Le cinéma Japonais # 4
14 juil. 2011Article daté du 14 juillet 2011, mis à jour le 30 mars 2015.
Animes et mangas
On ne peut parler du Japon sans se référer à l’univers des mangas et des animes. Les bandes dessinées, les jeux vidéos et le cinéma d’animation font également partie intégrante de la culture moderne nippone.
Ainsi des cinéastes tels qu’Oshii Mamoru, qui réalisa « Ghost in the Sell » et « Avalon » (Japon/Pologne, 2001), et Hayao Miyasaki, qui réalisa entre autres, « Princesse Mononoke » et « Le Château ambulant », se sont fait connaître dans le monde entier en racontant des histoires issues du japonais merveilleux.
Anime est le diminutif du mot japonais « animêshon » et désigne un genre cinématographique regroupant les dessins animés, aussi appelé manga-eiga. Tout comme le manga, l’anime est très populaire, et est reconnaissable au style et aux histoires développés. « Astro, le petit robot », réalisé en 1963 par Osamu Tezuka, est l’un des premiers films d’animation projeté au Japon qui connu un succès populaire.
Avant les années 1980, très peu de films sont conçus pour le cinéma, et c'est grâce à « Gen d'Hiroshima » réalisé en 1983 par Masaki Mori, qui va prouver que l'anime peut être autre chose qu'un simple divertissement.
Par la suite, une série de longs-métrages réalisés par Isao Takahata, sont alors produits par les studios Ghibli tels que :
- « Le Tombeau des Lucioles » (VO : « Hotaru no haka ») réalisé en 1988 (sortie en France en 1996)
- « Pompoko » (VO : « Heisei tanuki gassen Ponpoko »), long-métrage sorti au Japon en 1994, en 2005 en France.
- « Mes voisins les Yamada » (VO : « Hôhokekyo tonari no Yamada-kun ») (1999, sortie française 2001)
Les studios Ghibli
Studios de production d’animation japonaise créés en 1985 par Hayao Miyazaki et Isao Takahata. La particularité du studio est la production d’animes et la diffusion d'une exigence sur la qualité des films produits (technique, images, scénarios). Les thèmes les plus souvent développés sont : l'écologie, la nature, la surnature, les mythes, les légendes et les contes traditionnels ainsi que des sujets d’actualité bien souvent d’ordre social, économique et politique.
« Hayao Miyazaki est l'auteur le plus respecté dans son pays ainsi que dans le monde entier. Ses fables sur la guerre et la nature donnent au spectaur l'image d'un monde parabolique. Pour lui, le terme anime renvoie uniquement à la production de science-fiction « mecha ».
Ce terme désigne un sous-genre de mangas et d'animes, ayant pour thème la science fiction, qui met en scène des personnages utilisant des armures robotisées ou des robots de forme humanoïde.
La particularité des studios Ghibli se situe dans la construction d'un monde artisanal, par opposition aux formules technologiques de l'anime classique (machines, robots), et résolument intemporel, volontiers tourné vers un imaginaire plus occidental.
Filmographie (non exhautive) :
« Le Château dans le Ciel » (VO : « Tenkû no shiro Rapyuta ») ~ 1986
« Mon voisin Totoro » (VO : « Tonari no Totoro ») ~ 1988
« Porco Rosso » (1992)
« Princesse Mononoké » (VO : « Mononoke Hime ») ~ 1997
« Le Voyage de Chihiro » (VO : « Sen to Chihiro no kamikakushi ») ~ 2001
« Le Royaume des Chats » (VO : « Neko no ongaeshi ») ~ 2002
« Le Château ambulant » (VO : « Hauru no ugoku shiro ») ~ 2004
Les films Ghibli sont aujourd'hui coproduits par Disney.
Autres productions notables :
« Les Contes de Terremer » (VO : « Gedo Senki ») (Gorô Miyazaki, 2006)
« Arrietty et le petit monde des chapardeurs » (VO : « Karugurashi no Arietti ») (Hiromasa Yonebayashi, 2010)
« Ponyo sur la falaise » ( VO : « Gake no ue no Ponyo ») (Hayao Miyazaki, 2008)
Satoshi Kon symbolise un renouveau de l'esthétique en diffusant des thématiques avec des visions plus sombres et plus réalistes de la société, à travers les déséquilibre qu'elle engendre :
« Perfect Blue » (1997)
« Tokyo Godfathers » (VO : « Tôkyô Goddofâzâzu ») (2003)
« Paprika » (VO : « Papurika ») (2006)
Avec « Amer Béton » (2006), réalisé par Michael Arias (cinéaste américain vivant au Japon), l'esthétique de Satoshi Kon est perpétuée, en montrant une vie urbaine et violente sans complaisance.
« Ghibli » est un mot d’origine italienne désignant le sirocco (vent saharien, très sec et très chaud). Durant la seconde guerre mondiale, les aviateurs italiens nommaient leur avion ainsi. Connaissant ces détails, Hayao Miyazaki décida de nommer ses studios ainsi afin que ces derniers jouent un rôle de référence et novateur.
Créatures issues des mythes et légendes nippons
« Le cinéma fantastique nippon s’est souvent servi de son imagerie pour dépeindre les craintes et les dérives d’une société en perpétuelle mutation. Ancrée dans un folklore et un héritage artistique incontournables, les « yokaï monsters » ne dérogent pas à la règle et s’imposent comme la pierre angulaire du patrimoine cinématographique japonais ».
Les « yokaï » sont des entités surnaturelles qui constituent un héritage traditionnel. Ce sont des monstres « physiques », par opposition aux « yureï », qui sont des esprits qui arborent diverses formes, allant du « kappa » au « rukurokubi », littéralement, tête volante.
Durant l’ère Edo, Sekien Toriyama, grand maître d’estampes, avait entreprit de dresser l’inventaire de ce riche et étonnant bestiaire par le biais d’une encyclopédie illustrée réunissant ces créatures mythiques.
Dans l’imaginaire japonais, on retrouve un bon nombreux de créatures mythiques et légendaires telles que le « mononoke », le « kitsune » et le « tanuki ».
Le kitsune
Ce qui caractérise ce merveilleux est la présence de femmes et d’hommes renards, créatures au statut ambigu et généralement favorables aux humains. Les femmes-renardes peuvent se marier et avoir des enfants avec des êtres humains.
Dans le folklore japonais, le kitsune (le renard) est un esprit magique, un animal polymorphe, tout comme le tanuki (souvent comparé au chien viverrin).
Dans le Japon ancien, les renards et les êtres humains vivaient ensemble, ce qui a donné naissance aux légendes antiques. Le kitsune est souvent associé à Inari, divinité shinto du riz, dont il est le messager et est considéré comme le gardien de l’entrée du sanctuaire. Ce rôle a été renforcé par l’esprit surnaturel que l’on attribuait au renard.
Les kitsune possèdent bien souvent un caractère féminin et sont des esprits femelles rusés, aimant jouer des tours et possédant des pouvoirs magiques. N’importe quel renard est censé savoir se transformer quand il a atteint une centaine d’années. Ainsi, ses pouvoirs s’accroissent au fur et à mesure que ses queues se multiplient. Il existe des kitsune spectrales, les « bakemono kitsune », dont Reiko, Kiko et Koryo font partie et des kitsune célestes, dont le plus célèbre reste Tenko, renard à neuf queues âgé de mille ans. Il existe également des kitsune diaboliques tels que Kuko, le renard aérien et des kitsune de bonne augure tels que Genko ou Tenko, le renard noir.
Dans la culture moderne populaire, les kitsune se manifestent dans le monde onirique, sont capables de créer des illusions et de fabriquer du feu grâce à leurs queues, maîtrisent l’espace et le temps, peuvent rendre les gens fous et peuvent également contrôler l’âme et l’esprit des gens et maîtrise l’art de la métamorphose.
Il existe un plat traditionnel japonais appelé le « kitsune udon » dont on raconte que ces créatures mythologiques sont friantes. Le kitsune udon est une soupe à base de nouilles udon (nouilles japonaises), de tofu frit et de ciboule.
Le mononoke
Le mononoke est un yôkaï, un esprit vengeur et désigne un esprit surnaturel qui peut prendre une multitude de formes et qui fait partie intégrante de l’imaginaire japonais depuis la nuit des temps. On retrouve ce genre de manifestations surnaturelles au sein de récits compilés dans le « Konjaku-Monogatari-Shû », littéralement, « Contes du passé », recueil de légendes et de faits historiques du Japon ancien.
PRINCESSE MONONOKE
Titre original : Mononoke Hime (littéralement, esprits vengeurs)
Réalisation & scénario : Hayao Miyazki
Genre : Anime/Aventure/Fantasy
Pays : Japon
Année : 1997
Synopsis : L’histoire se déroule dans le Japon médiéval, sous l’ère Muromachi (1336-1573), période considérées par les historiens comme le début des temps modernes où le contact avec les Occidentaux a été établi, apportant le christianisme et les armes à feu. Ashitaka est le prince de la tribu des Emishis (population indigène ayant refusé de se plier à l’autorité de l’Empereur du Japon). Frappé par une malédiction après avoir tué un sanglier-démon, Tatari-Gami qui le condamne inexorablement à mourir, la chamane lui conseille de quitter le village afin de trouver les raisons de la colère de Mère-Nature. Durant sa quête, le prince se retrouve au milieu d’un conflit qui oppose Dame Eboshi, dirigeante du village des forges qui souhaite détruire la forêt, et les samouraïs du seigneur Hasano qui cherche à s’emparer du village et des armes. Le prince croisera également San, princesse Mononoké, élevée par une louve nommée Moro, qui participe au conflit afin de protéger les esprits de la forêt.
Adaptation du manga « Shuna no tabi » (« Le Voyage de Shuna ») écrit par Miyazaki en 1983. Inspiré par la visite de l’ancienne forêt de cèdres japonais de Yakushima (littéralement, île de Yaku) au sud de Kyûshû. L’île est surnommée « Sekai Isan » (littéralement, patrimoine mondial) car elle est inscrite sur la liste du patrimoine mondial par l’UNESCO. Pour écrire l’histoire, Miyasaki a également été inspiré par les montagnes de Shirakami-Sanchi (site également classé situé au nord de l’île de Honshû).
Le tanuki
Dans la mythologie japonaise, le tanuki est un yokaï, un esprit de la forêt, inspiré du chien viverrin auquel les Japonais attribuent des pouvoirs magiques. Maître de la métamorphose, il est connu pour ses capacités à changer de forme selon sa volonté. Les tanukis sont souvent représentés portant un chapeau de paille et une gourde de saké.
Symbole de chance et de prospérité, ils sont présents dans l’art et les contes japonais depuis le Moyen Age. Tout comme les renards (kitsune), le tanuki est un maître du déguisement et peut se transformer à volonté. Une de ses particularités est de posséder des testicules assez volumineux, signes de prospérité et de réussite. Le tanuki est considéré comme un symbole de bonne fortune, comme le chat et le renard.
POMPOKO
Réalisation & scénario : Isao Takahata
Genre : Animêshon
Pays : Japon
Année : 1994
Synopsis : Dans la périphérie de Tôkyô, durant les années soixante, le Japon connaît une forte croissance dans la construction immobilière. De vastes programmes de construction sont lancés au détriment de la campagne et de la forêt, lieu d’habitation des tanukis qui s’inquiètent de voir disparaître leur environnement quotidien…
Les thèmes développés par les animes produits par les studios Ghibli tournent généralement autour de l’écologie et de la préservation de la nature. Ces films s’adressent pour la plupart du temps à un large public et font souvent preuve de maturité narrative, développant des sujets d’actualité telle que l’écologie et la destruction de la nature causée par l’utilisation néfaste de certains progrès techniques.
Les animes Ghibli retranscrivent la complexité des rapports sociaux entre humains en opposant la Nature à l’Humanité. D’autres thèmes émergent tels que la lutte pour la préservation des forêts primitives et la dénonciation contre la guerre.
Dans Princesse Mononoke, on peut reconnaître une société matriarcale à travers la forte personnalité de Dame Eboshi. Bien que toutes les productions cinématographiques d’animation puisent dans l’imaginaire fantastique japonais, il en ressort un certain réalisme, souvent criant de vérité qui pourrait faire penser à un cinéma plus ou moins engagé : gravité des enjeux écologiques, complexité de l’intrigue, influences shinto et chamanique faisant référence à la mythologie (cf. Shishi-Gami, le Dieu-Cerf, animal légendaire en Asie dans Princesse Mononoke).
Face à la multiplication de l'image de synthèse et numérique, les animateurs japonais conservent une certaine esthétique depuis plusieurs années, en préférant la technique du dessin 2D, accompagnée de thématiques particulières.
Les succès des films tels que Akira et Princesse Mononoké montre que l'animation japonaise est reconnue à un niveau mondial, libérée de la morale américaine et du cartésianisme français.
« C'est sans doute le cinéma d'animation le plus déréalisant du fait d'un mélange constant d'humains, d'esprits, de fantômes et d'objets, et de ce fait, le plus dépaysant au monde. Au cinéma, la qualité de l'animation est également attribuable à une différence d'appréciation sur le rôle du réalisateur, qui au Japon, jouit d'un pouvoir très fort et est considéré comme un auteur, ce qui n'est pas le cas à Hollywood. Les animateurs sont considérés comme des artistes, voire comme des maîtres ».
Sources :
La revue des ressources : Les imaginaires d’Asie ~ Roger Bozzetto ~ 2006
Mad Asia, le magazine des cinémas d’Asie ~ n° 1
Le cinéma d'animation - Sébastien Denis - 2011
Mise à jour de l'article 30 mars 2015 par Miss Phoebe