LE CINÉMA DE SCIENCE-FICTION # 4 : La conquête de l'espace dans le cinéma de SF Part 2
26 mars 2019
LE CINÉMA DE SCIENCE-FICTION # 4 : LA CONQUETE DE L’ESPACE DANS LE CINÉMA DE SF PART 2
LE COSMOS
« Folie de l’espace ? Peur de la nuit absolue ? Du silence absolu ? De l’absolu d’un univers sans commencement ni fin ? » - (Cf. IAM - « Le Cosmos »)
L’introduction de cette chanson écrite par un groupe de rap français aux grandes influences taoïstes, rappelle ce qu’est le cosmos : un espace sombre, froid et infini qui nous fait peur.
Ce qui fait du cosmos un concept scientifique propice au fantastique car constitué d’un monde comportant de nombreuses situations inconnues et déstabilisantes de la conception du monde et de l’espèce humaine.
Du « Voyage dans la Lune » (1902, Fr) de Georges Méliès, où le père des effets spéciaux explore notre satellite, jusqu’à « Under the Skin » (Jonathan Glazer, 2014, GB/USA/Suisse), en passant par « Prometheus » (Ridley Scott, 2012, USA), dans lequel le cinéaste ne cessera de poser clairement la question tout au long de son film : « D’où venons-nous ? », la question de visiter d’autres mondes dans d’autres galaxies reste identique. Par ailleurs, le cinéma n’a pas cessé de se poser cette question existentielle qui reste d’actualité et surtout sans réponse (pour l’instant) !
Le traitement du sujet a tout de même considérablement évolué et cette évolution tient à plusieurs éléments.
D’une part, l’évolution technique du cinéma permet de traiter ce thème de manière différente. D’autre part, les connaissances humaines en astrophysique et planétologie se sont considérablement développées depuis les années 90, ainsi que depuis 1995 la découverte de nouveaux systèmes solaires appelés exosystèmes (Découverte le 6 octobre 1995 du système binaire 51Pegasi situé à 51 années-lumière soit environ 15 parsecs ; 51Pegasi-b est une exoplanète gazeuse) et de nombreuses planètes, nommées exoplanètes, telluriques et gazeuses. Mais surtout, et fait très intéressant pour l'avenir de la l'espèce humaine, parfois ces exoplanètes observées sont listées, répertoriées et classées, tant et si bien que les Etres Humains ont également découvert des exoplanètes potentiellement habitables voire habitables, du moment qu'il y ait une atmosphère et de l'eau. Et c'est ce dont on s'aperçoit en regardant tous les films de science-fiction contemporains : la nouvelle conquête spatiale a repris du regain et d'après les données l'aventure spatiale ne fait que continuer !
De nos jours, l’angoisse de l’inconnu est plutôt mise en avant, souvent accompagnée d’une idée sous-jacente de conquête invasive et de domination militaire, imitant les tristes événements d’exploitation humaine qui ont pu avoir lieu sur la planète Terre (« Stargate », Roland Emmerich, USA, 1995) ou par comparaison sur la planète Pandora (Avatar, James Cameron, USA, 2009).
Le cosmos n’a pratiquement pas été représenté au cinéma avant la Deuxième Guerre mondiale. Cette angoisse de l’inconnu prend réellement son essor avec les débuts de la conquête spatiale, qui coïncide avec la Guerre froide (seconde moitié du 20ème siècle) et la peur supplémentaire de l’avance soviétique avec le lancement de Spoutnik, le 4 octobre 1957.

LES MONDES EXTÉRIEURS
Sociétés humaines ou non humaines :
Principe mis en scène par Fritz Lang avec « Metropolis » (Allemagne, 1927) mais également par Terry Gilliam dans « Brazil » (GB, 1985), par Michael Radford dans « 1984 » (GB, 1984) ainsi que par Alex Proyas dans « Dark City » (USA, 1998). Tous ces films décrivent des sociétés « terrifiantes » et « aliénantes », différentes de la société des humains. Tous ces films sont également d'admirables, et parfois subtiles, critiques des sociétés humaines contemporaines, quelles qu'elles soient sur le globe.
Ce principe a été décliné au sein de films de fin du monde ou d’après fin du monde, comme par exemple dans « Le Jour où la terre s’arrêtera » de Scott Derrickson (USA , 2008) ou dans « Le Jour d’après » de Roland Emmerich (USA, 2004), tous des remakes remis au goût du jour, films dans lesquels les êtres humains reconstituent une société à leur image, image qui varie selon la conception de la société qui produit le film.
Les sociétés extraterrestres ont toujours eu du mal à être représentées au cinéma, à part dans « Star Trek » (Robert Wise, USA, 1979), « Battleship Galactica », « Stargate, la porte des étoiles », « Total Recall » ainsi que dans « H2G2, le guide du voyageur intergalactique », film dans lequel la planète Terre apparaît comme insignifiante et ennuyeuse.
LES MONDES INTÉRIEURS
Les mondes intérieurs représentent la psychologie des personnages, leur âme. Le meilleur exemple des mondes intérieurs est traité dans « L’Etrange cas du Docteur Jekyll et de Mister Hyde » (1886), roman écrit par Robert Louis Stevenson et largement adapté au cinéma.
LES CRÉATURES
« La Planète des vampires » de Mario Bava (Italie, 1965) est un film qui inspira « Alien » de Ridley Scott (USA, 1979).
Grâce à la série télévisée « X-Files, aux frontières du réel » (Chris Carter, USA, 1993-2002), dont le fil conducteur est la fameuse phrase de l’agent Fox Mulder : « I want to believe » (« Je veux croire »), les différentes versions d’invasions d’extraterrestres ont été remises au goût du jour. Ces thèmes ont été largement exploités durant les années 1950/60 avec des séries telles que « Doctor Who », « La Quatrième dimension » (« The Twilight Zone » en VO) et « Au-delà du réel ».
Mais qui sont ces créatures, bonnes ou mauvaises, belliqueuses ou pacifiques, qui hantent nos films et nos séries télévisées (et apparemment aussi l’espace) ?
C’est ainsi qu’il est possible de réunir la fiction et la réalité, entraînant indubitablement une autre question : « La vie existe-t-elle ailleurs ? »
Certains films cumulent ces quatre principes tels que la saga des « Star Wars » (George Lucas, USA, 1977, 1980, 1983, 1999, 2002, 2005) ainsi que dans « Le Cinquième Elément », réalisé par Luc Besson (France, 1996).

QUAND LA FRONTIÈRE RÉALITÉ/FICTION DEVIENT FLOUE
Aujourd’hui, de nombreux films nous racontent des mondes possibles dont les récits s’éloignent de plus en plus de la fiction pour rejoindre une réalité existante et actuelle.
Selon Francesco Casetti, théoricien du cinéma, « le cinéma sait, par nature, surtout donner corps à l’imaginaire. Il n’apparaît pas sur l’écran le monde qui nous entoure, évident et concret, mais un univers nouveau au sein duquel se mélangent des objets communs et des situations anormales, des faits établis, et des entités irréelles, des comportements habituels et des logiques surprenantes. Le cinéma ouvre un nouvel espace au sein duquel beaucoup de choses apparaissent, bien au-delà de ce qui nous entoure ».
LES ANNÉES 50 & LA NAISSANCE DU FILM DE SCIENCE-FICTION
Le film de SF et les studios
Le cinéma de SF est un genre qui naît aux USA dans les années 50. L’émergence de ce genre nouveau est liée à la perte de pouvoir des grands studios : apparition d’un nouveau type de public et d’un nouveau type de diffusion : les adolescents et les drive-in (projection en plein air).
Dans les années 50, quasiment tous les films de SF sont produits par de petites compagnies.
Premier film de SF de la MGM :
- Planète interdite, sorti en 1956 (Fred McLeod Wilcox, USA),
- La Machine à explorer le temps, sorti en 1960 (George Pal, USA)
- Le Village des damnés, sorti en 1960 (Wolf Rilla, GB)
Paramount :
- La Guerre des mondes, sorti en 1953 (Byron Askin, USA)
- Conquest of Space, sorti en 1955 (Byron Askin, USA)
- I married a Monster from Outerspace, sorti en 1958 (Gene Fowler Jr., USA)
20th Century Fox :
- Le Jour où la terre s’arrêta, sorti en 1951 (Robert Wise, USA)
- La Mouche noire, sorti en 1958 (Kurt Neumann, USA)
Warner Bros :
- The Beast from 20 000 fathoms (VF : Le Monstre des temps perdus), sorti en 1953.
- Them!, sorti en 1954 (Gordon Douglas, USA)
RKO :
- The Whip Hand, sorti en 1951 (William Cameron Menzies, USA)
Columbia :
- The Lost Planet, sorti en 1953 (Spencer Gordon Bennett)
- Earth vs Flying Saucers, sorti en 1956 (Fred F. Sears, USA ; VF : Les Soucoupes volantes attaquent)
- Have Rocket, sorti en 1959 (David Lowell Rich, USA)
Le genre cinématographique de SF s’est créé en marge des grands studios, car ce fut au début un cinéma marginal, tout comme le cinéma gore, au sens économique du terme. Le film de SF relève au mieux de la série B et au pire de la série Z.
Exemple : Plan Nine from Outerspace (Ed Wood, USA, 1958)
Emergence du genre au sens où, pour la première fois, une multiplicité de films, non seulement vont se donner explicitement comme « des films de SF », mais aussi prendre pour objet le thème de SF, à commencer par les thèmes de la conquête de l’espace, de la vie et de l’invasion extraterrestres, thèmes qui étaient auparavant exceptionnels dans le cinéma américain.
D’autres thèmes, liés à l’air du temps, surgissent, et en particulier la question des mutations produites par la technoscience (l’arme atomique) sur les différentes espèces animales. Si tous ces thèmes prennent leur envol, c’est qu’il y a non seulement des producteurs pour financer de tels films, mais aussi désormais un public pour aller les voir. Il y a également un contexte culturel et politique qui n’est plus le même et qui rend de tels thèmes populaires.
C’est l’époque de la Guerre froide et de la guerre technologique entre les États-Unis et l’URSS. C’est un fait important, car la conquête de l’espace devient l’objet de la rivalité entre les deux puissances et c’était encore le cas en 2013 avec des films tel que Gagarine, first in space (Pavel Parkomenkho, Russie, 2013). Cela apparaît très nettement également dans Destination Moon (Irving Pichel, USA, 1950), dont c’est la toile de fond : un des premiers mots du film évoque le « sabotage » par les ennemis d’une fusée US qui doit aller sur la Lune. La première séquence de ce film se passe dans une base militaire où s’effectue dans le plus grand secret et avec la plus grande protection, la construction de la fusée et les essais. Ce contexte de guerre froide existe aussi dans certains films ouvertement anticommunistes. Il existe une multiplicité de sous-genres du film de SF…

A SUIVRE : Le cinéma de SF # 5 : La conquête de l’espace dans le cinéma de SF part 3
Sources & bibliographie (liste non exhaustive) :
- Cf. « Le Cosmos » in LP « Ombre est Lumière » - IAM, rap français, 1993
- Cf. « Science & Vie » n°1157 : « Voie Lactée : 9 milliards de planètes habitables ! » - Février 2014
- Cf. « Destination Science » n° 10 : « Conquête spatiale » - Juillet, Août, Septembre 2014
- Cf. « Science & Univers » n°13 : « Exoplanétologie, des milliards de planètes habitables » - Septembre, Octobre, Novembre 2014 »
- Cf. « Le Monde des Sciences » n° 8 : « Les nouveaux monstres du cosmos » - Avril, Mai 2013
- « Petit dictionnaire des amoureux du Ciel et des Etoiles » - Trinh Xuan Thuan - 2009
- « Les théories du cinéma depuis 1945 » - Francesco Casetti - 1993
- « Fantastique et Science-fiction au cinéma » - Alain Pelosato - 1999
- « Hollywood : la norme et la marge » - Jean-Loup Bourget - 1998
- « Les genres au cinéma : 2ème édition » - Raphaëlle Moine - 2008
- « Le cinéma de science-fiction » - Eric Dufour - 2011