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Nota Bene : liste des films cités non exhaustive


Représentant de l’horreur suprême, le zombie est synonyme du défunt revenu de l’au-delà pour venir terrifier les vivants.

Les non-morts (undead) sont des êtres hybrides oscillant entre la vie et la mort, cadavres réanimés et sortis de leurs tombeaux, affublés d’une laideur chronique, d’une méchanceté primaire et instinctive accompagnée d’une forte propension à l’anthropophagie.

 

Le mythe du zombie fait en premier lieu référence au culte vaudou. Ainsi, le mythe passe par la reconstruction littéraire de la superstition d’origine.

 

L’île magiqueroman écrit par W.B. Seabrock dont le sujet est le vaudou à Haïti et constitue la principale source du zombie cinématographique. Entre 1932 et 1966, il y eut de nombreuses œuvres traitant du sujet, mais toutes n’élucident pas le mystère du zombie.

 

Grâce à L’invasion des morts vivants, film réalisé en 1966 par John Gilling, la mythologie du zombie nous à permis de mettre en évidence le rôle primordial du prêtre-sorcier qui utilise un envoûtement pour asservir le mort-vivant à sa volonté, ce qui nous laisse à penser que le danger vient bien de l’homme.

 

Selon Roland Barthes, le mythe se confond avec celui d’une illusion trompeuse et est générateur d’images et de symboles. Le mythe est une explication de l’ordre du monde qui est diffusé à travers un récit qui se réfère au passé mais qui conserve dans le présent une valeur explicative dans la mesure où il éclaire et justifie certaines péripéties du destin de l’homme ou de certaines formes d’organisation sociale.

 

Le thème du zombie est un thème récurrent au sein du cinéma fantastique et en cela, il suscite une multitude d’interprétations du personnage : robots humains manipulés par un savant, cadavres habités par une intelligence venue d’ailleurs ou réveillés par une contamination inattendue, victimes du culte vaudou, personnes enterrées puis quittant leur funeste séjour pour venir se venger de leurs assassins.

 

Le zombie représente l’horreur totale, le dégoût profond ainsi que le cauchemar absolu. A quelques exceptions près, cette créature ne possède pas la subtilité et la prestance du fantôme classique. Elle se contente de figurer, dont la démarche est le plus souvent très lente, être errant sur terre et sans conscience. Il ne se constitue point en messager mais traduit plutôt une aberration inconcevable de l’esprit humain, une incapacité physique et mentale.

 

Le zombie représente également la rupture d’un ordre logique et établi, une aliénation qui engendre une peur ultime pour le commun des mortels. En cela, le personnage du zombie constitue une erreur de la nature à lui seul, se conduisant comme un monstre aux instincts meurtriers, voire bien souvent anthropophage, nous renvoyant à nos peurs les plus ancestrales. Ce qui, justement, caractérise le zombie contemporain, c’est la capacité à dévorer tout être humain se trouvant sur son chemin, faisant directement référence au cannibalisme volontaire.

 

« L’ethnologie considère aujourd’hui que si la pratique sociale de l’anthropophagie existe incontestablement, elle a toujours été exceptionnelle et n’a jamais été un mode d’alimentation ».

 

Dans le cas d’un cannibalisme de type rituel, il se déroulait généralement au sein d’un clan ou d’une tribu. Appelé cannibalisme exogène, les membres du clan mangeaient certaines parties du corps de leurs ennemis qu’ils faisaient prisonniers, constituait une symbolique guerrière.

 

« Les contes et légendes traditionnels usent et abusent des êtres fantastiques anthropophages : ogres, sorcières, loups-garous, vampires et zombies. La littérature d’épouvante contemporaine a modernisé le thème et les histoires se rapprochent des légendes urbaines ».

 

Le cinéma de Science-Fiction a souvent exploité le thème du cannibalisme à travers la représentation d’extraterrestres humanoïdes anthropophages ou pour remédier à l’explosion démographique et à la diminution des ressources naturelles comme dans Soylent Green (Soleil Vert) réalisé par Richard Fleischer en 1974.

 

Les films d’épouvante évoquent également le côté primitif de l’être s’adonnant à l’anthropophagie et renouvellent le mythe de l’auberge sanglante. Dans La Nuit de la Mort, film réalisé par Raphaël Delpard en 1980, des vieillards habitant un manoir isolé se nourrissent de la chair de jeunes gens afin de prolonger leur vie.


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Réalisation : Jean-Pierre Jeunet & Marc Caro

Scénario : Gilles Adrien, Marc Caro & Jean-Pierre Jeunet

Genre : Comédie macabre/Fantastique

Pays : France

Année : 1991

Synopsis : Dans une banlieue sinistre au sein d’un immeuble isolé, une poignée de locataires survivent grâce à la présence du boucher qui débite de la chair humaine afin d’assurer la survie des habitants. Le film est basé sur un humour macabre qui prend sa source dans la répétition, l’exagération et le délire…

 

White Zombie, film sorti en France sous le titre, Les Morts-Vivants, est l’un des premiers films sur le sujet réalisé par Victor Halperin en 1932. Sur le plan artistique, White Zombie associe un expressionniste allemand à des décors gothiques rappelant les premiers films fantastiques d’Universal.

 

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« Par souci d’authenticité, White Zombie place son récit en Haïti et va même jusqu’à citer un article du code pénal punissant certains délits liés aux pratiques vaudoues, comme si les événements décrits dans le film traduisaient une réalité effective sur les lieux de l’action. De ce fait, le film y gagne en gravité et en émotion ».


Malgré une mise en scène très théâtrale, amplifiée par le jeu d’un Bela Lugosi n’ayant jamais su faire dans le sobre, White Zombie impressionne grâce à ce sentiment de mélancolie qui gagne le spectateur et cette beauté formelle des images soulignant l’aspect déjà bien surréaliste du récit.

 

La Nuit des Morts-Vivants de George A. Romero devint un chef-d’œuvre cinématographique et une référence dans le cinéma d’épouvante. Grâce à ce film, le mythe du zombie est remis au goût du jour avec tout de même une modification notable : à partir de ce film, le zombie devient cannibale ; non content de chasser l’homme pour le tuer, il le chasse également pour se repaître de sa chair.

 

« Auparavant, il (le zombie) obéissait à son maître, à un rite codifié ou à une science manipulant ses actes. Désormais, il suit son seul instinct anthropophage et peut également contaminer ses victimes par sa morsure, lesquelles deviennent des zombies à leur tour ».


LA NUIT DES MORTS-VIVANTS

 

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Titre original : The Night of the Living Dead

Réalisation : George A. Romero

Scénario : George A. Romero & John A. Russo

Genre : Horreur/Gore

Pays : USA

Année : 1968

Synopsis : A la suite de mutation, les morts sortent des tombeaux pour dévorer les vivants. Réfugiée dans une ferme isolée, une famille accueille contre son gré un Noir. Au matin, les membres de la famille se sont entre-dévorés et le Noir survivant est abattu par une milice de protection contre les morts-vivants…

Ce film a été réalisé avec très peu de moyens, dans un style documentaire dans un décor quasi unique mais reste tout de même un modèle d’efficacité et d’intelligence. En s’éloignant du style gothique, le film crée de nouvelles conventions toujours en cours aujourd’hui et constitue une parabole politique et sociale.

 

La spécificité de La Nuit des Morts-Vivants tient à un argument narratif simple : un mal contagieux, l’agression de personnes demeurées saines par des individus contaminés, un encerclement dans un huit-clos infernal et enfin l’extermination des monstres avant le retour à la normale.

 

« Le tout couronné d’un pied de nez fait à l’establishment cinématographique : la mort du héros dont la négritude relevait déjà de la provocation pure et simple à l’heure où les Noirs, invités sur les plateaux pour respecter les quotas du politiquement correct, n’y tenaient jamais les premiers rôles ».

 

George Romero renverse les valeurs établies. Outre la couleur de peau de son acteur principal, il en fait aussi le seul combattant lucide du petit groupe des assiégés. Les autres, immatures, lâches ou irresponsables tombent tous victimes des morts-vivants et pour certains deviennent zombies à leur tour. Il y a dans ce parti-pris un sadisme étonnant à l’égard des personnages qui éclate dans la scène finale où le héros non contaminé devient à son tour la victime de la milice chasseuse de zombies.

 

La satire féroce s’exerce dans tous les sens du terme : la violence des images, la critique des médias, le pessimisme outrancier, la mise en cause des expériences spatiales sans doute responsables de radiations mortelles, la condamnation de tous les protagonistes, la caricature de la faction des chasseurs de zombies et enfin refus du happy end traditionnel. George Romero n’hésite pas à employer tous les moyens anticonformistes et renie ainsi une tradition du cinéma fantastique fonctionnant jusqu’ici suivant des schémas bien codifiés. Malgré un récit linéaire qui rappelle le cinéma SF des années 50, La Nuit des Morts-Vivants établit de nouvelles règles, repousse les limites de la censure et devient dès lors le chef de file de nombreuses petites productions.

 

En 1978, Romero réalise Dawn of the Dead et repense en profondeur la partie artistique de son œuvre, où le démonstratif l’emporte sur le suggéré. Ce qui n’empêche pas le cinéaste de mettre en avant les aspects sociaux qui figuraient déjà dans son film de 1968, tout en ne reniant pas sa méfiance envers tout ce qui constitue un pouvoir quelconque, qu’il soit civil, militaire, policier ou médiatique.


La Nuit des morts-vivants : la légitimation du gore

 

Ce film est une œuvre qui a joué un rôle clé dans l’évolution du film de genre. Produit et réalisé par des inconnus (à l’époque), le film contribue à sortir le gore du ghetto grâce à la reconnaissance d’un large public. Dans les années soixante les films hollywoodiens deviennent de plus en plus sanglants et George Romero donna ses lettres de noblesse au gore. La Nuit des morts-vivants fut d’ailleurs présenté au Museum of Modern Art, le 16 juin 1970, événement particulier pour un film d’horreur contemporain.

 

Romero et son équipe souhaitaient réaliser une œuvre de qualité. Tournée avec très peu de moyens financiers, le choix des morts-vivants, monstres ne nécessitant ni maquillages ni effets spéciaux coûteux s’imposait. L’accent fut alors mis sur la psychologie des personnages ainsi que sur le traitement du sujet avec le plus grand sérieux.

 

Le film ne relève pas à proprement parlé du sous-genre gore. Il relate l’histoire d’une ferme assiégée par une horde de zombies. Romero s’est attaché à dépeindre les relations conflictuelles entre des personnages qui succombent aux envahisseurs, faute d’avoir su s’entendre et profiter au mieux des ressources de leur abri. Les scènes gores ne constituent pas une fin en soi mais s’intègrent parfaitement aux choix de mise en scène.

 

« J’ai opté pour une approche naturaliste et je ne vois pas pourquoi j’aurais coupé quand les zombies commencent à manger la chair de leurs victimes. J’ai été très content qu’un de nos financiers, qui travaillait dans le commerce de la viande, arrive un matin sur le plateau avec un plein sac de viscères animales. Cela m’a permis de rendre plus réalistes les scènes où les zombies dévorent leurs proies ». George A. Romero, préface à John Russo.


Ces plans gores ont choqué lors de la sortie du film car ils brisaient un tabou en représentant le cannibalisme explicitement et de manière crédible. Filmé en noir et blanc dans un style reportage, le film n’incitait guère à la distanciation. Outre l’aspect financier (pellicule noir et blanc moins coûteuse que la pellicule couleur, caméra à l’épaule), le traitement original du sujet refusait toutes les conventions du genre. Romero justifie le pessimisme de son propos par un souci de réalisme et a toujours nié avoir voulu réaliser une fable politique et sociale. Il semblerait néanmoins que cette histoire de morts-vivants ait été vue comme l’expression de la mauvaise conscience de l’Amérique, engluée dans le conflit vietnamien, à l’issue d’analyses cinématographiques. En effet, Romero affirme avoir choisi un acteur noir « parce qu’il était le meilleur parmi les candidats auditionnés ». Force est de reconnaître que la couleur de peau du comédien conférait une valeur symbolique à la mort de son personnage. Surtout après l’assassinat de Martin Luther King, intervenu entre la fin de la postproduction du film et sa première projection publique.

 

« Dans le contexte de 1969, La Nuit des morts-vivants a été perçu comme une réponse à certains événements politiques, et, en cela, il a ouvert la voie à tous ces réalisateurs qui, au début des années soixante-dix, ont utilisé l’impact du gore pour donner plus de force aux messages de leurs films ».

 

Avec l’adoucissement des régimes de censure et l’évolution des mœurs, la violence fictive n’est pas toujours gore mais cette tendance est amplifiée par l’avènement d’un cinéma fantastique qui joue à fond la carte de l’horreur visuelle.

A suivre…


Sources :

Ze craignos monsters, le re-retour : les grands thèmes du cinéma fantastique ~ Jean-Pierre Putters ~ 1998

Le cinéma fantastique et ses mythologies 1875-1970 ~ Gérard Lenne ~ 1985

Légendes urbaines, rumeurs d’aujourd’hui ~ Véronique Campion-Vincent & Jean-Bruno Renard ~ 1992

Dictionnaire mondial du cinéma ~ Bernard Rapp & Jean-Claude Lamy ~ 2000

Le cinéma gore : une esthétique du sang ~ Philippe Rouyer ~ 1997


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