Histoires de Samouraïs # 2
11 avr. 2011LE KATANA : ARME REDOUTABLE ET OBJET D’ART
Wakizashi de la période Edo, dite de Tokugawa (1603-1868)
Le katana
Le katana est un sabre dont la lame est courbée à un seul tranchant, une arme blanche de 6ème catégorie, dont la possession est autorisée mais le port et le transport sont réglementés.
Le katana peut mesurer jusqu’à soixante centimètres et peut peser entre 800 et 1300 grammes. Il est porté glissé dans la ceinture (obi), tranchant dirigé vers le haut (vers le bas si c’est un cavalier). Porté avec un wakizashi (sabre court), ils forment un ensemble appelé le daishô. Le katana est une arme de taille (on utilise le tranchant) et d’estoc (on utilise la pointe). Il se manie généralement à deux mains, mais certaines techniques, comme la technique des deux sabres de Musashi, ou des techniques impliquant l’utilisation du fourreau, supposent le maniement à deux mains. La poignée (tsuka) se termine par une garde (tsuba) qui protège la main.
Kanji "katana"
Avec un katana, la coupe se fait uniquement avec les dix premiers centimètres de la lame, partie appelée « monouchi » (littéralement, objet de frappe). Lorsqu’il est manié seul, le katana se tient à deux mains, l’exception la plus notable est l’école Hyocho Niten Ichi Ryu où l’on utilise simultanément les deux sabres, technique issue du Traité des cinq roues de Miyamoto Musashi.
Les cinq principaux coups portés au sabre
Le tsuki correspond au coup d’estoc.
Le shômen est une coupe du haut vers le bas, le terme « men » désigne la tête.
Kesa giri est une coupe en biais, s’effectuant de haut en bas, tranchant de la base du cou aux côtes flottantes, de l’autre côté du corps.
Gyaku kesa giri est une coupe diagonale, s’effectuant du bas vers le haut et part d’une garde « gedan no gamae ».
Yoko guruma (roue latérale) ou dogiri (coupe de la cuirasse) ou ichimonji (le sabre a un mouvement similaire au pinceau écrivant le kanji « ichi ») est une coupe horizontale au niveau du ventre.
Lorsque le katana est sur son présentoir, « katana kake », il est placé dans son fourreau (saya), tranchant dirigé vers le haut, face publique (omote) et à gauche de soi.
En temps de paix, le katana se pose sur le présentoir, la tsuka côté gauche. En temps de guerre, la tsuka est à droite, permettant une sortie plus rapide du katana en cas de danger.
Daishô
Fabrication artisanale du katana : l’élaboration d’une œuvre d’art
Considérée comme une arme et une œuvre d’art, le katana est l’arme la plus tranchante qui existe. Symbole de pouvoir d’esprit martial et d’honneur, il représente l’âme du samouraï japonais.
Au Japon, la nature est peuplée d’innombrables esprits et divinités. La montagne de Shimane (île d’Honshû) est le lieu où l’on extrait l’acier spécial ainsi que le sable ferrugineux contenant moins de phosphore et de soufre, constituant une matière première idéale à la fabrication du sabre japonais.
Le travail du maître forgeron consiste à réaliser un acier qui ne doit ni rouiller ni se briser. Le noyau d’acier chauffé à blanc se nomme le « tamahagane » et est un acier deux cent fois plus onéreux que l’acier traditionnel car cette fabrication requiert énormément de temps et de matériaux spéciaux.
A l’époque médiévale, fondre l’acier était un acte sacré qui ne s’accomplissait qu’après avoir revêtu l’habit blanc des prêtres afin d’obtenir la bénédiction de la capricieuse déesse du métal, Kanaya Noshin.
Dans le Japon ancien, le katana, sabre des samouraïs, n’était pas simplement une arme mais représentait également un symbole de statut social. Un seigneur pouvait intégrer à la puissante caste des guerriers, un soldat qui l’avait bien servi. C’est à cette occasion qu’il lui remettait le katana. En tant que samouraï, il se devait de défendre, à toute heure et contre tous les ennemis, l’honneur et la quiétude de son maître, au risque d’y perdre la vie. A partir du moment où il lui avait été remis, le sabre ne quittait plus son propriétaire. Il incarnait aux yeux du samouraï un pouvoir spirituel qui était censé le protéger des attaques et des épreuves jusqu’à la fin de ses jours.
Le sabre n’est pas seulement réputé pour être un bel objet, son tranchant en fait une arme redoutable. Dans les mains d’un maître de sabre, le katana peut trancher d’un coup les cibles les plus tendres mais aussi les plus dures. Et pour obtenir une lame tranchante, il faut un acier très dur. L’ennui, c’est que ce métal se brise facilement. Alors les maîtres forgerons japonais ont mis au point une lame composite formée d’une enveloppe en acier très dur et d’un noyau central en acier plus souple. Une lame possédant la souplesse d’un bambou et le fil d’une lame de rasoir.
Afin de rendre la lame la plus dure et résistante possible, le maître forgeron applique sur la lame un mélange d’argile noire, de poudre de pierre ponce et de cendres. L’argile noire donne au tranchant de la lame une ligne de trempe appelée « hamon ». Cette argile est mélangée avec de la poudre de charbon de bois. C’est une étape très importante et chaque artisan possède sa propre façon de procéder. Ainsi, cela permet de garder un maximum de flexibilité au dos de la lame tout en garantissant une bonne dureté au tranchant. La lame est chauffée de façon uniforme à 800°C. La chauffer trop pourrait endommager la gaine d’argile. La chauffer trop peu risquerait de nuire à son durcissement. Quand la lame prend la couleur du soleil levant, c’est l’instant magique où le maître va donner une âme à la lame. Le refroidissement brutal dans un bain d’eau modifie la structure cristalline de l’acier et accentue la courbe caractéristique de la lame et un premier polissage permettra de faire apparaître le hamon, la ligne de trempage.
Chaque pièce porte le poinçon de son fabriquant. La lame du katana porte la signature gravée du maître (bien souvent l’emblème de sa famille) qui l’a forgé, signature qui traverse les siècles sans être altérée et généralement très appréciée par les amateurs et collectionneurs.
Seuls les samouraïs étaient autorisés à porter deux armes, signes tangibles d’autorité que personne ne songeait à contester. Seule la mort pouvait séparer un samouraï de ses sabres. Outre le sabre long, il portait également une arme plus courte, le wakizashi. Où qu’il aille, ses deux armes l’accompagnaient. Même la nuit, dans sa maison, il les gardait à portée de mains pour être toujours prêt à combattre.
Il y a 250 ans, les samouraïs durent déposer les sabres, ce qui entraina une grave crise dans le milieu des artisans. Avec l’arrivée des Portugais au 16ème siècle, le Japon découvrait une arme nouvelle. L’arquebuse fit rapidement la preuve de son efficacité militaire. Désormais, ce n’était plus des hommes d’élite mais de simples soldats armés de fusils qui gagnaient les batailles. Pourtant, les samouraïs restèrent fidèles à leur équipement traditionnel. Le sabre représentait toutes les valeurs dans lesquelles ils se reconnaissaient. La loyauté, l’inflexibilité, le courage et l’esprit martial (confère Les sept vertus du samouraï). Le sabre incarnait le sens de l’honneur et lorsqu’un samouraï dégainait son arme, c’était dans l’intention de tuer.
Le maître polisseur accomplit un travail de finition des plus minutieux. Avec précaution, il tamponne la lame avec un mélange d’huile et d’oxyde de fer, ce qui la protègera de la rouille et mettra en valeur le contraste entre le grain de l’acier et le poli du tranchant. Puis, vient le polissage du « yokote », l’arête qui sépare la pointe du reste de la lame. La pointe du sabre est comme le visage d’un être humain et tout comme une femme se maquille en dernier, on finit le polissage par la pointe de la lame.
« Un bon guerrier doit connaître les armes qu’il utilise ».
Le bokken ou bokutô (littéralement, sabre de bois)
Ce sabre en bois reprend la taille et la forme du katana et est utilisé principalement pour l’entraînement et l’apprentissage dans le cadre d’Arts Martiaux tels que l’Aïkidô, le Kenjutsu, le Kendô, l’Iaïdô, etc.). Historiquement, il était également utilisé comme arme de combat. Miyamoto Musashi est réputé pour avoir utilisé le bokken (les Japonais lui préfère le terme de « bokutô ») comme arme de combat.
En japonais, l’idéogramme « ken » s’emploie de préférence au début d’un mot pour les termes ayant un rapport avec l’escrime. En tant qu’arme d’entraînement, le bokutô se substitut au sabre tout en se rapprochant des sensations ressenties lors de sa manipulation, servant également de renforcement musculaire.
En Kendô, il est utilisé pour effectuer les katas, dont le but est le travail de la technique du « kime », la puissance. Le terme japonais « kata » signifie « forme » dans les Arts Martiaux nippons. C’est une manière codée de transmettre l’enseignement. La répétition des katas permet de découvrir des principes cachés et mystiques. Il existe quatre styles de katas.
Les katas de base (Kyon no kata) est une préparation aux véritables katas du style. Les katas de combat (Tatakaou no kata) ont pour objectif le travail de la technique pour pouvoir ensuite l’utiliser au combat. Les katas de respiration (Katsu no kata) mettent en avant le travail du souffle et ont pour but de faire circuler les énergies. Enfin, les katas artistiques (Miseru Kata) sont des exécutions de techniques spectaculaires mettant en avant la souplesse.
Kendô, la Voie du sabre
Le but du kata est double puisque son objectif est de faire travailler des gestes et des postures dans des situations données afin de recevoir un apprentissage « au calme » et plus appliqué que lors d’un combat. L’autre objectif est de faire découvrir les principes fondamentaux des Arts Martiaux tels que l’évaluation des distances, l’attitude et la gestion de l’équilibre ainsi que la coordination des mouvements.
Le wakizashi est un sabre court d’origine japonaise, mesurant entre 30 et 60 centimètres de longueur, dont la courbe est similaire au katana mais de taille plus petite. Porté avec le katana, il constitue le daishô. Il se manie à une main uniquement et est utilisé dans une escrime particulière appelée « nitoryu », technique des deux sabres développée par Musashi. Utilisé en même temps que le katana, il sert de « main-gauche » (terme d’escrime permettant d’utiliser une dague dans la main dite « faible »), facilitant la parade d’attaques d’estoc. Le wakizashi était utilisé par les samouraïs pour effectuer les combats se déroulant dans des milieux clos ainsi que pour le rituel du suicide, le « seppuku ». Le katana n’était sorti que pour combattre dans des grands espaces.
Le shôtô est une réplique en bois du wakizashi réservé à l’entraînement. Les techniques de combats propres à cette arme sont réunies sous le terme de « kodachijutsu ».
Kendô et kenjutsu : Voie et art du sabre
Le Kendô est la Voie du sabre. Le Kenjutsu est l’art du sabre.
C’est à force de répéter les mêmes exercices que le corps finit par s’en souvenir. Il faut que les mouvements deviennent des automatismes et cela demande une pratique intensive et pour y parvenir cela demande également de nombreuses années.
De nos jours, les Arts Martiaux sont basés sur la compétition mais c’est contraire à l’étique de la Voie du sabre. Il faut cultiver la modestie. Bien sûr, il faut être fort et avoir l’esprit combattif d’un guerrier mais on doit savoir maîtriser sa force, sinon on devient violent. Il faut donc faire preuve de modestie et être respectueux envers l’autre.
Le but des Arts Martiaux est de ne plus avoir peur, se battre sans avoir peur de la mort, se concentrer sur le combat l’esprit libre. On atteint ainsi le stade « mushin », qui est également l’un des objectifs des Arts Martiaux.
Le Kendô est la version moderne du Kenjutsu, une escrime pratiquée par les samouraïs du Japon féodal. Outre le fait d’être un art martial, le Kendô est également un sport de compétition mais il ne se résume pas à la simple pratique de techniques et de tactiques du combat au sabre. La possibilité de développer une force de caractère et un esprit de détermination font partie d’un tout dont on ne peut écarter la spiritualité prônée par cet art.
Le Kenjutsu fait partie des dix huit Arts Martiaux que le bushi (guerrier) devait pratiquer. De « sabre pour tuer » (setsuninto), le Kenjutsu évolue vers « sabre pour vivre » (katsuninken) à travers lequel le pratiquant (kendoka ou plus justement kenshi) forge sa personnalité. Les entrainements au Kendô se nomment, keiko.
La notion fondamentale du Kendô est le « ki ken tai no itchi» (l’esprit, le sabre et le corps en un) constituant une unité entre l’esprit « ki », qui désigne la détermination dans l’assaut et qui se manifeste par le « kiaï », le cri que pousse le combattant lorsqu’il porte une attaque.
Le sabre (ken) représente le coup porté et le corps (tai) désigne l’engagement du corps représenté par une frappe du pied au sol, exécutée en même temps que la coupe et le kiaï.
Le « ki » est le souffle-énergie qui se transforme en matière et se sublime en principes et voies. Ainsi, technique et esprit sont deux versants d’une même réalité.
Le Kendô est une discipline physique et est un art qui exige également une discipline de l’esprit.
Le Kenjutsu est l’ancêtre du kendô. C’est un art qui était pratiqué par les bushis japonais, art qui appartient aux anciens Arts Martiaux, dans la catégorie des Bujutsu, techniques guerrières du Japon ancien. Le Kenjutsu ne peut être appris qu’aupès du « soke », le Grand Maître et l’enseignement se fait au sein d’un « koryu », une école ancienne.
« L’art du sabre vient des ascètes de la montagne. L’essence de notre tradition, et l’obtention d’une position inattaquable, consistent à abattre nos adversaires alors que le sabre est encore au fourreau, étouffant leurs actions et remportant la victoire sans sortir le sabre. Quand vous êtes engagé dans le combat, détachez-vous de toute pensée de victoire ou d’échec, parvenez à un esprit pur et libre et unifiez-vous avec les dieux ».
Histoires de kodan
A travers le « Hogen Monogatari » (le Dit de Hogen), le « Heiji Monogatari » (le Dit de Heiji) et le « Heike Monogatari » (le Dit de Heike), que nous est conté le cycle épique des Taira et des Minamoto. Cette précieuse littérature datant du 12ème siècle est une véritable compilation de récits anciens, dont samouraïs et rônins en sont les principaux protagonistes.
Cette trilogie raconte l’Histoire du Japon ancien, accompagnée d’autres textes, mémoire collective du peuple nippon. Le Gikei-ki (Chronique de Yoshitsune) et le Taikei-ki (Chronique importante de la fin de l’ère de Kamakura (1185-1336) sont des œuvres qui viennent compléter cette trilogie.
L’ensemble constitue une source unique car dans ces « chroniques des guerres civiles », le merveilleux a pris une place prépondérante au sein de l’Histoire, transformant les héros en demi-dieux, où la gloire n’exclut jamais le tragique.
« Les orgueilleux ne durent guère, ils sont comme un songe d’une nuit de printemps… »
Principaux thèmes développés dans les théâtres Kabuki et Nô, ces chroniques étaient autrefois colportées par des moines (hoshi-biwa), personnages comparables aux troubadours de l’époque médiévale occidentale. Ces moines bénéficiaient d’une protection, grâce à la manière dont ils étaient vêtus, allant de villages en châteaux en jouant du « biwa » (luth à quatre cordes) et du « shamizen » (guitare-tambour à trois cordes), tout en contant des chansons de gestes.
Les histoires de Kodan sont des histoires dites par un conteur. Ce sont des textes empruntés aux chroniques classiques des temps anciens, notamment au « Dit des Keike », célébrés dans les milieux traditionnels de la Voie du sabre.
Ces histoires nous content des aventures extraordinaires de valeureux bushis ignorant la peur et la mort. Celle de Tornade, le guerrier qui en valait un million, nous démontre la témérité de ce guerrier habile au maniement de la lance (naginata) et du katana.
L’Histoire de Tomoe Gozen (1160-1184 ou 1247), littérallement Dame Tomoe), nous prouve qu’il existait bien des femmes guerrières aussi courageuses et téméraires que les hommes, habiles au tir à l’arc dont les exploits étaient connus à travers tout le Japon.
« Le secret du l’art du sabre » nous démontre qu’un samouraï devait vivre en permanence avec l’idée de la mort en tête et l’histoire du « maître du thé et du samouraï » nous apporte la preuve que ces guerriers hors pairs n’étaient pas dénués de toute intelligence.
A suivre : Musashi, l’école des deux sabres et le Traité des cinq roues
Sources :
Histoires de Samouraïs - Récits de temps héroïques - Roland Habersetzer - 2008
Le katana, sabre des samouraïs – émission diffusée sur Arte