EAU


 

Eau

 

 

Ce chapitre constitue un véritable guide théorique et précis, invitant à la pratique de la Voie du sabre. Musashi y donne tous les éléments nécessaires au maniement du sabre (et par extension, au maniement des deux sabres), les attitudes à adopter, les coups, éraflures, feintes, parades à pratiquer tout en y apportant une réflexion.

L’esprit de la tactique de l’école Niten se base sur la philosophie de l’eau d’où l’on tire les moyens les plus efficaces. Si la théorie de la tactique exposée par Musashi s’applique à deux adversaires, il faut garder en tête qu’en tant que théorie, elle peut être appliquée à 10 000 individus face à 10 000 autres.


A propos des cinq façons de se mettre en garde

Sabre au-dessus de la tête

Sabre dirigé face à soi

Pointe du sabre dirigée vers le bas

Sabre dirigé vers la droite

Sabre dirigée vers la gauche

Pour Musashi, il n’existe pas d’autres manières de se mettre en garde.


Trois sortes d’interception

Pour intercepter le sabre de l’adversaire, rapprochez-vous de lui puis viser les yeux comme si vous vouliez le piquer avec la pointe de votre sabre. Puis faites dévier sur la droite la sabre de l’adversaire.

Cette interception est appelée « en fente ». A l’aide d’une fente, interceptez le sabre de l’adversaire en visant son œil droit et comme si vous vouliez pincer son cou.

Muni d’un wakizashi, lorsque l’adversaire attaque, approchez-vous de tout près de son visage comme si vous vouliez le fendre. C’est une interception visant à utiliser une contre-offensive.


FEU

 

Feu

Dans ce chapitre, Musashi expose tout ce qui concerne le combat, la victoire et la défaite. Dans la tactique de Musashi, on combat dans l’idée que l’on risque sa vie, par conséquent, il est donc nécessaire de discerner les deux principes (avantages) de la vie et de la mort et c’est ainsi que l’on apprend la Voie du sabre. C’est en jaugeant la force ou la faiblesse des coups de sabre de nos adversaires, que l’on est à même de bien saisir la trajectoire du tranchant et du dos des sabres, l’esprit ainsi forgé nous donne la capacité d’abattre ses adversaires. La tactique de Musashi selon la Voie du sabre permet de connaître la victoire avec certitude.

Afin d’étudier correctement la Voie, il faut apprendre à découvrir les stratagèmes d’un adversaire supposé, savoir évaluer sa force ou sa faiblesse et comprendre les moyens qui permettront d’obtenir la victoire sur tout le monde grâce à l’intelligence de la tactique. C’est ainsi que l’on devient expert dans la Voie.


« Qui au monde, en dehors de moi, pourrait obtenir la Voie véritable de la tactique de notre école et l’approfondir jusqu’à son point ultime ? »


C’est en s’entrainant matin et soir qu’il sera possible d’obtenir l’aisance et parvenir sans effort à l’extraordinaire.


Trois façons de prendre l’initiative

Initiative de provocation : prendre l’initiative d’attaquer le premier l’adversaire.

Initiative d’attente : c’est l’initiative à prendre lorsque l’adversaire attaque.

Initiative mutuelle : initiative à prendre lorsque que l’adversaire attaque en même temps que vous.

Prendre l’initiative est la première des choses à faire dans la tactique. Selon les circonstances et l’occasion, en observant minutieusement les intentions de l’adversaire, il faut prendre l’initiative.

 

Passage de la montagne à la mer

Cette expression signifie qu’il est mauvais de répéter les mêmes attaques au cours d’un même combat. Plutôt que de répéter un coup, il est préférable de porter un coup inattendu et de façon différente.


« Si votre adversaire imagine la montagne, imaginer la mer, si votre adversaire imagine la mer, imaginez la montagne ».

 

VENT


Vent

 

Ce chapitre consiste à étudier les tactiques des autres écoles, d’en déceler les défauts afin d’en retirer les avantages afin de mettre en avant les qualités de l’école des deux sabres, véritable étude la Voie de la tactique.

Dans ce chapitre, Musashi expose la Voie des autres écoles car il estime qu’il est important de connaître leurs pratiques en insistant sur le fait qu’elles ne suivent pas la vraie Voie de la tactique, en y énumérant leurs bons et leurs mauvais enseignements, ce qu’elles ont de correct ou d’erroné vis-à-vis de la Voie. Musashi nous invite à porter une réflexion sur l’école « des deux sabres ».

Le but de Musashi est d’enseigner une Voie droite en sondant l’intelligence de la personne qui étudie (mettre ses qualités en avant) cette Voie afin de faire disparaître les défauts des autres écoles, en lui transmettant un esprit dénué de doute.


« Atteindre la vertu par l’esprit, c’est là l’essence de la tactique ».

 

VIDE


« On entend par « Vide », l’anéantissement des choses et le domaine inconnu ».


Le « vide » est le néant par nature. Par la connaissance des êtres, on connaît le néant, c’est là le « vide ». Dans la Voie de la tactique, il est important de maîtriser les autres arts martiaux afin de ne plus posséder de point obscur sur la pratique de la Voie, afin d’empêcher l’égarement de l’esprit et de ne jamais relâcher à aucun moment.

Le but est de polir deux vertus essentielles : la sagesse et la volonté, ainsi que d’aiguiser les deux fonctions des yeux : voir et regarder.

« Connaissez l’Esprit. Reposez-vous sur un domaine franchement juste. Faites de l’Esprit réel la Voie. Pratiquez largement la tactique. Ne songez qu’à la justice, à la clarté et à la grandeur. Faites du « vide » la Voie. Et considérez la Voie comme « vide ». Dans le « vide », il y a le bien et non le mal. L’intelligence est « être ». les avantages sont « être ». Les Voies sont « être ». Mais l’esprit est « vide ».

 

EPILOGUE


Le noyau de la spiritualité japonaise

Le dernier chapitre « Vide » mériterait qu’il soit appris par cœur, car Musashi y exprime le but de la Voie. Ce paragraphe est placé en parallèle avec Les Dialogues dans les rêves et Le Kojiki, ajoutés au Traité des cinq roues, ces trois textes constituent le noyau de la spiritualité japonaise.

Dans le dernier paragraphe du chapitre « Vide », Musashi condense les Voies de développement et de perfectionnement de l’intelligence ainsi que l’acquisition des avantages. L’être est « vide ».

« Les nuages de l’égarement se dissiperont ». Cette expression signifie qu’après s’être assidûment exercé aux recommandations de Musashi, on parvient au « vide ». Par conséquent, « dans le « vide », il y a le bien et non le mal ». En tant que critères de l’escrime (kendô, kenjutsu) et du samouraï, le Traité des cinq roues constitue un manuel pratique permettant de franchir les étapes conduisant à un idéalisme, à travers des exercices.

Les Dialogues dans les rêves peuvent également se résumer ainsi : « Silla ! Le soleil est clair à minuit ». Silla était un des trois royaumes de l’ancienne Corée. Dans l’ancien Japon, « Silla » désignait des contrées lointaines et inconnues. Cette expression a pour objectif efficace d’amener à la psychologie de la personne à une transcendance lointaine et exprime la frontière entre « en-deçà » et « au-delà ».

En tant que livre religieux du Moyen Age, Le Dialogue dans les rêves vise tout naturellement l’au-delà, dont l’idée fondamentale est l’abandon des idées de réputation et de profit et ce texte insiste sur les notions de transcendance et de bondissement.

Le Traité des cinq roues est un texte des Temps Modernes qui prône les avantages (profits) et les distille en principes. Dans ce livre, « être » coïncide avec « minuit » et « vide » correspond à « minuit » du Dialogues dans les rêves.

Selon la philosophie Zen, la « via negativa » est le premier point selon la devise qui consiste à ne penser, ni au bien, ni au mal. Dans le Traité des cinq roues, il est que dans le « vide », il y a le bien et non le mal.

Le but du Kojiki, le livre des choses anciennes issue du shintoïsme est de fixer la mythologie se rapportant à la « Grotte Céleste », dont on peut en retirer plusieurs interprétations : cérémonie funéraire, procédé antique pour faire apparaître le soleil en temps d’éclipse, redonner de la force au soleil au moment du solstice d’hiver, rites destinés à calmer, secouer, agiter ou à consolider l’âme.

Les expressions « Vide », « le soleil est clair à minuit » et « Grotte Céleste » sont interprétées au même niveau et expriment une même vérité. « Le soleil est clair à minuit » correspond à la mythologie se rattachant au miroir (yata no kagami) de la grande déesse du soleil, Amaterasu Omikami, dont l’idéogramme correspond au « honshazenshonen » (la sagesse originelle). Cette mythologie met l’accent sur l’unification entre sujet et objet, point sur lequel le Zen insiste beaucoup.

Dans le chapitre « Feu » du Traité des cinq roues, Musashi dit : « Devenez votre adversaire ». Dans la scène mythologique de la « Grotte Céleste », se mêlent pornographie, rire et comédie. Grâce à la magie, il est possible de parvenir à la Vérité et ceux qui y portent entrave ont : « la barbe coupée, les ongles arrachés des mains et des pieds ».

Le Kojiki (shintoïsme) considère les ténèbres et la mort comme des souillures répugnantes qu’il faut rejeter. Dans le bouddhisme, on y voit dans les ténèbres la vie et la mort, car les ténèbres brillent et la lumière est souillée comme le lac.

C’est ainsi que l’on retrouve une même Vérité et que l’on peut (presque) comprendre le noyau de la spiritualité nippone, à travers la magie, le Za-Zen et l’escrime.

La magie unifie et renforce la société primitive mais son défaut est de tomber dans des superstitions. Le Za-Zen évite le danger des superstitions mais n’est accessible qu’à un nombre limité de personnes. Quant au Bushidô, il renforce l’unification sociale à travers des règles et des codes, sans danger de superstition, mais il est limité à une période de l’histoire.

 

Source :

Traité des cinq roues (Gorin-no-shô) – Miyamoto Musashi - 1983


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