CONNAISSANCE DU COSMOS #5 : SOMMES-NOUS SEULS DANS L'UNIVERS ? - Part 1
06 janv. 2020La vie extraterrestre a peu de chances de nous ressembler.

"A la recherche de la vie extraterrestre"
La Voie lactée se compose d'environ cent milliards d'étoiles et chacune abrite deux planètes en moyenne. Depuis la découverte de la première exoplanète (1995), 51 Pegasi, la question philosophique "sommes-nous seuls dans l'Univers ?" a engendré de multiples questions scientifiques.
"Qu'est-ce qu'un environnement habitable ? Combien en existe-t-il ? Comment les reconnaît-on ? Comment détecter une vie intelligente ?"
La démarche de la quête d'une vie extraterrestre est-elle une vraie question scientifique ?
La vie extraterrestre est un thème de recherche regroupant de nombreuses disciplines scientifiques et qui pose une autre interrogation, autant philosophique que scientifique, qui est celle de savoir ce qu'est la vie ?
La quête d'une vie extraterrestre fait rêver le grand public et elle s'ancre dans des domaines tels que l'astronomie, l'astrophysique, la biologie, la géologie, etc. Selon Nathalie Cabrol, astrobiologiste et directrice du Carl Sagan Center (USA), nous ne sommes pas seuls dans l'Univers. Mais, cette recherche de la vie extraterrestre est prise entre "l'imagination débordante des auteurs de SF, la frustration associée à la lenteur de la démarche scientifique et la longue histoire de la désinformation".
Le Carl Sagan Center est un organisme chargé d'étudier la présence de la vie dans l'Univers et possède des divisions de recherche : astrobiologie, climat et sciences de la Terre, exoplanètes, exploration planétaire, l'institut SETI qui est une division consacrée à la recherche de communication extraterrestre, astronomie et astrophysique. Ce qui nuit le plus à cette recherche est le folklore construit autour "des petits hommes verts et des soucoupes volantes", "la quantité invraisemblable de canulars qui circulent sur le sujet" ainsi que les fausses alertes.
La recherche de la vie extraterrestre a débuté il y a 50 ans avec la création du SETI qui, à l'époque, pointait des radiotélescopes vers l'espace en espérant capter une communication en provenance d'une intelligence extraterrestre.
Une des activités du SETI consiste en la tentative de capter un signal radio ou optique émis de façon délibérée ou non par une civilisation technologiquement avancée. En 20 ans, certains domaines ont connu une véritable révolution : explosion du nombre de données disponibles dans l'exploration spatiale, les exoplanètes, la biologie évolutive, les neurosciences, les technologies de l'information et de la communication, l'astrobiologie ainsi que les techniques de traitement des données.
"Une nouvelle ère s'ouvre à la recherche de la vie dans l'Univers. Le but est désormais de comprendre comment la vie intelligente interagit avec son environnement." - Nathalie Cabrol, astrobiologiste.
Trois questions restent fondamentales :
- Quelles sont l'abondance et la diversité de la vie intelligente dans l'Univers ?
- Comment les espèces intelligentes communiquent-elles ?
- Comment peut-on détecter la présence de vie intelligente ?
C'est en répondant à ces questions que les disciplines sus-citées peuvent faire des progrès constants dans la recherche.
L'exploration planétaire permet de comprendre les exoplanètes, qui sont nombreuses. Il n'existe pas seulement une zone habitable autour d'une étoile mais des "environnements potentiellement habitables".
"Le Système solaire, bien qu'assez singulier, n'est qu'un système stellaire parmi une infinité d'autres. Statistiquement, il est devenu vraiment difficile de penser que nous pourrions être seuls dans l'Univers". - Nathalie Cabrol
D'après l'astrobiologiste du Carl Sagan Center, les scientifiques peuvent concevoir d'autres questions pour savoir qui sont les autres. Pour se faire, il est essentiel de reformuler la question philosophique originelle "sommes-nous seuls dans l'Univers ?" en une série de questions scientifiquement quantifiables.
Par exemple, grâce à la question "quelle est l'abondance de la diversité de la vie intelligente dans l'Univers ?", les chercheurs peuvent commencer par quantifier le nombre d'environnements potentiellement habitables. De nos jours, les scientifiques cherchent la vie telle qu'ils la connaissent sur Terre, normal, car c'est ce qui nous est le plus familier.
"Quels types d'environnements peuvent promouvoir l'évolution de la vie simple vers la vie complexe, et l'évolution de la vie complexe à l'intelligence et la technologie ?"
L'évolution de la vie et celle de l'environnement sont étroitement liées.
"L'environnement planétaire établit des contraintes physico-chimiques dans lesquelles la vie peut se développer mais dès qu'elle apparaît, elle modifie son environnement." - Nathalie Cabrol
Ces contraintes ont pour principale conséquence que chaque monde est une expérience planétaire unique. Tout cela pour dire que la vie extraterrestre a peu de chances de nous ressembler, surtout si elle est complexe. Le "Saint Graal" du SETI est de pouvoir communiquer avec une autre civilisation avancée.
"Comment la vie intelligente communique-t-elle avec son environnement ?"
Méthode de recherche : concept de coévolution de la vie et de l'environnement. Cela consiste à comprendre la manière dont les espèces communiquent. Cette manière est le résultat direct de la perception de l'environnement qui les entoure (cétacés, abeilles, etc.).
"Comment peut-on détecter la vie intelligente ?"
Question étroitement liée à la précédente. Il est nécessaire de comprendre le contenu et la forme potentiels d'un signal, à le reconnaître au milieu du bruit de fond. Actuellement, les radiotélescopes du SETI écoutent et reçoivent, mais les scientifiques ne savent pas vraiment quoi chercher dans la base de données.
"Pour le moment, nous cherchons quelque chose qui ne peut pas être expliqué par des phénomènes physiques". Cela laisse encore une large place aux fausses alertes, car il y a beaucoup de choses que les scientifiques ne connaissent pas.
"La vie sur Terre dans des conditions extrêmes permet de faire des comparaisons avec d'autres environnements planétaires."
La mission Rosetta a révélé la présence de glycine (acide aminé retrouvé dans certaines protéines) et de phosphore (composant clé de l'ADN et des membranes cellulaires) sur la comète Tchouri. La glycine et le phosphore font partie des éléments précurseurs essentiels au développement de la vie telle que nous la connaissons.
La Terre et la planète Mars constituent un laboratoire naturel permettant d'étudier la transition entre la chimie prébiotique et la vie.
D'une part, les lunes glacées des planètes géantes telles qu'Encelade ou Europe possèdent des océans souterrains qui pourraient abriter la vie, car les conditions physiques et chimiques sont différentes sur ces mondes et les échanges de matériaux avec la Terre sont beaucoup moins probables qu'entre la Terre et Mars. Par conséquent, si la vie est apparue dans ces océans, c'est une vie différente de celle que l'on connaît.
D'autre part, il existe les exoplanètes, comme par exemple Proxima b, la plus proche de la Terre, découverte récemment autour de Proxima du Centaure. L'étude des atmosphères des exoplanètes vont certainement éclairer sur la détection des biosignatures.
"D'une manière générale, la vie introduit un déséquilibre dans l'environnement et crée des signatures qui n'existeraient pas si la vie n'était pas présente. Il faut donc apprendre à reconnaître ces déséquilibres."
"Que savons-nous sur la vie extraterrestre en étudiant la Terre ?"
Il est possible d'étudier la Terre comme si elle-même était une exoplanète. Cela permet de comprendre comment la présence de notre civilisation s'est manifestée, en dehors des ondes radio, à travers les changements dans l'atmosphère, par exemple, c'est à plus de 6000 mètres d'altitude, dans les Andes, que les conditions sont les plus proches de celles de Mars il y a 3,5 milliards d'années : atmosphère ténue, rayons ultraviolets extrêmes, changements rapides de température, environnement volcanique et hydrothermal, lacs asséchés, changement de la chimie et de la minéralogie d'une année à l'autre.
La planète Mars représente une importance capitale dans la quête de la vie extraterrestre car elle posséderait peut-être le secret des origines de l'Humanité.
"La vie est excessivement robuste. C'est pourquoi je pense que si elle est apparue sur Mars, elle est toujours là, sous la surface." - Nathalie Cabrol
Les prochaines missions Exomars et Mars 2020 se concentrent sur la recherche des traces de vie passée.
"Serait-il plus facile de trouver la vie au-delà du Système solaire ?"
Selon Nathalie Cabrol, la vie active a plus de chances de se produire à l'extérieur du système. Les lunes des planètes géantes présentent des conditions favorables.
Par exemple, Jupiter et Saturne bombardent la surface de leurs lunes respectives de rayonnements nocifs, même si une énorme quantité de glace stoppe les rayonnements. Les marées gravitationnelles intenses causées par les planètes géantes rendent ces lunes actives. Mais les scientifiques ne savent pas si ces environnements sont stables ou instables et quel cas est le plus favorable pour la biochimie.
Autre exemple, Encelade possède des geysers à son pôle sud mais les chercheurs ne savent pas quel genre de molécules est éjecté.
"En définitive, est-ce que la vie extraterrestre existe vraiment ?"
D'après Nathalie Cabrol et d'un point de vue scientifique, une multitude de données et toutes les raisons existent pour permettre de penser que non seulement la vie extraterrestre existe, mais également qu'elle est abondante et diverse.
"Les éléments de base de la vie telle que nous la connaissons sont abondants, sans parler de la vie telle que nous ne la connaissons pas." - Nathalie Cabrol
Pour l'astrobiologiste, la question est de savoir où les scientifiques la trouveront en premier. Ce n'est qu'une question de temps !...
Source :
- La Recherche : "Vie extraterrestre, les raisons d'y croire : Des environnements habitables aux signaux exotiques de l'Univers" - n°517 - Novembre 216