La cérémonie du thé : histoire, démonstration et dégustation
22 févr. 2012La cérémonie du thé est un événement très important, faisant partie intégrante du Japon traditionnel et moderne. C’est à partir du 12ème siècle, que les Japonais pratiquent le « chadô », littéralement la Voie du thé, qui est fortement ancrée dans les us et coutumes nippones. On lui accordait, et on lui accorde toujours, une très grande importance. Le « chanoyu », l’art de servir le thé est un art martial tel que l’ikebana, la calligraphie, le judo, le kendo, etc.
Les histoires de kodan, histoires relatant une partie de la tradition martiale japonaise, mettent en avant l’art de la cérémonie du thé qui est souvent comparée à l’art du sabre. Ainsi, dans "Le Maître du thé et le samouraï" et "Le Maître du thé et le rônin", le chanoyu constituait un art de vivre prépondérant dans la culture et dans l’imaginaire médiéval et démontrait que le thé avait et garde toujours une place notable au sein de la société nippone.
Il existe au Japon plusieurs écoles de cérémonie du thé et les disciples apprennent cet art traditionnel pour devenir un jour maître du thé.
Dans l’histoire du "Maître du thé et du samouraï", le récit met en évidence l’importance de la concentration et de l’attention. En effet, la cérémonie du thé est un rituel qui incite au calme et à la méditation et doit être accompli d’une manière polie, gracieuse et charmante, accompagnée de gestes et mouvements précis, sobres et codifiés.
L’histoire du "Maître du thé et du rônin" illustre bien l’essence de la pratique, l’importance du zen et de l’esprit de plénitude que doit procurer la cérémonie du thé.
Selon un ordre et des codes rigoureux, c’est au cours du « chakai » (rencontre autour du thé), que le maître du thé procèdera à la purification du service à thé à l’aide d’un linge de soie, qu’il prendra soin de plier d’une certaine manière avant de le ranger soigneusement dans son « obi » (ceinture).
En 1588, l’Edit de séparation est promulgué et un décret est diffusé interdisant le port d’armes à la paysannerie. Ce qui eut pour conséquence la création de la caste des guerriers, les samouraïs. Tout bushi digne de porter le « daishô » (katana et wakizashi) était tenu d’apprendre et de pratiquer l’art de la cérémonie du thé.
A l’époque médiévale, les maisons des samouraïs était composées d’une pièce principale décorée d’une façon très minimaliste : cela pouvait être un parchemin, un tableau ou une poterie. Cette pièce devait favoriser la contemplation et servait à accueillir les convives lors du « chanoyu ».
Le jardin du samouraï était un lieu de repos, apportant la contemplation ainsi que la méditation. Il était également considéré comme une œuvre d’art dont les éléments principaux étaient la subtilité, la simplicité, la transcendance et la quiétude, éléments associés pour créer une beauté élégante et cachée accompagnée d’une sobriété simple.
Les samouraïs étaient des mécènes, qui, lorsqu’ils n’étaient pas au combat, pratiquaient l’ikebana, la peinture, la calligraphie, la poésie et s’exerçaient au « chadô » car à cette époque, ces pratiques étaient considérées comme des arts martiaux qui exerçaient l’œil, la main, l’esprit et le sens esthétique.
« L’éducation était vitale pour un samouraï parce que l’établissement d’un réseau social était un facteur important pour être un chef militaire efficace et l’interaction entre les samouraïs renforçait davantage leurs liens étroits ».
La cérémonie du thé était un loisir très apprécié des samouraïs qui se devaient d’en connaître les rituels élaborés car elle correspondait au mariage parfait des coutumes sociales et esthétiques. Les codes très complexes qui nécessitaient un enseignement, étaient exécutés par le maître du thé. Manipulant ses ustensiles avec dextérité comme un maître du kendo pourrait manier ses sabres avec une grande aisance, le maître du thé recherche à travers cette cérémonie à atteindre une perfection dans l’exécution du geste (rappelant l’exécution des katas) et qui confère à ce rituel si particulier "l’expression vitale de la conception esthétique du samouraï".
L’histoire du thé
Le thé est une boisson connue et consommée dans le monde entier, mais le Japon constitue une exception qui traduit une extraordinaire richesse culturelle sur le thé. La société japonaise a été fortement influencée par la manière dont on prépare le thé qui a profondément contribué au développement culturel et à la discipline de la civilisation nippone.
« Matcha » est la poudre de thé vert que l’on mélange avec de l’eau chaude. La consommation et la préparation du « matcha » fut transmise par un moine Zen après avoir effectué un voyage en Chine, au 12ème siècle.
Dans un temple zen, le thé est considéré comme étant un symbole religieux mais également comme un stimulant pour l’étude et la méditation, tel un breuvage possédant des propriétés curatives.
La cérémonie du thé se répand à travers la noblesse japonaise qui utilise des objets d’art pour le service du thé, qu’elle considère tels des divertissements qui apportent de la gaité au loisir.
Les deux formes de cérémonie du thé (religieuse et profane) se développent sous la forme d’une réunion, où il y a peu de participants et au sein de laquelle l’esprit philosophique et esthétique est mis en avant.
Des pavillons du thé sont construits au fur et à mesure que la coutume se généralise.
La base philosophique de la cérémonie du thé est le bouddhisme zen dont le concept le plus important se situe dans la découverte et l’appréciation de l’instant présent ainsi que la quête de la beauté sublime qui se cache dans l’apparence modeste et imparfaite.
Au 16ème siècle, Sen Rikyu (1522-1591) créa le style « soan » (style de cérémonie du thé pratiquée dans une hutte isolée). La préparation et l’offrande du thé sont basées sur un idéal de la pratique religieuse du Zen qui se transforment en un art martial appelé « chadô », la Voie du thé. Sen Rikyu attribue quatre attitudes fondamentales à l’esprit du « chadô » : Wa, Kei, Sei et Jaku.
« Wa » correspond à l’harmonie de la relation humaine, harmonie avec la saison, harmonie des ustensiles et harmonie de la pratique.
« Kei » signifie le respect qui naît dans les sentiments de chacun ainsi que de la gratitude envers toutes les existences.
« Sei » correspond à la pureté, l’honnêteté du cœur.
« Jaku » signifie la tranquillité, la paix du cœur en esprit.
L’enseignement du « chadô » consiste à transmettre chacune de ces qualités afin de se cultiver et de s’élever soi-même.
Aujourd’hui, le « chadô » continue à offrir une occasion inoubliable d’apprécier et de rendre grâce à la vertu du thé. Il permet de développer l’accomplissement de soi et l’enrichissement culturel comme autrefois.
Démonstration et dégustation
La cérémonie est un excellent moyen de découvrir les us et coutumes japonais. Il est possible d’en voir une courte démonstration à la Maison de la Culture du Japon à Paris.
Le pavillon du thé
C’est une pièce spacieuse et lumineuse, sobrement décorée : il y a un élément de calligraphie ainsi qu’un arrangement floral. Au centre, se situe le foyer où l’on pose une grande jarre d’eau chaude. Le sol est tapissé de tatamis et il est d’usage de se déchausser (ou de porter des tabis) pour pouvoir y accéder.
La cérémonie : dégustation du « matcha »
C’est une cérémonie traditionnelle et très codifiée où l’invité, muni d’un éventail (symbole de prospérité) qui lui permettra de marquer sa place au sein de la cérémonie, se doit de méditer et de contempler les différents éléments de la pièce y compris les ustensiles qui composent le service à thé, objets considérés comme des objets d’art. D’ailleurs, l’invité peut demander à son hôte d’admirer les différents ustensiles tels que la cuillère de bambou pour servir la poudre de thé (souvent sculptée par le maître du thé ou un moine zen) ou les différentes céramiques et poteries, témoins des différents artisanats régionaux.
Au Japon, la cérémonie du thé dure environ quatre heures et se décompose en plusieurs petites séances, témoins de la théâtralité de la vie et des coutumes nippones.
Au cours de la première séance, la cérémonie débute par une petite collation composée de spécialités japonaises (pas de sushi, ni de yakotori). Puis, vient un temps de pause où les convives sont invités à prendre l’air dans le jardin attenant au pavillon du thé.
Dans un deuxième temps, les invités sont alors conviés à reprendre leur place afin de déguster le thé fort. Avant la dégustation, l’hôte aura pris soin de servir des petits biscuits, qu’il conviendra de manger avant de boire le « matcha » et de conserver en bouche le goût sucré, car le « matcha » se sert sans sucre et sans lait. Le goût du thé vert en poudre est légèrement amer et sa consistance onctueuse est un vrai délice au palais.
Servit dans une céramique artisanale, l’invité aura le loisir de complimenter son hôte sur la calligraphie décorant le mur de la pièce, l’arrangement floral, le service à thé souvent issu d’un artisanat traditionnel.
Au Japon, la cérémonie du thé est également propice à la méditation et à la plénitude et pour y être convié, il est obligatoire d‘en connaître les différents codes de bienséance, sans cela, il vous sera impossible d’y assister. Devant le succès grandissant de cette cérémonie, plusieurs maisons de thé ouvrent leurs portes aux personnes désireuses de connaître cet art du raffinement.
La troisième partie de la cérémonie constitue un entre-acte au cours duquel les invités vont se dégourdir les jambes (les Japonais ont pour habitude de s’asseoir d’une manière très particulière) dans le jardin.
De retour dans la pièce du thé, les invités auront l’honneur de déguster le thé doux, toujours accompagné de biscuits.
Grâce à tous ces éléments, la cérémonie du thé peut être considérée comme une pièce de théâtre de la vie. Une pièce de théâtre extrêmement codifiée où tous les participants jouent le jeu de cette théâtralité où il est important de savoir méditer, contempler afin de pouvoir apprécier les choses à leur juste valeur.
Sources :
Maison de la Culture du Japon à Paris
Le Maître du thé et le rônin in Histoires de samouraïs part V
Le Maître du thé et le samouraï in Histoires de samouraïs part V
La cérémonie du thé (Chanoyu)
Histoires de Kodan in Histoires de samouraïs part II