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DÉFINITION DU CINÉMA FANTASTIQUE

Pour Gérard Lenne, les deux pôles de la dualité fondamentale du cinéma sont l’imagination et la réalité.

« Les grands films sont ceux qui présentent des rapports originaux et cohérents entre l’imagination, qui revêt précisément les formes de la fiction et la réalité, qu’elle soit partie de document ou élément de symbole ».

Il existe une toile qui se tisse entre le film et le monde, qui engendre des rapports dont l’orientation détermine le caractère de l’œuvre. Durant l’évolution du cinéma, l’exploration de la conscience est devenue pour lui, au même titre que l’exploration spatiale, un objet privilégié, dépassant largement le contexte de la fiction.

Mais qu’est-ce le fantastique ?

« Le fantastique n’est pas « ce qui sort de l’ordinaire ».

Il faut donc renoncer à l’erreur étymologique qui définit le fantastique comme tout ce qui relève en général de l’imagination (de même que tous les autres mots provenant de la même racine grecque : fantaisie, fantôme, fantasme, fantasque), c’est-à-dire, tout ce qui est incroyable, extraordinaire, bizarre par l’emploi du surnaturel. Le cinéma exige plus d’exactitude, car c’est réduire considérablement le domaine du fantastique que de le restreindre à des inventions purement fictives.

Bien au contraire, le cinéma nous montre que le fantastique, c’est la « confusion de l’Imagination et de la Réalité, le choc du Réel et de l’Imaginaire ».

Le terme « fantastique » n’est donc pas à confondre avec un genre cinématographique, voire un label commercial.

« La science-fiction est le moyen le plus fantastique de traiter des problèmes de société et d’éthique, des questions liées à l’avenir de la civilisation, de l’évolution des sciences et des technologies ».

Selon Stanley Kubrick concernant les rapports entre le psychologique et le social, « l’hypocrisie de l’Homme l’aveugle sur sa propre nature et se trouve à l’origine de la plupart des problèmes sociaux. L’idée que la crise de notre société a pour cause les structures sociales plutôt que l’homme lui-même, est à mon avis dangereuse. L’Homme doit être conscient de sa dualité et de sa propre faiblesse pour éviter les pires problèmes personnels et sociaux ».

Certains films s’attachent à explorer le caractère humain en usant du fantastique social. D’autres s’attachent plutôt à l’étude intimiste de la psychologie humaine qui s’exprime dans des circonstances particulières, comme celle qui suit l’holocauste nucléaire, ne laissant que quelques survivants sur la planète.

« Notre monde vit à l’époque des mondes virtuels. La fiction rejoint ainsi la réalité ».

REPRÉSENTATION SCIENCE FICTIONNELLE DANS L’IMAGINAIRE COLLECTIF

Selon Ado Kyrou, dans son livre intitulé « Le Surréalisme au cinéma » (1953), l’idée de départ est que « notre société a réduit le réel à ses simples apparences sensibles pour enchaîner les hommes à un quotidien sans merveille ».

Le cinéma renverse cette situation : il récupère les aspects habituellement cachés, il nous présente les choses selon une logique inhabituelle, il ramène à la surface les rêves et les moments collectifs.

L’utilisation du genre au cinéma peut être considérée comme un instrument efficace d’encadrement idéologique (de propagande ou à titre éducatif par exemple) qui impose aux spectateurs, à travers des récits stéréotypés et récurrents, des solutions socialement normées.

Le spectacle régulier des films de genre sert les intérêts des classes dominantes, dont l’industrie cinématographique est un représentant et un agent, en endormant le public, en l’amenant à partager ses propres positions idéologiques.

Le genre garantirait ainsi une situation figée socialement et politiquement, en réaffirmant des valeurs sociales normatives.

« Une idéologie est un système, possédant sa propre logique ainsi que sa propre rigueur, de représentation (images, mythes, idées ou concepts), doué d’une existence et d’un rôle historique dans une société donnée. L’idéologie comme système de représentations se distingue de la science et sa fonction pratico-sociale l’emporte sur sa fonction théorique (ou fonction de connaissance).

Dans l’idéologie, le rapport réel au monde est inévitablement investi par le rapport imaginaire : rapport qui exprime plus une volonté (conservatrice, conformiste, réformiste, révolutionnaire), plutôt qu’il ne décrit une réalité ». (Cf. Travaux de l’Ecole de Francfort, 1966).

Dans cette perspective, les genres cinématographiques sont des vecteurs d’une idéologie à laquelle leurs systèmes de représentation donnent une forme.

Cette thèse, particulièrement exploitée pour le cinéma à propos des genres hollywoodiens, fait des genres des structures par lesquelles l’usine à rêves peut faire passer, de façon cachée, ses messages et ses valeurs et ainsi, tromper le spectateur.

Par exemple, les comédies musicales et les films d’aventures constituent des genres d’évasion qui détournent le spectateur du réel quotidien et des difficultés sociales en l’entraînant dans des univers imaginaires ou exotiques. Le spectateur trouve une consolation dans le spectacle de féeries cinématographiques.

L’acceptation des conventions du genre, qui permet au public de substituer à la vraisemblance réaliste une vraisemblance générique, qui autorise le rêve et la fantaisie, explique cette adhésion momentanée à des récits merveilleux.

Les genres opèrent un déplacement en faisant dériver les problèmes « réels » sur d’autres conflits.

Par exemple, l’émergence du film fantastique dans l’Allemagne des années 1920 ou aux Etats-Unis, au début des années 1930, traduirait une même volonté (plus ou moins consciente) d’évacuer les difficultés sociales et économiques en les transférant sur un plan imaginaire.

De « Nosferatu, Eine Symphonie des Grauens » (F. W. Murnau, Allemagne, 1922) à « Dracula » (Tod Browning, USA, 1931), le monstre incarne, cristallise et déforme des peurs et des tensions sociales et idéologiques.

D’après Anne-Marie Bidaud, « le développement du film-catastrophe dans les années 1970 correspondrait à la mise en scène de « peurs de diversion qui exorcisent les craintes du public en en déplaçant les causes, mises hors de l’Histoire ». (in « Hollywood et le Rêve américain. Cinéma et idéologie aux Etats-Unis », 1994).

La guerre du Vietnam, la crise du Watergate, la récession sont des événements qui ont été occultés et ont été retranscrits tels des désastres provoqués par des éléments naturels.

Exemples : L’eau dans « L’Aventure du Poséidon » de Ronald Neame, USA, 1972.

Le feu dans « La Tour infernale » de John Guillermin & Irwin Allen, USA, 1974.

La terre dans « Tremblement de terre » de Mark Robson, USA, 1974.

Les animaux sauvages dans « Les Dents de la mer » de Steven Spielberg, USA, 1975.

Ces films apocalyptiques (apocalypse = révélation ; films qui révèlent une situation catastrophique), tout comme les films de science-fiction, mettent également en scène des mondes futuristes nés d’explosion nucléaire, comme par exemple dans « L’Age de cristal » de Michael Anderson (USA, 1976).

Ces films proposent des ambiances de destruction et de péril extrêmes qui s’ouvrent souvent sur un espoir et/ou une renaissance.

La crise idéologique et politique de l’Amérique des années 1970 y est non seulement remplacée par d’autres dangers, mais ces dangers dérivés connaissent en général une solution qui confirme et renforce les valeurs et les institutions sociales dominantes.

D’après Judith Whright, « les films de genre possèdent un succès commercial parce qu’ils soulagent les peurs provoquées par la prise de conscience de conflits sociaux ou politiques. Ils aident à décourager toute tentative d’action qui susciterait sinon le fait de vivre sous la pression de ces conflits. Les genres génèrent la satisfaction plus que l’action, la pitié et la peur plus que la révolte. Ils servent les intérêts de la classe dominante en aidant à maintenir un statu quo et ils amadouent des groupes opprimés qui, parce qu’ils sont inorganisés et de ce fait effrayés à l’idée d’agir, acceptent avec enthousiasme les solutions absurdes que les films de genre donnent aux conflits sociaux et économiques. Quand nous revenons dans la société complexe où nous vivons et nous nous retrouvons face à ces mêmes conflits, nous nous tournons à nouveau vers les films de genre pour y retrouver réconfort et consolation. Ce qui explique leur popularité ». (Cf. Judith H. Whright in « Genre Films and Statu Quo »).

Toujours selon Judith Whright, « le western, la science-fiction, le film d’horreur et le film de  gangsters, mettent en scène des conflits qui ne sont pas politiques […]. Dans cet espace fictif soigneusement balisé, chacun de ces genres se centre sur un conflit principal auquel il propose une solution :

Le western sur la violence et les conditions dans lesquelles la violence peut devenir légitime.

Le film d’horreur sur le conflit entre rationalité scientifique et croyances traditionnelles.

Le film de science-fiction sur les problèmes posés par l’Altérité, pensée dans ce genre sur le mode de l’intrusion.

Le film de gangsters sur le conflit entre la peur et le désir inhérents à un projet de réussite sociale et économique ».

UNE QUESTION DE GENRES : TERREUR, NATURE ET SCIENCE-FICTION

A Hollywood, les frontières des genres sont presque effacées. Ainsi, le thriller se confond avec l’horreur (« Psycho » d’Alfred Hitchcock, USA, 1960), mais le thriller se confond également avec le fantastique (« Vertigo » d’Alfred Hitchcock, USA, 1958) et le fantastique avec la science-fiction (« La mouche » de David Cronenberg, USA, 1986).

Cela ne signifie pas que le fantastique et la science-fiction n’ont pas été exploités durant l’époque classique. C’est en explorant ces genres qu’il a été possible de s’éloigner du système hollywoodien classique jusqu’à atteindre la marge.

D’une part, ces genres n’ont pas eu la même reconnaissance que le western, le film criminel ou la comédie américaine. D’autre part, les studios n’ont pas accordé la même sollicitude à ces genres dits « marginaux », que le mélodrame, le film historique ou la comédie musicale.

Pour que la science-fiction acquière ses lettres de noblesse, il a fallu le développement des effets spéciaux, un rajeunissement du public et un film : « 2001, l’odyssée de l’espace » (Stanley Kubrick, GB/USA, 1968).

Quelques exceptions ont été constituées, issues d’une série d’adaptations de classiques littéraires fantastiques et de remakes, tels que :

« Frankenstein », adaptation du roman de Mary Shelley, qui peut répondre aux critères de la science-fiction et de l’horreur ou du fantastique.

« Dracula », adaptation du roman de Bram Stoker.

« Dr Jekyll et Mr Hyde », d’après le roman de Robert Louis Stevenson.

« L’homme invisible », adaptation du roman de H. G. Wells.

Cet ensemble d’adaptations possède une triple singularité : il échappe, par définition, à la norme dominante du vraisemblable, cautionné par la littérature qui permet l’intrusion du genre fantastique à une époque (années 1930) qui le refoulait. Ce même ensemble est principalement composé d’adaptations de classiques anglais, ces dernières se constituant telle une sorte de marque de prestige et une manière de justifier l’invraisemblance. Ce qui permet par la même occasion de perpétuer la tradition de l’expressionnisme allemand.

Les films fantastiques et de science-fiction s’apparentent souvent (style ou technique) aux films en costume, car ils recréent des univers qui ne peuvent être que fictifs et donc s’éloignent de décors qualifiés de réalistes.

D’après Francesco Casetti, « le cinéma met en scène des univers tout à fait personnels et demande au spectateur d’y adhérer individuellement ».

Le septième art fait appel à la subjectivité, et c’est de cette dernière que naît l’imaginaire. La dimension subjective caractérise tout d’abord le monde représenté : ce dernier est toujours le fruit d’une élaboration plus ou moins personnelle, le résultat d’une imagination rendue parfaitement perceptible.

Certaines terreurs sont suscitées par la nature elle-même. Dans la littérature fantastique de science-fiction, il existe l’idée que certains extraterrestres pouvaient être de formes diverses. Ces extraterrestres possédaient également une pensée intelligente, qui ressemblait à s’y méprendre à la pensée humaine.

Selon Alain Pelosato, il existe quatre principes rendant la science-fiction fantastique au cinéma :

  • Le cosmos,
  • Les créatures humaines ou non humaines,
  • Les mondes extérieurs
  • Les mondes intérieurs.

 

A SUIVRE : LE CINÉMA DE SCIENCE-FICTION # 4 : « La conquête de l’espace dans le cinéma de science-fiction part 2 »

Sources & bibliographie (liste non ehaustive) :

  • Cf. « Le Cosmos » in LP « Ombre est Lumière » - IAM, rap français, 1993
  • Cf. « Science & Vie » n°1157 : « Voie Lactée : 9 milliards de planètes habitables ! » - Février 2014
  • Cf. « Destination Science » n° 10 : « Conquête spatiale » - Juillet, Août, Septembre 2014
  • Cf. « Science & Univers » n°13 : « Exoplanétologie, des milliards de planètes habitables » - Septembre, Octobre, Novembre 2014 »
  • Cf. « Le Monde des Sciences » n° 8 : « Les nouveaux monstres du cosmos » - Avril, Mai 2013
  • « Petit dictionnaire des amoureux du Ciel et des Etoiles » - Trinh Xuan Thuan - 2009
  • « Les théories du cinéma depuis 1945 » - Francesco Casetti - 1993
  • « Fantastique et Science-fiction au cinéma » - Alain Pelosato - 1999
  • « Hollywood : la norme et la marge » - Jean-Loup Bourget - 1998
  • « Les genres au cinéma : 2ème édition » - Raphaëlle Moine - 2008
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