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LE MONDE CELTIQUE

 

Depuis ma plus tendre enfance, je suis intéressée par la mythologie gréco-romaine. Les mythes anciens ont toujours attiré mon attention, en particulier, la mythologie celtique irlandaise qui rejoint à mon humble avis des pratiques ancestrales telles que l’animisme et le chamanisme. Pour ma part, ces anciennes pratiques et croyances, comme bien d’autres, ont conservé une certaine authenticité et ont conservé des valeurs simples, proches de la nature mais qui hélas tendent à se perdre dans notre monde contemporain.

Les mythes gréco-romains sont les légendes les plus connues de notre monde méridional, mais il existe d’autres mythologies d’origine protohistorique, que nous connaissons moins bien, car les écrits sont lacunaires, parfois inexistants car de tradition orale, la mythologie celtique dont les textes retranscrits sont en ancien gaélique.

Les Celtes utilisaient les alphabets étrusques et grecs et ont inventé l’alphabet oghamique (invention attribuée à Ogme, dieu de la magie guerrière et du savoir), qui se compose de vingt lettres, auxquelles ont attribue un nom d’arbre. C’est une écriture ancienne et sacrée dont l’usage semblait être réservé aux druides. L’ogham a pu être décodé grâce à des transcriptions latines et également grâce aux bardes. Les caractères de l’alphabet oghamique avaient également un rôle divinatoire et magique et correspondaient symboliquement à des arbres regroupés en trois catégories : arbres nobles, arbres rustiques, arbruisseaux.

 

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Suivant l’idéologie tripartite Indo-Européenne, les Celtes organisaient leur société selon trois fonctions primordiales :

La fonction sacerdotale était liée au sacré et à la religion. Cette fonction était souveraine dont les druides étaient les dignes représentants. Représentée par Dagda, dont le nom signifie le « très bon » ou le « très divin », le dieu-druide. Les druides (dru-wid-es, littéralement, le très savant) privilégiaient la transmission orale de leur savoir, voilà pourquoi il y a très peu de sources (avant l’arrivée du christianisme). Leur argument était le suivant : « La parole écrite est une parole morte ».


Un tabou sur l’écriture dans le monde celtique

Même s’ils ont très tôt adopté l’écriture, les Celtes préchrétiens ont farouchement refusé de s’en servir pour noter leurs lois et leurs traditions, tout comme la majorité des cultures protohistoriques Indo-Européennes.

Les oghams servaient surtout à des usages magiques : charmes, malédictions ou défixions, plus tard, ces inscriptions étaient de nature pieuse, composées d’épitaphes, de documents techniques, de contrats et de titres de propriété ainsi que de graffitis érotiques ou paillards, voilà pourquoi les textes oghamiques sont très peu nombreux.

D’après certains textes et certaines recherches, ce désir de conserver une tradition orale constituait une volonté de secret.


« Les druides estiment que la religion ne permet pas de confier à l’écriture la matière de leur enseignement, alors que pour tout le reste en général, pour les comptes publics et privés, ils se servent de l’alphabet grec. Ils me paraissent avoir établi cet usage pour deux raisons : parce qu’ils ne veulent pas que leur doctrine soit divulguée ni que, d’autre part, leurs élèves, se fiant à l’écriture, négligent leur mémoire car c’est une chose courante : quand on aidé par des textes écrits, on s’applique moins à retenir par cœur et on laisse se rouiller sa mémoire ».

Mais il ne faut pas se méprendre sur cette manière de pensée qui ne consistait pas seulement à transmettre un savoir ésotérique et de laisser la masse dans l’illusion fallacieuse et dans l’ignorance. Il s’agissait de réserver l’expression et l’interprétation de la tradition à des experts compétents.

Pour exemple, un ancien récit irlandais déplorait le remplacement de l’ancienne tradition orale et définissait la prévalence de la preuve écrite sur celle des témoignages oraux comme la victoire du « mort » sur le « vivant ».

Cette définition de l’écriture comme morte et figée s’oppose en contraste avec l’oralité vivante, qui donne l’explication d’une logique très différente de la nôtre, d’une façon rigoureuse et respectable.

De nos jours, nous n’imaginons pas la littérature autrement qu’écrite ; les nombreux textes de lois, parfois obsolètes, sont fixés par l’écriture. Mais les lois écrites elles-mêmes ne sont pas exemptes de pièges. Combien de formules légales ne sont plus aujourd’hui qu’un jargon juridique que le simple citoyen a parfois grand peine à comprendre mais qu’il se doit de ne pas ignorer.

La fonction guerrière était liée à la défense du peuple, formant une sorte d’élite guerrière regroupant la noblesse de l’épée : chevaliers, guerriers et soldats. Représentée par Ogme, dieu de la magie guerrière et du savoir ; Nuada représentait la royauté.

La fonction productrice était liée à la fécondité, regroupant les artisans, les commerçants, les agriculteurs et les éleveurs, personnes qui subvenaient aux besoins du reste de la société. Elle était représentée par Goibniu, le dieu-forgeron, par Credne, le dieu bronzier et par Luchta, le dieu charpentier.


L’arbre de vie dans la tradition celtique

 

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Au mois d’Avril, une vague de feu vert se répand dans les bois comme les esprits des arbres sortis de leur repos hivernal. La vie des anciens celtes avait pour cadre le berceau des grandes forêts, qui jadis poussaient dans toute l’Europe du Nord.

A l’âge de Fer, l’Ecosse possédait la magnifique forêt de Caledon, l’Irlande était recouverte de chênaies et la Bretagne, la forêt magique de Brocéliande, dont les bosquets restent encore hantés par la légende du célèbre enchanteur Merlin.

« Là où la forêt murmure, il y a de la musique : ancienne, perpétuelle ». Fiona MacLeod

A cette époque, la forêt était perçue par la tribu comme une source de subsistance, de culture et de spiritualité. Pour les Celtes de l’Antiquité, les arbres étaient considérés comme des êtres vivants, magiques qui octroyaient des bénédictions spirituelles.

Grâce à leurs racines qui s’étendent jusqu’à l’Inframonde et leurs branches qui s’étendent jusqu’au Monde Supérieur, les arbres unissent leurs pouvoirs pour rejoindre le monde physique. En Irlande, le « bile » est un arbre particulier de pouvoir qui était considéré avec respect. Autrefois, le « Bile Tartain », un frêne géant qui poussait dans le comté de Meath, était présent au commencement du monde, tout comme l’Ygdrasil du monde scandinave.

Les noms d’arbres formaient les lettres de l’alphabet oghamique et constituaient des charmes puissants quand ils étaient gravés sur des bâtonnets d’if ; le sorbier aux baies rouges protégeait l’étable, le frêne robuste donnait de la puissance au jet du javelot. D’ailleurs, il est dit que le premier homme était un aulne et la première femme, un sorbier. En Irlande, quand un clan défrichait la terre pour s’y établir, la communauté laissait toujours un grand arbre nommé « crann bethadh », l’arbre de vie, considéré comme un pilier de spiritualité ainsi qu’une source de bien-être. Les hommes de la tribu se rassemblaient autour de cet arbre afin d’en absorber l’énergie venue d’en haut et d’en bas.

Dans la mythologie irlandaise, il existe un géant qui sort du soleil couchant une branche en or sur laquelle poussaient des pommes, des noix et des glands. Le géant offrit des fruits pour qu’ils soient plantés dans les cinq provinces d’Irlande : le frêne de Tortu, l’if de Ross, le chêne de Mugna, le rameau de Daithi (frêne), le frêne branchu d’Uisnech.

 

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Merisier

 

L’arbre d’abondance

« Arbre d’or sur le champ sans bataille, son feuillage atteignait les cieux nuageux. Là, on pouvait entendre la musique des hommes de la terre, de la cime altière. Chaque fois que le  vent violent soufflait sur le doux et frais feuillage de l’arbre, il y avait grande abondance, ô hommes ! De ses fruits sur la terre tombés. Chaque fruit que les hôtes choisissaient, de l’Est, du Sud, et du Nord, comme le reflux de la mer oisive, venait du feuillage de cet arbre unique ».

 

Les sages de la forêt de chênes

Reliant le Ciel et la Terre, les arbres sont des portes de l’invisible tout comme dans de nombreuses ethnies à travers le monde. Pour les Celtes, le chêne était considéré comme l’arbre le plus magique. En ancien irlandais, le mot chêne est dérivé du terme gaélique « dair », « derw » en Gallois, dont la racine indo-européenne « deru », signifiant « fort, dur comme du bois », a donné le terme anglais « door », la porte.

Sur l’île d’Anglesey, les denses forêts de chênes et de noisetiers formaient des sanctuaires, constituant une forteresse druidique.

Dans l’ancienne Bretagne Brittania, actuelle Grande-Bretagne, la reine Bouddicca célébrait des rites pour les déesses Andraste (Victoire) sans un bosquet sacré. Il y avait également une déesse de la Forêt, appelée Nemetona, qui était vénérée en Suisse et en Angleterre, dont la possible correspondance gréco-romaine serait Artemis (Grec) et Diane (Romains). Dans la mythologie gréco-romaine, les nymphes (littéralement jeunes filles), représentaient les activités productives et créatives de la nature.

Les héros de la mythologie irlandaise portaient des noms d’arbres : Mac Cairthyn, Fils du Sorbier, Mac Daire, Fils du chêne, Mac Cuill, le noisetier (coll), dont il tirait son nom.

Certains clans possédaient également des noms d’arbres telles que les Eburons, le pueple de l’If et les Lémovices, le peuple de l’orme en Gaule.

 

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Arbre à Sureau, l'Arbre des Anciens

 

Telles des portes intemporelles, les druides utilisaient les arbres dans leur fonction divinatoire. Noisetier, bouleau, if et bien d’autres encore constituaient l’alphabet oghamique. Sous formes de bâtonnets jetés au sol, les druides étaient capables de prédire des événements futurs. Certaines tribus du Sénégal utilisent encore ce même procédé, mais en jetant des coquillages, les cauris, pour leur art divinatoire.

La tradition des bois sacrés est préservée dans un bon nombre d’anciennes chansons irlandaises. Les références à la Mère-Nature et aux arbres y sont nombreuses et évidentes,  et les similitudes avec la mythologie nordique sont multiples. Le Triple-Déesse apparaît sous la forme des trois Nornes, la Destinée, qui résidaient sous le grand frêne Ygdrasil, l’axe du monde scandinave (Cf. article Animisme & chamanisme : l’arbre de vie nordique # 1).

Le bois sacré

 

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Au sein de la tradition celtique, au cœur de l’Autre-Monde, le noisetier était l’arbre de la quintessence et de la pureté.

« Les noisetiers font tomber leurs noisettes rouges dans le Puits de la Sagesse, fertilisant ses eaux de la puissance de l’arbre. Dans certaines légendes, les noisettes forment des « bulles d’inspiration mystiques » à la surface de l’eau. Afin d’atteindre un état modifié de conscience, les vates (en Irlandais, « file », au singulier, « filid », au pluriel) et les druides irlandais absorbaient de la liqueur de noisettes, comme en atteste la littérature ancienne gaélique ; liqueur considérée tel un puissant breuvage afin de sublimer un état de conscience, d’inspiration et de pouvoirs prophétiques, afin d’obtenir « les noisettes de la sagesse ».

Beaucoup de toponymies de ville dans le paysage celtique comportent un dérivé du mot gaélique « call tuinn », signifiant noisetier. Ces lieux sont considérés tels des portes d’accès vers l’Autre-Monde, lieux où se tenaient des assemblées magiques. Il est dit que la baguette du druide était en noisetier : « Quand la baguette se courbe pour révéler l’eau sous la terre, peut-être s’efforce-t-elle de se reconnecter avec ses ancêtres, les neufs arbres sacrés dans la mémoire de la terre ».


Replanter le bois sacré

 

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« Quelle peine que vos forêts dépérissent ». Aodhagan O’Rathaille

 

Aujourd’hui, nous vivons dans un monde industrialisé où les forêts anciennes disparaissent à un rythme effréné, contribuant à la dégradation écologique et climatique de la planète, ainsi qu’à l’accélération de la sécheresse. Aux Etats-Unis, il ne reste plus que 5% de la forêt primitive.

L’amour et le respect pour les arbres doivent se traduire par la pratique. Il est indispensable de replanter les arbres afin de contribuer à la préservation des habitats de la faune et de la flore terrestres. Il est important de prendre conscience que les arbres sont nécessaires et vitaux pour toute vie sur terre ; ils contribuent au renouvellement et à la purification de l’atmosphère, à augmenter l’oxygène présent dans l’air et à combattre le changement du climat global (sols, rivières, nappes phréatiques, désertification, etc).

A l’heure de l’urbanisation excessive, planter un arbre s’avère être une opération périlleuse mais il existe des organisations, telle que « l’American Forests », qui peuvent planter des arbres pour nous, au sein d’une action appelée « Programme de Reforestation Planétaire » (Global ReLeaf Project).

Contribuer à planter ou à replanter des arbres, environ 30 par an, constitue une réduction de l’empreinte carbone. Si nous ne le faisons pas maintenant, pensons au moins aux générations futures. Un vieux poème écrit e irlandais médiéval nous permet d’en comprendre toute la dimension :

« Un très vieil homme alla un jour sur le terrain à côté de sa maison, et se mit à planter des arbres fruitiers. Un jeune homme passa et lui demanda :

- Que faites-vous donc ?

- Je plante des arbres fruitiers, répondit-il.

- Mais vous n’en verrez pas les fruits de votre vivant, dit le jeune homme.

Les fruits dont j’ai profité toute ma vie, répondit le vieillard, venaient des arbres que l’on a plantés avant moi. Aussi pour exprimer ma gratitude envers eux, je plante des arbres pour qu’ils donnent des fruits à ceux qui viennent après moi. »


A SUIVRE…

 

Sources :

Vivre la tradition celtique au fil des saisons - Mara Freeman - 2002

Mythologie du monde celtique - Claude Sterckx - 2009

Animisme & chamanisme : l'arbre de vie nordique # 1


 

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