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Réalisation : Gaspar Noé

Genre : Drame fantastique

Pays : France

Année : 2010

Synopsis : Oscar, dealer occasionnel, et sa sœur Linda, strip-teaseuse, vivent ensemble dans un petit appartement à Tokyo. Au cours d’une descente de police, Oscar est abattu. Son âme se détache alors de son corps pour s’assurer de tenir la promesse faite à sœur : ne jamais l’abandonner…

Des images et des sons éprouvants

Dès le générique, les images défilent à vive allure, très colorées, le spectateur est comme matraqué d’images publicitaires introduisant le décor de la ville de Tokyo.

Tout au long du film, le spectateur est "inondé" d’images et de sons qui ont une forte puissance hallucinogène, nous poussant à "vivre" le voyage astral du personnage ainsi que de nombreux flash-backs assez frappants, constituants la vie passée de ce dernier.

Enter The void Sundance

La caméra subjective et la voix off

Oscar est le personnage-narrateur de l’histoire pendant presque toute la durée du film. Les dialogues n’abondent pas, dans le sens où ils ne sont là que pour illustrer la narration. Oscar est donc le personnage principal, racontant son histoire à la première personne du singulier : il sait et il nous donne donc à savoir, il s’agit par conséquent d’une focalisation mentale.

L’usage de la caméra subjective introduit le point de vue du personnage. Normalement, elle est censée accentuer la perception visuelle et pousse le spectateur à partager la vision de ce dernier.

Or, dès les premières minutes du film, notre curiosité humaine nous démange et notre œil ne souhaite qu’une seule chose : découvrir le visage d’Oscar ? Car ce personnage nous donne non seulement à voir mais nous donne également à entendre, sa voix semble venir d'un autre monde.

Les sons

La bande-son joue un rôle prépondérant dans le film, car ce dernier est ponctué de non-images, c’est-à-dire, que le son envahi la salle obscure tandis que l’écran est dénudé de toute image ; le spectateur est submergé par des sons fantasmagoriques, laissant une impression de vide qui reste indéfinissable et qui est inhabituel pour un spectateur même averti, même cinéphile.

Le fait d’être à longueur de temps en voix off permet au spectateur d’entendre les pensées du personnage. Mais pourrait-on systématiquement parler d’une identification ? Malgré le fait que nous puissions effectuer une certaine distanciation, le film agit sur le spectateur en lui laissant un souvenir visible sur son visage : il en ressort la mine déconfite comme s’il venait lui-même de vivre (ou de subir une descente ou un choc) ce "voyage" lui-même, preuve qu’un film peut être émotionnellement éprouvant.

Rêve lucide ou état modifié de conscience, le réalisateur joue sur les sons et les images comme un écrivain pourrait jouer sur les mots, en ayant en tête que ces mêmes images et ces mêmes sons, peuvent être sources d’illusions.

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Le DMT

Dans le film de Gaspar Noé, le personnage, Oscar, très friand de cette substance, en fait l'usage à des fins personnelles pour  "tripper" tout en gardant une certaine conscience de la réalité, et le spectateur a l’occasion d’en percevoir les effets à travers la caméra subjective.

Le DMT ou Diméthyltryptamine est une substance psychotrope puissante que l’on trouve naturellement dans certaines plantes dont la psychotria et l’anadenanthera. Considéré comme un stupéfiant dans certains pays, la substance se trouve sous une forme cristalline que l’on peut fumer et procure des effets hallucinogènes immédiats et de courte durée, ainsi qu’une possible expérience de mort imminente.

Son usage est séculaire et remonterait à l’Antiquité. Les Egyptiens utilisaient un breuvage, dont la base était le DMT, qui leur permettait de communiquer avec les dieux. Les chamanes utilisent de nombreuses plantes qui rentrent dans la préparation de breuvages composés de DMT qui sont usités lors de cérémonies rituelles.

Les effets varient d’un individu à l’autre : altération de la vision, déformation des images, hallucinations colorées, sensations tactiles, expérience de mort imminente pendant quelques minutes, hypertension artérielle, tachycardie et mydriase (dilatation des pupilles). Apparemment, il n‘existerait pas d’effets secondaires observés, que la prise soit chronique ou aiguë, mais n'exclurait pas certains dangers sur la santé psychique.

La transe chamanique

Afin d’atteindre la transe escomatique, les chamans amazoniens utilisent une préparation appelée ayahuasca qui leur permettent de modifier leur état psychique par l’absorption de cette décoction (ou infusion). Ce breuvage utilisé par toutes les ethnies de haute Amazonie, est constitué de DMT et de THH (Tétrahydroharmine, de la famille des antidépresseurs). L’ayahuasca générerait des visions imaginaires sans commun rapport avec la réalité.

Pour les Indiens Shuar, l’ayahuasca ouvre les portes d’une réalité plus solide ou plus complète. Certains auteurs rejettent le terme "hallucinogène" pour lui préférer les termes "enthérogène" (générateur d’un sentiment divin à l’intérieur de soi), "adaptogène" (favorisant l’adaptation à l’environnement) ou "empathogène" (améliorant le contact avec les autres).

La consommation du breuvage entraîne des états de transe ou d’état modifié de conscience, passant par des phases d’hyperexcitation et de catalepsie extatique, variables d’un individu à l’autre.

Les sens se trouvent décuplés et le cours de la pensée semble accélérée, la personne est ailleurs. Ces changements perceptuels et émotionnels conduisent la psyché à construire des significations nouvelles de la réalité. Les visions sont perçues comme le résultat d’une réinterprétation de la réalité lorsque le cadre psychique ordinaire est relativisé, voire aboli. La transe est vécue comme une expérience hors de soi (Out of Body Experience ou OBE), conduisant à sentir le monde d’une façon différente.

Le voyage astral ou Out of Body Experience

Enter  the Void est un film qui retranscrit une vision très personnelle du voyage astral et de la transe orgasmique (retranscrite par des auras lumineuses) d’un personnage, dont l’esprit est déterminé à protéger un être humain.

Le voyage astral désigne l’impression que l’esprit d’une personne se dissocie de son corps physique et vivrait une existence autonome, pouvant explorer librement l’espace environnant. L’expérience se produirait en diverses occasions : à l’approche de la mort, au cours d’une méditation, lors du sommeil profond, sous l’emprise de produits hallucinogènes. Les OBE ne se limitent pas qu’aux situations de mort imminente et aux cas de mort clinique.

Dans le voyage astral ou transe escomatique, la notion de double est importante puisqu’elle est connue dans l’ésotérisme et le chamanisme.

Les anciens Germains avaient une conception très élaborée de la sortie hors du corps. L’âme était décomposée en trois parties :

·         FYLGJYA : double de l’individu comparable au Ka égyptien (puissance génératrice et créatrice répandue dans l’univers). Esprit protecteur prenant la forme d’une entité féminine ou d’un animal.

·         HUGR : force agissante ayant une vie propre, force qui va et dispose momentanément d’une personne durant son sommeil.

·         HAMR : forme interne de l’homme qui détermine l’apparence extérieure.

Chez les Egyptiens, il existait le corps éthérique comparable au corps astral. La force vitale, comportait neuf éléments essentiels de l’être :

·         Le corps, image matérielle du corps céleste

·         Le ka, dynamisme créateur

·         L’âme, ba, possibilité d’incarner le divin sur terre

·         L’ombre, reflet de la vérité

·         L’akh, lumière de l’esprit

·         Le cœur, siège de la conscience

·         Le sekhem, puissance de réalisation

·         Le nom, vérité ultime de toute création

·         Le sakh, corps spiritualisé

Le corps éthérique existait également chez les Grecs anciens et fait partie de la philosophie des Hindouistes.

A travers le vénânta, philosophie indienne issue d’une tradition ancienne, le corps astral existe sous le nom d’Âkâsha, cinquième élément représenté par l’éther, immensité de l’espace, essence de tout ce qui est incréé et éternel.

Aristote considérait, l’éther comme un élément formant la matière des astres et de l’âme. Il affirmait que la nature de l’âme était différente car elle possédait une chaleur (la vie), un souffle qui correspondrait à l’élément des astres. L’âme éthérique était faite d’éther car ce dernier était considéré comme un élément supérieur.

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