CHAPITRE 13

Sweeney Todd03

 

Sweeney Todd : Le diabolique barbier de Fleet Street

Titre original : Sweeney Todd : The Demon Barber of Fleet Street

Réalisation : Tim Burton

Genre : Comédie musicale horrifique

Année : 2007

Sweeney Todd n'est pas né tout à fait de la seule idée de Tim Burton. Avant la comédie musicale signée Stephen Sondheim, films, téléfilms, pièces de théâtre se sont chargés de pérenniser la légende et d'entretenir le folklore.

Folklore et adaptations diverses

Plus qu'aux Etats-Unis, Sweeney Todd est une institution au Royaume-Uni. Une sorte de Jack l'égorgeur qui aurait beaucoup lu Charles Dickens, Emile Zola et Victor Hugo.

Mais y a-t-il derrière cela une réalité ? Un mythe ? Une légende ? Difficile de l'affirmer tant les origines du personnage se perdent dans la nuit des temps et un labyrinthe d'interprétations, de supputations variablement sincères.

Certaines sources attestent même de la naissance du barbier homicide sous la Révolution française, jacobin si ardent qu'il saigne les aristocrates comme des pourceaux plutôt que de les envoyer à l'échafaud !

D'autres, toujours dans l'Hexagone, remontent à bien plus loin. Autour de 1310 où, rue Chanoinesse sur l'île de la Cité (à Paris), un barbier et son voisin pâtissier s'entendaient pour trancher la gorge aux clients du premier et à transformer ceux-ci en hachis indispensable aux très réputés pâtés en croûte du second.

Curieusement, en dépit du lien que ces événements établissent entre Sweeney Todd et la France, le mythique barbier n'y fait guère recette. Personne ou presque n'en entend parler, jusqu'au jour où Tim Burton et Johnny Depp s'y intéressent...

Et, de l'autre côté de la Manche, qui inspire Benjamin Barker alias Sweeney Todd ?

Le romancier et anthropologue Peter Haining annonce que le barbier a vraiment existé et qu'il a sévi précisément un siècle plus tôt. A ces affirmations, il n'apporte cependant aucune preuve irréfutable dans les deux livres qu'il écrit sur le sujet, The Mystery and Horrible Murders of Sweeney Todd (1979), Sweeney Todd : The Real Story of The Demon of Fleet Street.

Une fable par conséquent...

Autre piste : on évoque la pendaison de l'intéressé à Tyburn, en 1802, devant une foule compacte. Mais dès 1878, un collaborateur du journal culturel Notes and Queries dément formellement la véracité de tels faits car aucun document officiel n'atteste de l'exécution et de l'arrestation du serial raseur. D'ailleurs, même Stephen Sondheim, l'auteur du musical des années 80, l'entonne : "Sweeney Todd, c'est de la pure invention.", ressasse-t-il depuis plus de vingt ans...

La célébrité, Sweeney Todd la connaît d'abord sur les planches, grâce à la pièce du dramaturge George Diddin Pitt, The String of Pearls : Or The Fiend of Fleet Street en 1847. Une initiative en avance de plusieurs décennies sur le Grand-Guignol français qui, justement, fera ses choux gras de ce type de personnages, serial killers avant l'heure.

The String of Pearls bénéficie d'une telle affluence, d'une telle ferveur populaire qu'un obscur auteur de romans-feuilletons bon marché, Thomas Pecket Prest, lui emboîte le pas avec The String of Pearls : Or The Sailor's Gift.

A Romance of Peculiar Interest, qui aurait connu pas moins de 18 chapitres pour autant de fascicules. Un authentique best-seller qui traduit les frustrations, la colère, même, des classes populaires foulées du pied, méprisées par une élite toujours plus arrogante.

Devenu au fil des années une sorte d'exutoire à la frustration de petites gens, gagnant en suffrages au fur et à mesure que l'Angleterre victorienne s'affirme, toujours plus puissante et toujours plus inégalitaire, Sweeney Todd passe rapidement entre d'autres mains.

En 1862, un autre dramaturge, Frederick Hazleton, monte la pièce Sweeney Todd : The Demon Barber of Fleet Street, non sans ajouter des léments originaux, étrangers à celle de son prédécesseur. Il en publie même, parallèlement, une adaptation sous forme de roman.

Dix-huit ans plus tard, une autre série de romans-feuilletons, les pulps de l'époque, récupère le personnage : Sweeney Todd : The Demon of Fleet Street, son coupable n'hésitant pas à plagier tout ce qui a été publié jusque là. La rançon de la gloire en somme.

Tandis qu'il continue de brûler les planches et de nourrir la littérature de gare, Sweeney Todd franchit le cap du grand écran. En 1926, il affûte ses rasoirs pour la première fois au cinéma, à l'occasion d'un Sweeney Todd : The Demon Barber of Fleet Street burlesque, suivi d'une version éponyme carrément horrifique en 1928.

Du menu fretin au regard du film de 1936 que signe George King. Déjà spécialiste des rôles de meurtriers sadiques et de pervers, Tod Slaughter s'y révèle si convaincant qu'il incarne, pendant des années, le barbier au théâtre. Douze ans après l'avoir créé, il décroche à nouveau le tablier au cinéma dans le court-métrage Bothered by a Beard. Comme si cela ne lui suffisait pas, il le retrouve pour un simple monologue perdu dans un second court, Puzzle Corner n°14, dont la promotion est organisée sur son rôle malgré sa modeste contribution.

Parodié dans des émissions de variété par les Two Ronnies, des comiques très populaires dans les 70's, avec le sketch Teeny Todd, The Demon Barber of Queer Street, Sweeney Todd ne quitte jamais vraiment la scène. En 1968, il réapparaît, revigoré, dans une adaptation théâtrale signée Christopher Bond, dans le cadre du prestigieux Royal Theatre britannique. Version qui adoucit quelque peu un personnage jugé excessivement sombre. Six ans après, il gagne encore en puissance, à Broadway, dans une version mise en musique et en danse par Stephen Sondheim. Avec une pimpante Angela Landbury (l'actrice qui joue le rôle de Jessica Fletcher dans la série télévisée Arabesque). Ce Sweeney Todd connaît, de 1979 à 1984, une marche triomphale, d'abord à New York puis lors d'une tournée nationale.

A l'exception de Bloodthirsty Butchers d'Andy Milligan (1969), le cinéma boude étrangement Sweeney Todd avant que Tim Burton ne s'en saisisse enfin. Le barbier sévit avant tout à la télévision, notamment en 1970, mais c'est bien peu pour une aussi grosse légende de l'horreur baroque ! Le cinéaste John Schlesinger demande à Ben Kingsley de personnifier le barbier dans The Tale of Sweeney Todd, baptisé en France, L'échoppe des horreurs.

Ironiquement, c'est Joanna Lumley - Purdey dans la dernière mouture de The Avengers (Chapeau melon et bottes de cuir) et bourgeoise destroy dans la sitcom Absolutely Fabulous - qui joue sa dévouée Nellie Lovett. L'auteur de Marathon Man applique à Sweeney Todd un traitement mélodramatique, allant plus vers la comédie que vers l'horreur pure.

Une option horrifique retenue par Dave Moore pour la version de 2006, téléfilm autant attentif à la terrible réalité sociale de la fin du 19ème siècle au Royaume Uni qu'à une débauche de scènes gores bien poisseuses.

Quoi qu'il en soit, un Sweeney Todd proche de celui de Tim Burton. Davantage dans l'esprit que par la forme d'ailleurs....

Source : Article Cinélive par Marc Toullec - Janvier 2008

L'adaptation de Tim Burton

Magnifique comédie musicale horrifique (parce qu'il faut bien le dire, il y a des passages bien sanguinolents tout de même), étant une amatrice de films d’horreur, je redoutais les dialogues chantés, mais le film semble très aboutit car si on y prête un minimum d'attention, il retrace la carrière artistique de Burton, sur les détails surtout (costumes, maquillage, décors, prises de vue, esthétique, etc).

Que ce soit au niveau des décors, des costumes, des maquillages, de la musique, des personnages et des comédiens, ce film est un assemblage savant de Beetlejuice, Batman, L'Étrange Noël de Monsieur Jack, d'Edward aux mains d'argent et de Spleepy Hollow.

Sweeney Todd01

Helena Bonham Carter et Johnny Depp sont plus qu'exquis en couple-charcutier/barbier et à souligner, une magnifique interprétation de Sacha Baron Cohen (Ali G in DaHouse, Borat...), en barbier italien, bonimenteur vendeur de lotion miracle.

Sweeney Tood02

Et oh surprise, même s'il n'apparaît pas beaucoup, un Alan Rickman au meilleur de sa forme, en juge tyrannique et pervers.

Esthétiquement parlant, un vrai bijou. J'ai remarqué qu'il s'était octroyé l'usage du Luma - nom donné au grand bras articulé permettant de déplacer une caméra dans les trois dimensions sur de grandes amplitudes - agrémenté d'un très bel effet spécial. En fixant une caméra à ce bras articulé, cette façon de filmer permet de retranscrire des mouvements fluides et amples.

Des ambiances sombres et inquiétantes, comme Burton sait en créer.

Techniquement parlant, de très beaux raccords-images/sons liants parfaitement les plans les uns aux autres, en somme, un montage magique.

Quand le jeune matelot chante la recherche de sa bien aimée, Johanna, et que Sweeney Todd chante la recherche de sa fille, ceci a le don de réunir les deux personnages. Ces plans nous font comprendre qu'ils ont la même quête, le même sentiment, le même désir, mais en deux endroits différents.

Ce n’est pas nouveau, mais c'est un exercice de style cinématographique qui est à mon goût.


Retour à l'accueil