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Réalisation & scénario : Richard Curtis

Titre original : The Boat the Rocked

Genre : Comédie/musique

Pays : GB/USA/France/Allemagne

Année : 2009

 

Synopsis : 1966, le Rock commence à envahir les ondes hertziennes mais cette musique n’est pas tolérée par les autorités anglaises qui la censure car considérée à l’époque comme subversive. Au large des îles britanniques, à bord d’un bateau, une équipe de DJ’s occupent les ondes 24 heures sur 24 afin de diffuser et faire découvrir ce style musical…

 

N’étant pas une « afficionado » de la musique Rock, ce film reste intéressant par la similitude qu’il présente avec d’autres mouvements musicaux et/ou artistiques qui ont été ou qui sont toujours marginalisés par les pouvoirs publics. Côté musical, il y a d’énormes références que je ne saurais citer mais la bande originale témoigne de l’histoire du Rock comme étant un mouvement musical ayant révolutionné la jeunesse à une époque où la radio était en pleine expansion et où l’activité et le rôle du DJ.étaient prépondérants. Je conseille vivement de voir le film en version originale.

 


Brève histoire du Rock


Loin de vouloir retracer l’histoire complète de la musique Rock, il me semble essentiel d’en retranscrire les grandes lignes.

 

« To rock » signifie balancer, bercer et provient du jargon des chanteurs noirs de Gospel qui évoquaient un état d’extase spirituel, plus tard, il évoquera un mouvement de danse à connotation sexuelle. Ce genre musical est apparu aux Etats-Unis vers les années 50 et à l’origine, il possédait des influences jazz, blues et country music.

  

L’apparition du microsillon, intimement liée à celle de la musique rock, plus communément appelé disque vinyle 45 et 33 RPM (rotation par minute), la généralisation de la radio et de la télévision vont permettre de diffuser plus largement la musique.

La première chanson rock à être classée dans les charts date de 1953 avec le titre de Bill Haley, « Crazy Man Crazy ». Or, plusieurs chansons de rock n’roll étaient sorties en 1949, sans que les artistes aient conscience que ce soit une musique nouvelle ou obtiennent une audience commerciale car cantonnée dans le ghetto noir (Blues, Rhythm n’ Blues).

Le terme « rock n’ roll » est utilisé pour la première fois par Allan Freed, célèbre DJ qui favorisa la diffusion de la musique noire, sur la station de radio WJW en 1951.


Au début, le rock n’est pas contestataire, il le deviendra lorsque la jeunesse britannique porta un grand intérêt à la musique noire américaine, surtout pour le « beat ». En effet, l’attitude des rockers anglais sera ancrée dans le refus de leur société vieillissante et dans l’expression de leurs réelles difficultés économiques dues aux ravages des bombardements nazis et des efforts de guerre considérables. La notoriété des artistes sera dans un premier temps utilisée par certains d’entre eux à des fins revendicatives : arrêt de la guerre au Vietnâm, refus du capitalisme, changement de société… autant dire que certaines de ces revendications restent toujours d’actualité !

 

 

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Les premiers DJ’s, pionniers de la radio


L’histoire du DJ commence avec celle de la radio. 1906 marque la naissance de la radio en tant que médium publicitaire. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la radio constituait le seul domaine d’activité des DJ’s.

 

Le disque devient un médium de masse, considéré comme un médium de substitution quand on ne pouvait pas jouer de musique en direct, dont la transmission et l’enregistrement contribuait à la suprématie du disque dans le monde des sons. La radio, le disque et le DJ’s s’engagèrent dans une symbiose fructueuse. C’est ainsi que le DJ pouvait organiser son programme musical sans se préoccuper de l’orchestre, des artistes capricieux et des impondérables humains.

 

La particularité du disque, c’est qu’il peut jouer n’importe quel genre musical. Pour les pionniers de la radio, diffuser des disques représentait la seule façon possible de réaliser une émission, une condition indispensable à la réalisation d’un programme de radio. Grâce à sa discothèque et à son micro, l’homme avait le monde de la musique à sa disposition. En 1911, le docteur Ellman B. Myers fut le premier à diffuser dix-huit heures de programmes composé exclusivement de disques. Sa compagne, Sybil M. True, devint en 1914, la première femme en charge d’un programme de radio et le premier DJ de sexe féminin. Chargée d’acheter des disques, elle les diffusait afin d’inciter les jeunes à utiliser ce nouveau support.

Grâce à l’émergence de stations de radio, importantes, puissantes et prospères, les DJ’s de radio furent progressivement écartés des responsabilités de mise en forme des programmations.

 

En 1926 et en 1927, le nombre de disques diffusés à la radio augmenta considérablement et avec l’arrivée de la crise de 1929, de nombreuses grandes stations de radio se rabattent sur cette option devenue bien moins chère. C’est ainsi que commença la bataille interminable des droits d’auteurs et du copyright. Il s’agissait d’interdiction, de restrictions et de procédures légales où les DJ’s étaient considérés comme « des fossoyeurs des musiciens de concert ».

 

Incontestablement, la fonction de DJ se perpétua et ses qualités de propagandiste furent utilisées afin de promouvoir certains disques.

La propagation de la pratique « Pay-to-Play » (ou payola) indique clairement que le DJ disposait d’un pouvoir, d’une influence et d’un certain charisme. Tout en restant dans l’anonymat, le DJ était une personnalité dont la voix, qui s’intercalait entre les disques tout en évitant la rupture, servait à la prolifération d’annonces publicitaires. Mais ce concept ne fonctionnait pas car ce dernier se retrouvait indubitablement sur le devant de la scène, croulant sous de nombreux courriers d’admirateurs.


Le DJ : artiste autiste et artisan métaphysicien


C’est à la fin des années soixante, dans les clubs new-yorkais, que le DJ émergea de l’obscurité et devient un artiste à part entière. Pour comprendre cette transformation, de sélectionneur de disques en musicien, considéré par définition comme un personnage éclectique,  il faut s’en référer à l’apparition et à l’évolution de certains styles de musique tels que le disco, le hip-hop et à la house, styles qui l’éleva au rang de compositeur. Le DJ en tant que star et auteur n’existe que depuis peu.

Pour comprendre, en partie, le phénomène de starification du DJ, il est essentiel de voir comment ce personnage, mis en avant sur la scène dancefloor, remet en question, dans un premier temps, la conception traditionnelle de l’artiste et la fait voler en éclats pour la reconstituer sous une nouvelle forme.


« A l’instar du réalisateur Jean-Luc Godard, qui se définit comme un organisateur d’images et de sons, le DJ apparaît sur la scène musicale pour remettre en question, et en partie détruire, la conception archaïque de la création artistique qui a survécu jusqu’aux esthétiques de la fin du vingtième siècle ».


La place du DJ se situerait entre destruction et conservation de l’idée de l’artiste. Sa matière première : ses disques, point de départ de toute production. Le DJ organise des créations préexistantes et assemble des œuvres artistiques en un tout inédit.


« L’artiste est longtemps apparu soit comme un autiste expressionniste qu’une pulsion quasi névrotique contraignait à produire un art arraché aux profondeurs de son Moi, soit comme un créateur procédant lucidement, rationnellement, conscient de la place qu’il occupe au sein de la tradition qui constitue l’histoire de l’art tout entière ».


Le DJ abolit la musique créée avant lui. Il s’en sert comme matière première et l’archive pour son propre travail. Par conséquent, on pourrait très bien considérer le DJ comme un collectionneur. Il achète, vend, échange et conserve précieusement ses disques telles de pièces de collection dont il prendra soin. Et c’est en stockant un bon nombre de pièce qu’il se constitue sa propre histoire de la musique, tout en la manipulant à bon escient.

Il peut mettre en rapport, juxtaposer ou mélanger des sons, des beats et des mélodies provenant de morceaux, de compositeurs différents, voire d’époques distinctes, faisant perdre à l’histoire de la musique tout sa linéarité.

 

 

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La théorie : imaginer un dancefloor où tous les participants sautent de joie, le sourire aux lèvres sur tous les morceaux joués : puissance affective de la musique. Le DJ joue sur les affects référents  grâce à la musique. L’expérience est bonne à vivre et participe à la libération de l’esprit et du corps à travers la danse et la musique, dans ce cas précis, le dancefloor devient un exutoire, représentant de toute une gamme de personnes participant à la prolongation et à la conservation du vivant.

 

Le DJ se considère comme un artisan, comme un amateur de musique. Il ne théorise (presque) jamais son travail mais l’esthétise d’une façon quasi inconsciente. Les DJ’s sont voués à la musique ainsi qu’à la  passion instinctive qu’elle engendre.

 

Le club, et, par extension, le dancefloor, restent des lieux de médiation et d’échange pour qui veut comprendre la musique du DJ. Une expérience directe vaut mieux que toute analyse théorique.

  

Les DJ’s tendent à un autisme avare de paroles car ce dernier se moque bien de ce qu’on écrit, pense ou raconte sur lui. Mais on ne peut se contenter de situer le DJ en tant que personnage de la scène musicale dans le seul contexte d’esthétique. Il faut prendre également en considération l’histoire et l’évolution des techniques ainsi que celles des nouvelles technologies.


L’Histoire a placé le DJ à la tête de l’avant-garde culturelle ainsi qu’au cœur de problématiques absurdes de l’expérience post-moderne.

Constitution d’un triumvirat (clubs, musique et mode) dans lequel le DJ s’est taillé, à coup de platines tournoyantes, de scratches et de mixes, une place magistrale au sein d’une culture de la jeunesse qui s’est révélée plus riche et plus diverse que les décennies précédentes.


Sans l’aide de certains DJ’s, il serait impossible d’ériger une histoire complète du phénomène « Club Culture » et c’est en ayant conscience de cela que le DJ Grandmaster Flash entendait bien raconter l’histoire du Hip Hop à travers le monde du clubbing et du deejaying.


« Tu peux entendre soit son histoire (story), soit l’histoire (history), et la seule façon d’entendre d’authentiques points de vue historiques, c’est par les gens qui étaient vraiment là, qui à partir de rien en ont vraiment fait ce qu’il est devenu maintenant ».


Si le DJ a le statut qu’on lui connaît aujourd’hui, c’est avant tout grâce à sa qualité de sélectionneur de disques, mais également au public et au dancefloor.

Par principe, toute forme et toute manifestation du DJ est intéressante, et pourtant les figures les plus fascinantes et les plus importantes, sont celles qui symbolisent le renouveau, la résistance ou la rébellion, transformant par la même occasion le simple passeur de disques sur une platine en un artiste d’une nature complexe et structurée.

 

L’histoire du DJ est celle d’un personnage doué d’une vision sur son propre travail et de la musique qu’il joue tout en la mettant en œuvre. Ce personnage qui s’est dressé contre les goûts communs (culture de masse) et le conformisme et a su s’élever au rang de héros de cette grande insurrection. Une affaire de rébellion et d’excitation.


« Le DJ fait bien plus que tout simplement poser des disques sur une platine, c’est l’un des nouveaux créateurs de culture en même temps qu’un personnage culte ».


L’étude du DJ ne tolère pas l’insatisfaction engendrée par le manque de foi, l’absence d’idéal et du grand amour.

Pour Michel Serres, théoricien et DJ House, la fécondité d’une œuvre jaillit du positif, sans empire et sans domination, sans soumission et sans contradiction.


Ainsi la fonction du DJ est également d’éviter les catégorisations rigides et les structurations conceptuelles restrictives.


A SUIVRE…

 


 

Source :

 

DJ Culture – Ulf Poschardt - 2002

Cf. Chroniques musicales : DJ STORY # 1, 2, 3 & 4

 

 


 

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