CHRONIQUE MUSICALE #07 : DJ STORY - Part. 1
18 juin 2011Ouvre ton esprit & observe les Multivers !
Open your mind & observe Multiverses!
PREMICES D’UN PASSEUR DE DISQUES

LE DJ ET LA RADIO
Marshall McLuhan, philosophe des médias, disait que le côté direct de la radio se distinguait des autres médias car elle constituait l’un des médiums qui possède le pouvoir de transformer l’individu et la société en une seule et même chambre réverbante.
En 1930, c’est le balbutiement de la radio et le DJ est à la fois animateur, passeur de disques et annonceur de publicité. Le DJ se définit comme un animateur qui inspire, comme si ça allait de soi, diffusant un sentiment de proximité et de familiarité. Entre la fin de 1930 et le début des années 1950, grâce aux émissions de radio, le DJ en était devenu une figure importante véhiculant ses goûts musicaux, son attitude ainsi que sa personnalité, mixant judicieusement le tout, alliant musique, publicité et baratin. On en conclut que le DJ avait de l’influence. Dès la fin des années 1940, les musiciens le comprirent très vite et c’est à cet égard qu’ils envoyaient des copies de leur morceau au DJ. L’opinion du DJ était à prendre en compte car c’est lui qui conseillait les maisons de disques sur la distribution et possédait un argument décisif concernant les disquaires ainsi que les consommateurs qui souhaitaient commander des disques.
L’idée du « hit parade » renforça la fonction du DJ. Cela consistait (et consiste toujours) à jouer des chansons qui rencontraient le plus grand succès (ventes de disques et fréquence de passage à la radio). L’objectif de l’industrie de la musique était (et reste toujours) de produire un tube (un hit), qui possédait une durée de vie relativement courte. Par conséquent, l’industrie musicale dû produire plus vite face à la demande et se cantonnait au goût populaire si elle voulait obtenir l’effet escompté. En 1941, cela consistait à formater une chanson en lui appliquant une mélodie qui soit simple et facile à chanter ou à exécuter, accompagnée de paroles romantiques, divertissantes ou racontant une histoire intéressante avec un refrain comprenant 32 mesures. La chanson ainsi produite se devait de trouver un créneau afin d’être diffusée à la radio et c’est ainsi que stations de radio, directeurs de programmation et Dj’s devinrent des personnages importants dans la bataille de l’industrie musicale.
Le mécanisme de culture pop s’appropriait le connu pour en faire du familier, un hit que tout le monde était susceptible d’acheter. La chanson était alors imposée à l’auditeur plusieurs fois par jour.
« Le public dans son ensemble, plus spécifiquement les auditeurs de radio, a été progressivement conditionné à accepter simplement ces chansons comme des produits (musicaux) standardisés, avec une faculté d’agencement et un sens critique de plus en plus émoussé […] On peut donc supposer que cette répétition calculée et cet endoctrinement tendent à l’uniformisation des goûts de l’auditeur et contribue à l’éradication progressive de ces mêmes goûts ».
Adorno et Horkheimer critiquaient la musique populaire ainsi que son contexte médiatique et industriel. Pour eux, la culture est devenue un pur commerce et une gigantesque tromperie à destination des masses.
Aux USA, durant les années 1950, l’industrie se référait exclusivement au marché pour produire de la musique. La musique populaire dominait les ventes de disques et régnait sur les juke-boxes. Les premières émissions agencées selon le TOP 40 (hit parade) jouaient les chansons les plus appréciées sous différentes versions. Puis la meilleure version était sélectionnée afin d’être diffusée hors contexte du dit classement. En 1956, une sélection restreinte (true limited playlist) de disques populaires était ceux que l’on diffusait le plus à la radio.
Selon Adorno et Horkheimer, la totalité de l’industrie culturelle consistait en une série de répétitions et à travers le concept du hit parade, cette totalité devenait réalité. Le format TOP 40 influençait la programmation, ce qui contribua à faire décliner la fonction du DJ qui devait plier sa sélection suivant le goût des masses.
Le choix du DJ était par conséquent confiné aux exigences des programmations et du hit parade, annihilant par la même occasion leur rôle d’orateur radiophonique ainsi que leurs choix musicaux. Ce qui engendra de fortes protestations de la part des DJ’s. A ce propos, le magazine Variety daté de mars 1958 titrait en première page : « Le deejay : artiste ou marionnette ». Héros qui participa à l’expansion de la radio, le DJ devait abdiquer face à des directeurs artistiques fervents défenseurs des nouveaux concepts de programmation.
A la fin de l’année 1958, certains DJ’s durent se battre afin de ne pas être relégués au simple rôle de passeur de disques. Début 1959, des questions sur la fonction du DJ-vedette vinrent à s’imposer. « La mode du DJ tend-elle à disparaître ? » Un chargé de programme n’hésita pas à y répondre en ces termes :
« Si le DJ vedette est un prétendu critique musical, baratineur léthargique, bavard impénitent, payé 100 000 $ par an, ma réponse est oui. Le DJ moderne est un homme qui va où il va, qui sait ce qu’il va dire, et, très important, il sait pourquoi. C’est un spécialiste pourvu d’une excellente formation, […] qui exige une motivation pour n’importe qu’elle action. Il a conscience du fait que seule une infime minorité s’intéresse à ses élucubrations solennelles sur les pour et les contre de chaque disque […] Le travail d’un DJ consiste aujourd’hui à exprimer sa personnalité entre les disques. Il doit dire ce qu’il a à dire d’une manière courte, brillante et divertissante ».
Dans les années 1950, face à la politique marketing des stations de radio ainsi qu’à la culture de masse, l’image du DJ fut ternie aux yeux du public. Mais certains individus continuaient à concevoir leur métier comme une vocation, une passion qu’ils se devaient de faire perdurer, dans un monde où la culture pop se fit reine. C’est grâce à cette poignée d’irréductibles que le DJ a pu conserver sa popularité. Malgré les impératifs imposés par les stations de radio, les DJ’s étaient des personnes de confiance que l’on respectait, même si on ne connaissait d’eux que leur voix.

Dans le film American Graffiti de George Lucas, le DJ fait figure de patriarche, d’ami, de psychothérapeute et d’entremetteur, prenant soin de tous les personnages. L’émission du DJ Wolfman sert de cadre extérieur à ce film traitant de la jeunesse, du passage à l’âge adulte et de la vie dans une ville américaine au début des années 1960. Bien qu’il n’apparaisse que très peu de fois, la musique de Wolfman, ses propos ainsi que sa fonction sociale de messager lui confèrent une importance cruciale pour la signification du film. Il est garant de la cohésion de ces personnages, c’est lui qui fournit la bande-son de ces absurdes expéditions héroïques du samedi soir à travers les rues de la ville. DJ Wolfman transmet saluts et messages, et les jeunes gens dispersés par les rues se trouvent reliés les uns aux autres grâce à leurs autoradios. A travers le film de George Lucas, le DJ était devenu un personnage auxquels les jeunes gens accordaient leur confiance en priorité. Il représentait une instance qui définissait et formait le sens de l’existence par le biais de la musique, du discours et des dédicaces qu’il adressait. Il transmettait en quelque sorte une identité tribale.
AMERICAN GRAFFITI
Réalisation : George Lucas
Scénario : George Lucas, Gloria Katz et Willard Huyck
Genre : Comédie
Pays : USA
Année : 1973
Synopsis : A la fin de l’été 1962, dans une petite ville californienne, un groupe de jeunes se retrouvent chaque soir sur Main Street. Du snack-bar au drive-in, ils se réunissent sur fond de musique rock et de twist que déverse la radio locale animée par l’impétueux et mystérieux DJ Wolfman Jack.
C’est en évoquant ses souvenirs d’adolescents que le réalisateur George Lucas fit un triomphe avec ce film devenu culte qui recrée un temps béni (mais révolu) pour toute une génération de jeunes Américains. Le début des années 1960, lorsque Kennedy était président et que le pays n’était pas empoisonné par la guerre du Viêt-Nam. La bande-son est composée par tous les tubes de l’époque et a eu un énorme succès commercial.
« Le Rock n’ Roll a commencé avec un DJ et le DJ a lancé la musique pop. Dès le début, le DJ s’était inscrit dans l’histoire de cette musique et les meilleurs moments étaient encore à venir ».
Dans les années 1950, les préjugés racistes contre toute forme de culture noire faisaient encore partie intégrante du bagage intellectuel standard de l’Américain moyen. L’Eglise voyait dans le Rock n’ Roll une musique perverse et subversive et redoutait que l’innocence de la jeunesse ne soit mise en péril par une musique et des textes en partie sexualisés. En connaissance de cause, Alan Freed était considéré comme quelqu’un qui représentait le mal pour les puritains fondamentalistes, ce qui venait souligner le côté revendicatif et cosmopolite du DJ.
Dans les années 1960, le DJ Alan Freed s’était voué corps et âme au Rock n’ Roll, un style de musique qui ne dissimulait pas ses racines noires et son caractère rebelle, à une époque où le maccarthysme avait engendré un climat de peur et d’intolérance qui réprimait toute forme de révolte et de rébellion.
LE DJ ET LA CULTURE POP
La culture pop se mit à éditer ses propres codes et s’imposa naturellement comme une culture propre aux adolescents. Ainsi, un nouveau vocabulaire émergea engendrant son propre style vestimentaire et sa propre attitude sexuelle, soit une indépendance totale dans presque tous les domaines. Au début, les paroles de la musique pop restaient simples : elles consistaient en un mélange de langage quotidien et de charabia issu de la sub-culture, paroles qui devinrent bientôt une sorte de code entre les jeunes, conçues dans le but de rendre le Rock complètement incompréhensible aux adultes.
« La pop possède son propre langage et sa propre poésie. Elle tire sa force de l’euphorie qui incite à prendre la pop au sérieux, parce qu’un « teenager » (adolescent) ne retrouvera nulle part dans toute sa vie, une telle jubilation stylisée et pourtant si familière ».
Dans les années 1950, le DJ est fortement lié à l’industrie de la musique, il en occupe même un des rôles principaux : DJ pop star, DJ coproducteur, DJ auteur-compositeur.
Le label Vee-Jay, fondé par la DJane Vivian Carter, était un précurseur du label Motown, qui fit faillite car, disait-on, il accordait beaucoup trop d’importance à la découverte de nouveaux talents (Rhythm n’ Blues, Jazz et Soul) qu’à la prise en compte de la demande. Quoi qu’il en soit, ce label, de nos jours, tombé en désuétude, a contribué au développement de la musique Soul et a laissé un vide sur le marché du disque et dans l’histoire de la musique noire, était considéré comme un label de qualité et un des meilleurs jamais créé par un DJ.
LA VISION DU DJ DANS LA LITTERATURE
Dans les années 1960, Thomas Pynchon introduisit le DJ au sein de la littérature grâce à son roman, Vente à la criée du lot 49. L’auteur raconte l’histoire de Mucho Maas, un vendeur de voitures devenu DJ par la force des choses. De désillusions en arnaques, Mucho représente une sorte d’idéal revendicatif et controversé, musicalement muselé par une société culturellement formatée. Pour lui, les auditeurs sont manipulés, non par la contrainte, mais un peu trop bercés par une musique calibrée et agréable, qu’il considère comme une imposture perfide, qui le tourmente encore plus que les escroqueries qu’il diffusait dans son garage. Peut-on parler de l’intégrité artistique du DJ bafouée par une restriction musicale destinée au plus grand nombre ?
A la radio, la tromperie est une chose courante et les différentes programmations concourent à lobotomiser la plus petite cellule grise.
« Faut-il s’étonner que le monde soit devenu fou, quand le renseignement devient le principal moyen d’échange ? » in L’Arc-en-ciel de la gravité by Thomas Pynchon.
Pour le personnage du roman de Pynchon, la radio se présente comme un médium perverti par la tromperie et une agitation frivole. A la manière d’un DJ, l’auteur procède à une mise en abyme en mélangeant textes et musiques, à tel point que cette dernière devient une partie intégrante du roman, mais les chansons ne sont pas représentables d’une façon auditive dans le corps du corps du récit.
« La musique reste muette, le langage n’est pas le médium qui lui convient ».
La plume de Pynchon n’est pas le diamant d’une platine vinyle, ses références musicales s’organisent comme des arrangements et des compositions qui nécessitent forcément une connaissance non négligeable et fait donc appel à la mémoire auditive, transmise à travers les paroles des chansons et qui s’agencent tels des fondus enchaînés tout en communiquant des mélodies sous-jacentes. Une belle métaphore concernant les connaissances musicales du DJ sensé savoir agencer les morceaux à la suite afin de créer une continuité sonore, si ce n’est musicale. N’est-ce pas là, en réalité, la véritable fonction du DJ ?
« L’aiguille de la tête de lecture se pose sur le subconscient du lecteur, […] de la musique se crée à partir de mots muets […] Collez-moi un micro dans la tête ; enfoncez-moi cette aiguille ».
Les médias ont finalement réussi à conquérir l’esprit et le corps de leurs utilisateurs. Dans le roman de Pynchon, les chansons et les disques constitueraient « le médium de la bêtise », qui entre les mains du DJ et des directeurs de programmes, deviendraient des outils publicitaires au service du capitalisme.
Ainsi, Mucho, le personnage principal, se trouve être un exemple représentatif des goûts de l’audience de masse, devenue une uniformité absolue, une sombre perspective pour la culture pop, une absence de personnalité élevée au rang d’une diffusion formatée.
« L’uniformisation de la pop procure également un sentiment de sécurité. Quand il coiffe ses écouteurs, il est toujours en phase avec le flot qui le traverse ».
Musique pop signifierait tout le monde et personne et constituerait une langue universelle à travers laquelle le DJ n’aurait que deux choix possibles : tenter de s’orienter d’après les réalités concrètes ou se perdre dans l’indifférence pour se perdre dans le discours global de la pop.
Finalement, les rêves de Mucho ont transcendé le temps au sein d’un monde d’éternelle abondance où certains connaissent la galère plus que d’autres, la musique pop et le LSD l’ont enfin apaisé.

L’ASCENSION DE LA CULTURE POP
L’année 1955 marque non seulement les débuts de la musique pop mais également ceux du pop art, particulièrement dans les arts plastiques qui s’emparaient de l’impact de la culture pop, en représentants des éléments de la vie réelle et concrète, ayant comme sujets le sexe et la bande-dessinée, dès les années 60.
La culture pop intègre tardivement la littérature qui employait un langage direct connotant une proximité avec le peuple. Tom Wolfe, journaliste au New-York Herald Tribune, entreprit de saisir l’esprit de cette nouvelle culture. A juste titre, Wolfe définissait le DJ comme l’un des nouveaux créateurs de la culture. Là où le DJ de Pynchon se présentait comme une figure tragique, celui de Wolfe était devenu une pop-star.
L’histoire du DJ commence avec la radio-diffusion et s’inscrit dans l’inconscient collectif des Américains, par le biais d’annonces publicitaires et d’animations musicales, puis son rôle s’est au fur et à mesure transformé en celui de propagandiste et de lanceur de mode pour s’élever au rang de pop-star et ainsi devenir une sorte d‘icône représentative d’une jeunesse en mal de nouvelle musique.
L’histoire de Murray Kaufman, alias DJ Murray the K, constitue une très bonne illustration de l’évolution de la fonction du DJ. En 1958, Kaufman animait une émission de radio new-yorkaise, s’habillait comme les Noirs et inventa son propre langage, lui conférant un style original et personnel. Pour Tom Wolfe, Murray était un génie qui fonctionnait selon une logique symbolique. Il avait réussi à créer une ambiance débridée alliée à une hystérie basée sur le comique, de telle sorte qu’il réussit à captiver d’une façon hypnotique les jeunes auditeurs.
« Il (Murray the K) produisait un murmure incessant qui constituait le fond sonore des rêves éveillés des adolescents ».
Il était évidemment uniquement question de musique, sans discours ni interruption.
« Pour survivre, un DJ devait développer un baratin si rapide et si moelleux qu’il en devenait de la musique. Pas de message ou de sens à faire passer. Du bruit pur ».
Murray a ainsi exposé et conforté le rôle du DJ officiant à la radio, en expliquant qu’il se devait de révolutionner la façon de présenter la musique.
« Les chansons d’aujourd’hui reflètent l’état d’esprit des enfants nés après la fin de la Seconde Guerre mondiale, dont la psychologie a été engendrée par la bombe atomique ».
Murray releva le défi et devint un véritable « trafiqueur sonore » ; il s’était confectionné une base de sons divers et variés (on pourrait presque dire qu’il fut le précurseur de la groove box) qu’il utilisait afin de faire passer l’énergie suscitée en mixant des enchaînements de chansons avec son « sound-groove », comme devaient le faire plus tard les DJ’s de dancefloor avec leurs tables de mixage et les « pitchers » des platines vinyles. Ainsi, la performance magique des arrangements et enchaînements musicaux y gagna en force d’attraction.
L’UNDERGROUND : LE SON D’UNE RÉBELLION DE LA JEUNESSE
Murray the K considérait son métier de DJ avec sérieux et se considérait plutôt comme un homme de spectacle et de divertissement, utilisant une variété grand public comme toile de fond.
Aux Etats-Unis, les années 1960 correspondent à une période de troubles : attentats, émeutes et guerres ; un moment de crise profonde dans un pays où les possibilités étaient infinies.
« Trop de batailles et trop de crimes ont empoisonné ce pays pour qu’il soit facilement guéri par une quelconque réforme ou vengeance. Il y a simplement trop à oublier. Nos politiques ont dépouillé de leurs significations les mots nobles de l’éthique […] »
La culture pop américaine s’est finalement scindée en deux parties : d’un côté, un courant grand public, conformiste et loyaliste et de l’autre, un courant underground, gauchiste et critique, sans oublier la musique émanant du ghetto noir, provenant de personnes les plus progressistes, dont la lutte pour l’égalité et l’acquisition des droits civiques s’est radicalisée à la même époque, allant de paire avec le mouvement protestataire contre la guerre du Viêt-Nam, sans pour autant constituer une unité.
C’est au sein de Greenwich Village, un quartier artistique new-yorkais, que l’on voit apparaître et se développer, durant les années soixante, une scène folk dynamique qui fait parler d’elle à travers les « topical songs » (chansons contestataires) qui abordent des sujets qui préoccupent la gauche libérale, de la pauvreté des ouvriers à la discrimination raciale (Bob Dylan, Joan Bez, etc).
Puis vint l’Acid Rock de la côté ouest (autour de San Francisco), qui prêcha la consommation de psychotropes et se donna pour but d’ouvrir les consciences grâce à une musique psychédélique et des textes surréalistes (Grateful Dead, The Byrds, 13th Floor Elevators). Il existait également à cette époque des groupes underground issus des milieux bohêmes new-yorkais, tels que les Fugs et le Velvet Underground, dont les opérations de guérilla se réclamaient issues esthétiquement et intellectuellement de l’art et de la littérature. Les plus revendicatifs étaient des groupes proto-punks, tels que les Stooge ou les MC5, qui cherchaient à pervertir la politique bourgeoise en bousculant l’ordre dominant et la morale établis, en portant des uniformes nazis ou en s’auto-mutilant.
D’autre part, de nombreux musiciens et groupes noirs dénonçaient toutes les formes de racisme et d’oppression à travers la musique Soul, le Funk et le classique Rhythm and Blues (qui n’avait rien à voir avec le RnB commercial que nous connaissons aujourd’hui).

Le point commun du milieu underground était que toutes les personnes qui le fréquentait, avaient compris qu’il était nécessaire d’opérer certaines transformations de la société et de la politique établies, pouvant aller jusqu’à la révolution. A la fin des années 1960, les jeunes de presque tous les pays osèrent se rebeller contre l’ordre établi. Outre les questions d’ordre politique (implicite), les gens revendiquaient un mode de vie, de coexistence et d’éthique.
« Le caractère privé de ces revendications politiques provenait d’un mode de vie rebelle : de nombreux insurgés vivaient en communauté, s’adonnaient à l’utilisation de psychotropes et à une sexualité libérée et écoutaient de la musique pop ».
Le film Purple Haze, réalisé par David Burton Morris en 1982, se déroule à la fin des années 1960, avec comme toile de fond, la guerre du Viêt-Nam. Outre les éléments historiques, le film fait également référence à la musique de cette époque. Le titre évoque notamment un morceau de Jimi Hendrix. Tout comme dans American Graffiti, une place importante est accordée au DJ. Une émission de radio underground constitue le théâtre sonore et mental d’un mélodrame de la jeunesse. Dans le film, le DJ représente le confident et l’ami le plus proche, le premier interlocuteur et l’organisateur de l’underground. Son action réunit un public hétéroclite en une unité idéologique et complice, car il connaît ses auditeurs et participe à la destinée de chaque individu.
On peut donc en conclure que durant les années soixante, le rôle du DJ a évolué d’une manière significative. Dans le film American Graffiti, qui se déroule au début de la décennie, sa rébellion était clandestine et demeurait un intriguant mystère. A la fin de cette même décennie, le film Purple Haze, décrit sa résistance active à l’establishment.
Le DJ était une personne que l’on pouvait approcher, à qui on pouvait parler, non seulement par l’intermédiaire des émissions, devenues par la force des choses, un centre de connexions sub-culturelles, mais aussi que l’on pouvait rencontrer dans son studio, autour d’un verre ou d’un joint.
Pour Simon Frith, sociologue de la culture pop, le DJ underground était une personne accessible, considérée comme étant un ami authentique, un confident et constituait « l’opposé absolu des réparties rusées et du baratin de camelot de leurs collègues du grand public ». Le DJ acid rock révolutionnaire évoluait dans un milieu hippy californien comme un poisson dans l’eau.
Les DJ’s étaient des fans de musique nouvelle. Ils jouaient leurs préférences et adoptaient l’attitude hippy durant le « Summer of Love ». Tout en évitant les compromis, ils étaient partie prenante d’une nouvelle musique ainsi que d’une nouvelle esthétique. Les DJ’s devenaient les acteurs de la nouvelle sub-culture, en consommant des psychotropes et en utilisant un jargon spécifique, le « hipspeak », créant par la même occasion un sentiment d’appartenance identitaire, tout en interdisant l’accès aux indésirables.
Musiciens et DJ’s faisaient partie des plus grands créateurs de l’identité underground. Non contents de faire découvrir la nouvelle musique, ils façonnaient la frontière entre l’underground et le mainstream (commercial, tout public). Pour eux, seul l’underground branché constituait une alternative pour l’avenir, en cela, ils participaient à l’élaboration idéologique du nouvel underground rock et influençaient d’une façon stylistique l’évolution de la musique.
DJ Miss Phoebe Mixes : https://www.mixcloud.com/phoebe-ceylan/

A SUIVRE…
Sources :
- DJ culture ~ Ulf Poschardt ~ 2002
- Dictionnaire mondial des films ~ Bernard Rapp & Jean-Claude Lamy ~ 2000
Mise à jour par Phoebe le 2 Août 2020
Pour survivre, un DJ devait développer un baratin si rapide et si moelleux qu’il en devenait de la musique. Pas de message ou de sens à faire passer. Du bruit pur .
Photos (Graffs) by Phoebe - 07/10/2011 - France