui a été commis, qualifiant de fautif, uniquement le fait de ne pas s’en apercevoir (c’est à cela que sert l’étude) et surtout de ne pas faire le nécessaire pour ne plus commettre la même erreur. La seule faute pour Confucius, c’est de ne pas s’améliorer et pour lui, toute rencontre en est une bonne occasion.
« Prenez trois personnes au hasard des rues, elles auront nécessairement quelque chose à m’enseigner. Les qualités de l’un me serviront de modèle, les défauts de l’autre, d’avertissement ».
La responsabilité morale telle que l’entend Confucius est toujours dirigée vers soi-même, jamais elle ne s’érige en contrainte à imposer aux autres.
« Si tu vois quelqu’un qui se conduit bien, imite-le, si tu vois quelqu’un qui ne se conduit pas bien, cherche en toi en quoi tu lui ressembles ».
Confucius revient très souvent sur la notion de faute.
CONFUCIUS ET LES FEMMES
« La populace et les femmes sont difficiles à éduquer et poussées par de mauvais instincts ».
« Seulement les femmes et les gens de peu sont difficiles à éduquer ; on s’approche d’eux, ils ne vous respectent pas, on s’éloigne d’eux, ils en ont du ressentiment ».
« Seuls les femmes et les hommes de peu sont difficiles à éduquer. Tenus trop proches, on ne peut se faire obéir ; trop à distance, ils vous détestent ».
Le problème auquel répond Confucius (loin d’être misogyne) est relationnel et social, il ne concerne pas les relations entres les sexes, ni ne comporte une opinion envers les femmes. Quand il s’agit de gérer les relations avec des subordonnés, il faut, à chaque occasion, trouver le juste milieu entre humanité et hiérarchie.
MENGZI (MENCIUS), CONTINUATEUR DE CONFUCIUS
Mengzi (380-301 av. JC) est le premier véritable continuateur de Confucius. Mengzi était un moraliste rigoureux qui luttait contre les dérives de son époque, il était :
contre les légistes et leur pragmatisme amoral fait de récompenses et de châtiments mécaniquement administrés à une population écervelée,
contre les théoriciens de la guerre et leurs développements stratégiques qui font peu de cas des centaines de vies humaines fauchées sur le champ de bataille,
contre les économistes agrairiens pour qui les valeurs non marchandes sont inexistantes,
contre les utopistes proto-taoïstes qui ne songent qu’à leur propre conversation corporelle et même contre certains confucéens qui sont déjà devenus des automates du rituel.
La position majeure de Mencius était : la puissance de la vertu qu’il enracine dans le présupposé de la bonté naturelle de l’être humain. Pour lui, la vertu est la seule source de la légitimité politique du souverain : celui-ci ne règne qu’en vertu du « mandat du ciel ». Ce mandat, le souverain le tire du ciel lui-même, c’est-à-dire, « des yeux et des oreilles du peuple », qui par ressentiment, lui remet la puissance. C’est le peuple qui décide. Pour Mengzi, il n’y a pas de souverain de droit divin et le régicide n’est déterminé que par la qualité du souverain.
LE TAI JI
Zhou Dunyi (1017-1073) assoit le néoconfucianisme comme nouvelle cosmologie, basée sur une phrase du Grand Commentaire du Yi Jing, dans laquelle est racontée la naissance des huit figures primordiales à partir d’une première appelée « tai ji » : « Dans le Yi Jing, il y a le « tai ji ». De ce fait, naissent les principes couplés. De ces principes couplés, naissent les quatre images. De ces quatre images naissent les huit figures ».
Le premier idéogramme, « tai », évoque l’idée d’extrême. Le second évoque la poutre faîtière d’un bâtiment. L’expression « tai ji » est à comprendre telle l’évocation du « Grand retournement » qui, à l’aboutissement de tout mouvement « yin » ou « yang », se transforme en son pendant.
Zhu Xi (1130-1200) ajoute une représentation visuelle, dessin très répandu en Occident, où on le nomme « dessin du Tao » (ce qui semble curieux, puisque que le dao n’est pas représentable).
Zhu Xi donne à sa vision philosophique le nom de « dao xué », qui signifie « l’étude du dao ».
Selon Ivan Kamenarovic, « étant deux aspects indissociables d’une même et unique réalité profonde, « yin » et « yang », repos et mouvement, fonction et constitution, souffle-énergie et principe-structure, figurent un ensemble qui n’est ni physique, ni métaphysique, ni immanent, ni transcendant ».
Cet ensemble repose sur un axe à la fois totalement absent du Yi Jing et en même temps, sur une évidence absolue pour Zhu Xi : la dévalorisation systématique du « yin ».
Pour Zhu Xi, le souffle-énergie (qi) est à l’origine de l’individualisation des êtres et donc de leurs différences et inégalités. Ce souffle-énergie varie par degrés selon l’individu, de l’opaque au lumineux, du froid au chaud, du lourd au léger, du granulaire au fin, du pur au turbide (trouble), suivant la prédominance du « yin » (énergies femelles, liées à l’obscur, au passif, à l’intérieur) ou du « yang » (énergies mâles, liées au lumineux, à l’actif, à l’extérieur).
« Les éléments « yin » empêchent la principe-structure (li) de s’actualiser et de se manifester complètement, alors que les éléments « yang » le permettent. Sous cet angle, le souffle-énergie est à l’origine du mal du monde.
A SUIVRE : Le Bouddhisme
Sources : « Les Trois Sagesses Chinoises : taoïsme, confucianisme, bouddhisme » - Cyrille J.-D. Javary (2010).