La comédie musicale : du rêve au réalisme

 

Adapté d’un succès de Broadway, West Side Story (Robert Wise et Jerome Robbins, USA, 1961) fait l’effet d’une révolution dans un contexte morose. Le film marque les esprits de part son originalité qu’il apporte et son audace. Le film s’inspire du Roméo et Juliette de Shakespeare, dont l’intrigue est transposée dans le quartier de West Side de Manhattan, plus précisément dans le secteur Hell’s Kitchen (quartier désormais appelé Clinton).


West Side Story

 

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Synopsis : histoire d’un amour contrarié par la haine raciale que se vouent deux clans d’adolescents : celui des jets, des Américains blancs et celui des Sharks, des portoricains. Maria, sœur de Bernardo, leader du gang des Sharks, vient d’arriver de Portorico. Anita, l’amie de Bernardo, lui recommande de se tenir à l’écart des Anglos (les Américains). Maria rencontre Tony, jeune homme d’origine polonaise et membre du clan des Jets. Leur amour partagé ranime la querelle et les provocations entre les deux clans.

Pour la première fois, l’histoire n’est plus au service de la danse et du chant. L’esthétisme renforce le sentiment de cruauté et de cynisme qui se dégage de l’intrigue et de la musique vient souligner le désespoir des protagonistes.

Le film Cabaret (Bob Fosse, USA, 1972), où Liza Minelli évolue dans l’atmosphère sulfureuse de Berlin des années 30, apparaît comme une œuvre radicalement différente dans laquelle les séquences historiques sont séparées des séquences chantées, constituant un chef-d’œuvre empreint de réalisme. Le chant et la danse sont cantonnés au cabaret et le spectacle est montré tel un travail où l’espace scénique est vu comme un espace concret. Seule, la fin du film mêle la musique à l’histoire. Les chants de la jeunesse hitlérienne nous font prendre conscience du pouvoir de la musique, pour le meilleur comme pour le pire.


Cabaret

 

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Synopsis : Dans le Berlin des années 30, Sally Bowles est chanteuse au kit Kat Club. Elle fait la connaissance de Brian, un Anglais. Le couple essaie en vain de se protéger du monde extérieur, symbolisé par un aristocrate bisexuel. Restée seule, Sally se retranche dans le cabaret désormais envahi par les uniformes à croix gammée.

Ce film, dont la narration mêle musique et Histoire, a obtenu huit récompenses aux Oscars en 1972. Les numéros du Kit Kat Club commentent d’une façon satirique la montée du nazisme, l’antisémitisme, l’homosexualité et le triolisme.

Désormais, la comédie musicale se teinte d’un réalisme probant. Cette évolution culmine avec Hair (Milos Forman, USA, 1979) où le réalisateur aborde un problème d’actualité : la guerre du Viêtnam. Le film utilise la chorégraphie pour opposer la joie de vivre d’une jeunesse hippie aux horreurs de la guerre. Hair est film culte qui expose à travers le Musical, les aspirations sociales et politiques de la société contemporaine.

Les années 80 témoignent de la nostalgie d’une époque passée dans des films tels que Grease (Randal Kleiser, USA, 1978), New-York, New-York (Martin Scorsese, USA, 1977), Flashdance (Adrain Lyne, USA, 1983) et La fièvre du samedi soir (Saturday Night Fever, John Badham, USA, 1977), film culte et emblématique de l’époque, mettant en scène l’acteur John Travolta, qui a marqué toute la génération disco.


New-York, New-York

 

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Synopsis : Doyle, un ambitieux saxophoniste de Jazz, rencontre Francine Evans, une chanteuse, dans le New-York d’après-guerre. Ils vont jouer dans le même orchestre de jazz blanc, mais Doyle reste insatisfait. Il monte alors son propre orchestre qui se rapproche des influences noires. Il épouse Francine mais les contraintes du métier et les divergences de style mettront leur couple en péril.

New-York, New-York est un film de studio aux décors irréalistes dans lequel Scorsese a réussi le pari de conserver le ton naturaliste et cru qui lui est propre, concernant sa direction d’acteurs et dans les situations qu’il dépeint, tout en contraignant sa mise en scène à une artificialité de convention qui se réfère explicitement au cinéma hollywoodien des années 50, qu’il évoque comme un âge d’or révolu, mais qu’il condamne également tel un passé aseptisé qui a nourri son imaginaire.

A la fin des années 80, le genre se raréfie. Seul, le film Dirty Dancing (Emile Ardolino, USA, 1987) témoigne d’un succès mondial.

Néanmoins, deux films constituent un mélange des genres dans la sphère de la comédie musicale et font figures « d’ovnis » dans l’univers de la production cinématographique : The Rocky Horror Picture Show (Jim Sharman, GB/Australie, 1975), comédie musicale fantastique développant le thème de Frankenstein sous fond d’opéra-rock au sein d’un univers gothique et délirant et La Petite boutique des horreurs (Little Shop of horrors, Frank Oz, USA, 1986).


La Petite boutique des horreurs

 

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Synopsis : comédie musicale fantastique contant les aventures d’un fleuriste timide faisant l’acquisition d’une petite plante carnivore d’origine extraterrestre.


La comédie musicale aujourd’hui : mode ou renouveau ?

De nos jours, seuls certains pays conservent cette tradition. En Inde, la danse et le chant sont considérés comme les moyens d’expression privilégiés des émotions. Des classiques populaires aux films contemporains, ils ont toujours fait partie du cinéma. Tout comme en Egypte où le film musical, établi à partir du folklore national, constitue une part importante de la production cinématographique.


Kabhi Khushi Khabie Gham (Une famille indienne)

 

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Synopsis : Grande fresque familiale réalisée par Karan Johar, en 2001, confrontant les concepts traditionnels et la vision de la nouvelle génération.

En Occident, le genre a pratiquement disparu malgré une certaine résurgence et son utilisation a profondément changé. Certains réalisateurs se servent de la musique comme d’un élément marketing supplémentaire pour toucher un public jeune. D’autres ont compris la force du genre : le Musical est une arme contre la morosité et la bêtise.

Dans Tout le monde dit « I love you » (Everyone says I love you, Woody Allen, USA, 1996), le cinéaste utilise la comédie musicale pour souligner la tendresse et l’ironie des difficultés de la vie et de l’amour.


Tout le monde dit « I love you »

 

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Synopsis : au sein d’une famille recomposée, les personnages s’y taquinent gentiment et le divorce ne tue point l’affection. La chorégraphie donne au film une dimension de comédie musicale assez bien perçue et les trouvailles comiques sont typiques du gag traditionnel propre à Woody Allen.

Dans On connaît la chanson (Alain Resnais, France, 1997), le réalisateur détourne le procédé et caricature avec humour et brio nos détresses ainsi que nos manies.

On connaît la chanson

 

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Synopsis : Six personnages, deux femmes et quatre hommes sont confrontés aux affres de la vie quotidienne : incertitude du cœur, problèmes immobiliers et bribes de chanson d’hier. Une comédie pétillante, nostalgique et tendre, où les acteurs passent avec un naturel stupéfiant du registre parlé au registre chanté, comme si toutes les difficultés n’étaient que passagères.

 

Depuis le début des années 90, on observe une recrudescence de la chanson au sein du cinéma français.


 

« Dans On connaît la chanson, on pourrait presque parler de fanfaronnade. Il ne s’agit plus seulement de contaminer les dialogues par la magie et l’irréel de voix chantantes mais de les remplacer par des extraits en play-back de chansons populaires. Alain Resnais tenait à une synchronisation parfaite entre les chansons et le mouvement des lèvres des acteurs. Enlever les mots de la bouche de ses personnages pour y mettre de la chanson, n’est plus, comme dans le cas de la Nouvelle Vague, une manière de libérer les dialogues mais d’y réinjecter une part de cette mémoire collective charriée par les airs populaires ».


Libérée de la machine hollywoodienne, la comédie musicale continue de pimenter notre quotidien. Les cinéastes l’utilisent pour générer du sens et de l’espoir à une époque où la réalité est devenue trop sombre. Jeanne et le garçon formidable (Olivier Ducastel et Jacques Martineau, France, 1998) est un bel exemple, où l’amour se confronte à la maladie du sida.


Jeanne et le garçon formidable

 

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Synopsis : Jeanne, jeune fille libre et volage, rencontre enfin le grand amour, Olivier, qui lui annonce qu’il est séropositif. Cela ne change rien aux sentiments de Jeanne, mais Olivier décide de ne pas lui infliger le spectacle de la phase terminale de sa maladie. Une histoire d’amour contemporaine traitant d’un sujet toujours d’actualité, simple, tendre et tragique, que les auteurs ont audacieusement choisi de traiter en comédie musicale.

Roméo + Juliette

 

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Synopsis : comédie musicale réalisée par Baz Luhrmann (USA, 1996). Tout le monde connaît le destin tragique de ce jeune couple d’amoureux qu’une guerre des clans sépare. L’originalité de ce film tient dans la conservation des dialogues originaux, d’après l’histoire de William Shakespeare, transposé dans un New-York ultra-urbain et ultra-violent, teintée de séquences d’action assez époustouflantes.


Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street

 

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Synopsis : comédie musicale horrifique réalisée par Tim Burton (USA, 2007), se déroulant à Londres au 19ème siècle et racontant l’histoire de Benjamin Barker, alias Sweeney Todd, jeune barbier devenu serial killer par désir de vengeance.

Confère Chronique cinématographique : L’univers de Tim Burton part X

http://unefenetresurlemonde.over-blog.com/article-l-univers-de-tim-burton-part-x-56375920.html

 

A suivre : Dancer in the Dark : analyse filmique

 

Source :

Article « La comédie musicale : Tous en scène » ~ Géraldine Michelon in Dictionnaire mondial des films ~ Bernard Rapp et Jean-Claude Lamy ~ 2000

 

Le dialogue : du texte écrit à la voix mise en scène ~ Claire Vassé in Les Cahiers du Cinéma


 


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