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La Guerre des Mondes (Byron, Haskin, USA, 1953)

Au siècle de la révolution industrielle, la science-fiction naît en Europe au 19ème siècle, phénomène littéraire lié à l’industrialisation, elle-même liée à l’avènement du libéralisme économique.

Définition de l’industrialisation

C’est l’émergence des grandes entreprises dans les villes, la modification des conditions de vie, le changement dans l’habitation et le réaménagement de la ville moderne et de l’espace, un lieu nouveau où se déploient des rapports sociaux profondément transformés.

Cette révolution connote également le triomphe de la technique et de la science (cf. technoscience). Avec le progrès des nouvelles technologies, il apparaît de nouvelles conceptions et organisations du travail.

Apparition de la science-fiction : Perspective abstraite

La science permet de comprendre la nature et ses phénomènes ainsi que de construire des machines. La science « permettrait » également de devenir maître et possesseur de la nature, ce qui signifie deux choses :

  1. D’abord, l’être humain va pouvoir aller plus loin, plus haut, quitter la Terre et conquérir l’espace, découvrir de nouvelles planètes et même de nouvelles galaxies.

 

  1. Ensuite, la technoscience permettra d’améliorer la vie de l’humanité sur cette terre, ici et maintenant : réduction des inégalités en ce qui concerne les conditions d’existence, possibilité pour chacun de travailler et de vivre décemment dans des conditions dignes et avec le minimum de confort. C’est le grand optimisme de H.G.Wells qui, ensuite, sera critiqué par Orwell.

Herbert Georges Wells (1866-1946, GB) fût un écrivain britannique connu pour être l’auteur de romans de science-fiction, mais également de romans de satire sociale, de réflexions politiques et sociales. Il est considéré comme le père de la science-fiction contemporaine.

Bibliographie : La Machine à explorer le temps (1895), L’Ile du docteur Moreau, L’Homme invisible, La Guerre des mondes (1898), Les Premiers hommes dans la Lune (1901), Au temps de la comète

Jules Verne (Nantes, 1828-Amiens, 1905) fût un écrivain français dont l’œuvre est principalement constituée de romans d’aventures utilisant les progrès scientifiques du 19ème siècle.

Bibliographie : Cinq semaines en ballon (1863), Voyage au centre de la Terre, De la Terre à la Lune, Vingt mille lieues sous les mers, Autour de la Lune (suite de De la Terre à la Lune), Le Tour du monde en quatre-vingts jours (1870), Michel Strogoff, Les Indes noires, Les Tribulations d’un Chinois en Chine, Voyages extraordinaires, Le Château des Carpathes (1892),  L’Invasion de la mer

George Orwell alias Eric Arthur Blair (1903-1950, GB) fût chroniqueur, critique littéraire, romancier et journaliste britannique dont l’œuvre porte la marque de ses propres engagement : lutte contre l’impérialisme britannique, lutte pour la justice sociale, lutte contre les totalitarismes nazi et soviétique. Dans 1984, « Big Brother (is watching you) » est le nom du personnage qui illustre son roman, expression anglophone, qui est depuis rentrée dans le langage courant français, et qui est utilisée pour désigner toutes les institutions et pratiques portant atteintes aux libertés fondamentales et à la vie privée des populations et/ou des individus.

Concept d’aliénation : Perspective concrète, sociale et politique

Friedrich Engels (Allemagne, 1820-1895, GB) fût un philosophe et un théoricien socialiste et communiste allemand. Militant de la Ligue des communistes et de l’Association internationale des travailleurs.

Karl Marx (Allemagne, 1818-1883, GB)  fût un historien, journaliste, philosophe, sociologue, économiste, essayiste, théoricien de la révolution, socialiste et communiste allemand. Marx est connu pour sa conception matérialiste de l’histoire, description des rouages du capitalisme, activité révolutionnaire au sein du mouvement ouvrier. L’ensemble des courants de pensée inspirés des travaux de Marx se nomme le marxisme. Ce mouvement eut une grande influence sur le développement des sciences sociales.

Perspectives d’Engels (Cf. Condition du travail et de vie de la classe ouvrière en Angleterre) ainsi que celles de Marx :

L’industrialisation et le progrès de la science sont considérés comme un mouvement au sein duquel l’humanité devient étrangère à elle-même. C’est le sens littéral du mot « aliénation ».

L’industrialisation est liée à une nouvelle vision du travail et des rapports économiques, vision fondée sur la différence entre le capital et le travail, et qui véhicule les concepts de productivité, d’efficacité et de rentabilité. Ceci constitue un nouvel idéal propre à la vision libérale de l’économie.

L’industrialisation, c’est le machinisme qui exclut la spécialisation du travail ainsi que sa trop grande difficulté physique (mais n’en reste pas moins fatigant et meurtrier). Cette industrialisation est liée à l’apparition d’un phénomène inconnu jusqu’ici : la paupérisation.

« La paupérisation est une nouvelle forme de misère, car elle est la misère de celui qui travaille et qui participe à la productivité, alors qu’auparavant on opposait travail et misère. La paupérisation, c’est la pauvreté de ceux qui travaillent et dont le salaire ne permet pas de sortir d’un état dans lequel les conditions de vie ne satisfont pas aux règles d’hygiène et de propreté élémentaires ».

Apparaît alors une « science-fiction naissante », utopique, apolitique et idéaliste, qui n’est ni sociale ni politique. Elle semble être conforme à une alternative qui envisage les choses d’un point de vue du droit.

Cette « science-fiction naissante » prend une direction qui s’invente des avenirs de l’humanité et de l’existence d’autres formes de sociétés humaines.

Dans le livre de H.G. Wells adapté par W. Cameron Menzies en 1936, Thing to Come, « ce qui importe n’est pas l’organisation sociale effective avec les maux et les inégalités qu’elle engendre, car c’est la description d’un espace public modifié par la technologie et d’un esprit transformé par une science qui ouvre sur des possibilités inconnues de l’être humain contemporain. […] Dans cette première direction, il apparaît évident que le progrès social et la science vont de pair et sont étroitement corrélés l’un à l’autre. »

Qu’est-ce que la science-fiction ? Tentative de définition

Ce qu’elle n’est pas : une construction d’un ailleurs, d’un au-delà, de la société humaine et un autre type de société, comme le montre la mise en évidence du lien qui unit la science-fiction (SF) et l’industrialisation.

La science-fiction est liée à la prise de conscience des possibilités qu’ouvre la technoscience à l’humanité.

La SF est un récit dont l’exposition du fonctionnement de la société future passe au second plan et est subordonnée à une intrigue qui est première. La SF se présente donc telle une fiction avant tout narrative.

Frankenstein (Mary Shelley, 1818), les romans fantastiques et d’aventures de Jules Verne en France (Le Tour du monde en quatre-vingts jours, Voyage au centre de la Terre) et les écrits de H.G. Wells en Angleterre, constituent les premières œuvres de SF dont la préoccupation essentielle était la science ; ainsi que la question de savoir en quoi celle-ci pouvait modifier la nature en général et la nature de l’être humain en particulier.

La SF présente toujours un moment situé dans le temps et est intimement liée à un sens historique.

Science-fiction = progrès + science = rationnalité.

La SF est tournée vers le futur de l’humanité et voit, contre toutes religions, le progrès des sciences et des techniques et fait avancer les mœurs. La SF met en avant la capacité qu’a l’être humain de s’arracher à la nature (voire à sa propre nature) et à vouloir la maîtriser.

Par exemple, dans la saga Star Wars (Lucasfilms, 1977-2018, USA), deux mondes différents cohabitent :

  • D’un côté, il y a l’influence de l’éthique samouraï et de la légende arthurienne : existence des Jedi et des Sith, qui possèdent un savoir accessible qu’aux initiés, c’est-à-dire, une sagesse irréductible à toute science, avec un itinéraire dont les étapes nécessitent une longue préparation. Omniprésence d’une nature immense sur laquelle on doit se régler.
  • De l’autre côté, la dimension « high-tech », avec une technoscience à l’avant-garde, des engins plus rapides que la lumière et des armes de pointe, avec une opposition entre l’empire autoritaire et la démocratie moderne.

Dans la première trilogie :

  • Star Wars Episode IV : un nouvel espoir (Georges Lucas, 1977) ;
  • Star Wars Episode V : l’empire contre-attaque (Irvin Kershner, 1980) ;
  • Star Wars Episode VI : le retour du Jedi (Richard Marquand, 1983),

il est question de cet élément mystérieux, irrationnel, c’est-à-dire, incompréhensible par la science, qu’on appelle la « force » et qui relève d’une union mystique avec le grand tout (la conscience de l’Univers), d’une communion avec la nature au terme d’un itinéraire initiatique.

Dans la seconde trilogie (réalisée par Georges Lucas) :

  • Star Wars Episode I : la menace fantôme (1999) ;
  • Star Wars Episode II : l’attaque des clones (2002) ;
  • Star Wars Episode III : la revanche des Sith (2005) ;

« la force » est devenue l’objet d’une connaissance scientifique. Dans cette trilogie, il est question de midi-chloriens présents dans le sang et observables, dans lesquels se résout la force. Cette dernière n’a plus rien de magique et le discours explicite des films relève implicitement du triomphe de la science.

Quant à Avatar (James Cameron, 2009, USA), le film constitue un mélange de SF et de Fantasy. James Cameron mêle deux mondes, deux types de civilisation mais aussi deux types d’images qui leur correspondent :

  • Le monde des êtres humains : monde de la SF, monde futur avec sa technologie avancée mais où les comportements des Hommes n’ont manifestement pas évolué. Monde sans terre, puisque nous voyons une humanité errante, violente et nocive, voire toxique, avec une élite qui habite dans des vaisseaux spatiaux comme dans Elysium (Neill Blomkamp, 2013, USA), qui a pourrit la planète d’immondices et de déchets tant et si bien qu’ici, c’est l’intelligence artificielle qui est chargée de nettoyer comme dans Wall-E (Andrex Stanton, 2008, USA) ; qui a détruit sa patrie mais qui essaye de trouver quand même un remède comme dans World War Z (Marc Forster, 2013, USA) ; qui cherche à habiter sur une autre planète (voir l’actualité du moment à propos de la conquête spatiale : « Les dix planètes que vos descendants pourraient coloniser ») mais qui en a déjà marre d’être sur Mars parce qu’il n’y a pas de burgers, comme dans Red Planet (Antony Hoffman, 2000, USA/Australie) ; qui cherche quand même à coloniser d’autres planètes au détriment du danger et de l’inconnu comme dans Solaris (Steven Soderbergh, 2002, USA), ou comment philosopher pendant une heure trente sur « Qu’est-ce que la conscience ? ». Le corps humain n’est pas indispensable dans le cosmos quand il n’est question que de conscience ! Ou comme dans Alien Covenant (Ridley Scott, 2017, USA/GB), où il faut d’ores et déjà son kit de terraformation peu importe si la planète est déjà habitée ou pas. Ou encore, comme dans la mini-série Mars (créée par Ben Young Mason & Justin Wilkes, 2016, USA), dont le récit est inspiré du roman écrit par Stephen Petranek, intitulé : « How we’ll live on Mars ? », où l’être humain, envers et contre tout, a posé le pied sur Mars et il y a même trouvé de l’eau ! C’est Elon Musk qui va être content !

 

  • Le monde virtuel/numérique : monde dans lequel le héros se dédouble et évolue dans son avatar. C’est celui de la planète Pandora, avec ses fabuleuses ressources et sa nature qui n’a pas été violée par les habitants, les Na’vi qui, EUX, ont su vivre en accord avec leur planète. C’est la nature valeur, respectée au sens littéral du mot par des individus qui ne font qu’un avec elle et qui ont su préserver cette continuité entre l’esprit et la manière. La préservation de cette continuité équivaut à la prise de conscience, contre les dichotomies (et donc les oppositions) scientifiques proprement humaines (l’être humain et la nature, la matière et la conscience), du fait que la nature est elle aussi animée, comme dans Final Fantasy, les créatures de l’esprit d’Hironobu Sakaguchi & M. Sakakibara (USA/Japon, 2001). La forme de savoir des Na’vi qui équivaut à ce que la rationalité scientifique pose comme son autre sous le terme de « magie ». Le cœur de la forêt, lieu essentiel de Pandora, le sanctuaire avec ses lianes bleues dotées d’un mouvement irréductible à tout mécanisme, où la communion entre les êtres et la nature peut parvenir à réveiller les morts.

« La SF ne surgit pas seulement en rapport avec la science, mais en rapport avec un idéal d’éducation qui émerge également à ce moment-là. Si l’idée d’éducation est aussi vieille que celle de la rationalité, l’idée nouvelle du 19ème siècle est celle de l’éducation pour tous, donc celle de la communication des vérités : celle d’un savoir auquel n’importe qui peut de droit accéder. »

 

A SUIVRE : LE CINEMA DE SCIENCE-FICTION PART 2

Source : Le cinéma de science fiction - Eric Dufour

Phoebe : « Stay open mind & explore the universe »

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