CHAPITRE 6

Alors qu’on proposait déjà à Burton de tourner un second Batman, il préférait concentrer ses efforts sur une autre production un peu plus personnelle. C’est un fait courant chez certains réalisateurs. Ils tournent un film à gros budget pour après avoir la liberté de réaliser leur projet personnel. La particularité de Tim Burton, c’est qu’il est capable de mettre en scène des personnages étranges et bizarroïdes, de leur donner une âme, une existence propre et de les faire évoluer dans un monde plus ou moins onirique et/ou fantastique, monde qui s’avère, bien souvent, cruel.

Et c’est en 1991, qu’il réalise Edward aux mains d’argent (Edward Scissorhands en version originale).

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Synopsis : Une vieille dame raconte à une jeune enfant ses souvenirs de jeunesse, lorsqu'elle a fait la connaissance et a commencé à éprouver de l'amour pour Edward. Celui-ci avait été fabriqué par un inventeur de génie qui, avant sa mort, n'eut pas le temps de terminer Edward : c'est ainsi qu'il fut doté de gigantesques ciseaux à la place des mains.

CHAPITRE 7

Si Tim Burton s’est décidé à réaliser Batman, le défi, c’est grâce au personnage de Catwoman, car il pensait qu’il n’avait pas la place qu’il méritait au sein de l’histoire. Troublant personnage d’ailleurs qu’est celui de Catwoman, l’instinct contre la morale de la société…

Synopsis : Abandonné dans les égouts à la naissance, le surdoué et richissime héritier Oswald Cobblepot alias "Pengouin", enlève le buisness-man Max Schreck, milliardaire et homme phare de Gotham City, bien décidé à faire pression sur ce dernier pour "réaffirmer son appartenance". Selina Kyle, timide secrétaire effacée de Shreck, découvre par hasard la preuve des intentions peu louables de son patron, qui l'assassine sauvagement. Mystérieusement ramenée à la vie par les chats, elle jure d'obtenir vengeance. Gotham City se transforme alors en scène d'une lutte implacable pour obtenir le pouvoir.

Pour Tim Burton, les personnages du deuxième opus, sont des protagonistes déjantés, ce qui les rendrait magnifiques et ce qui expliquerait qu’ils ne soient pas si méchants (au sens littéral du terme) qu’ils n’y paraissent !

Dans Batman, le défi (Batman Returns en version originale, 1992), il y a beaucoup trop de méchants, peut-être même un peu trop… ce qui relègue au second plan le rôle de l’homme chauve-souris.

Tim Burton (TB) reconnaît son erreur et s’explique par le fait que la caractérisation était très intéressante à faire.

Dans le langage cinématographique, la caractérisation est le fait de décrire les différents traits d’un personnage. Une sorte de portrait détaillé qui permettra de déterminer les traits physiques, psychologiques, émotionnels, ce qui lui donnera une identité propre.

Le Joker, Catwoman ou Harvey Dent (Double Face) sont très faciles à définir sur le plan psychologique, ce qui n’est pas le cas pour l’homme mystère ou Le Pingouin.

Le personnage est un des éléments dramatiques (drame=action) et incontournables de toute fable. Le récit de l’histoire n’existe qu’en fonction du personnage (principal ou secondaire), dans lequel tout être est susceptible de se reconnaître.

A contrario, dans La Poétique d’Aristote (384-322 av. JC), où il est question de la coexistence du personnage et de l’intrigue dans la culture occidentale, l’homme n’existe qu’à travers ses actions. Pour Aristote, l’intrigue prévaut sur le personnage, puisque pas d’histoire, pas de personnage.

Pour les deux premiers Batman, Burton s’est plutôt axé sur la caractérisation, il a façonné les personnages à sa manière et a construit une histoire autour d’eux.

Il existe deux types de scénaristes : ceux qui écrivent à partir d’un personnage et ceux qui sont inspirés par la situation. Pour déceler ces deux tendances, il suffit d’observer le cinéma contemporain occidental.

Le personnage, qui est l’élément essentiel du récit dramatique, est souvent dévalorisé car limité à des rôles de faire-valoir de l’intrigue. Le scénario hollywoodien s’appuie sur une intrigue de situation pour développer l’histoire.

Cette éthique ne prétend pas enrichir la somme d’expériences morales et humaines du spectateur. Howard Hawks (1896-1977) et John Ford (1894-1973) se battaient déjà contre la prépondérance de l’intrigue dans leurs propres œuvres.

Le film d’action se prête aisément à ce style d’écriture scénaristique. Une intrigue bien agencée, à laquelle le personnage n’apporte qu’une présence fonctionnelle. Le personnage est ici au service des multiples revirements de l’intrigue et non l’intrigue qui nous amène à entrevoir la complexité du personnage.

L'intensité de la relation Batman/Catwoman contraste avec celle très clichée qui liait Batman à Vicky Vale.

Tim Burton : « Ce sont les conventions du cinéma qui veulent ça. J’adore Catwoman car c’est un personnage que j’ai étoffé ».

Ici, Batman se fait plus vulnérable. Il entretient notamment une relation tumultueuse avec la femme-chat.

« Avec ses personnages complexes, ses dialogues sombres et intenses, Batman, le défi permet à Burton d'explorer en profondeur le thème du double. Preuve en est le portrait amer qu'il dresse de la relation entre Batman et Catwoman, deux êtres attirés l'un par l'autre lorsqu'ils sont costumés, mais incapables de se donner l'un à l'autre lorsqu'ils ne portent ni costume, ni masque ».

Parmi la galerie de personnages féminins qui s’affichent dans l’œuvre de Burton, Catwoman est certainement le plus intéressant.

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A suivre...

Source : Tim Burton par Tim Burton - Mark Salisbury - 2000

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