LA SITCOM


Les codes de la comédie de situation

La sitcom est un cinq principaux genres de la série télévisuelle, le plus populaire et le plus répandu dans le paysage audiovisuel, car c’est le genre sériel le plus facilement définissable parce que le plus codé.

La « Situation Comedy » (comédie de situation), abrégée en « sitcom » est assez explicite sur son contenu diégétique. L’objectif est de faire naître une situation comique à partir d’une situation unique qui constitue le fondement diégétique et narratif de chaque épisode, en faisant parfois très légèrement varier cette situation d’un épisode à un autre.

D’autre part, la sitcom est pratiquement toujours tournée en vidéo dans des décors récurrents limités, en général pas plus de trois lieux, qui correspondent aux endroits où vivent et travaillent les différents membres de la famille mise en scène.

Plus encore que dans le soap opera, le terme « famille » est à prendre dans son acception la plus large, car elle peut tout aussi bien désigner le modèle « classique » de la famille (deux parents et leurs trois enfants comme par exemple dans « Quoi de neuf docteur », que le modèle le plus improbable (un père veuf qui élève ses trois filles avec l’aide de son beau-frère et de son meilleur ami dans « La Fête à la maison »). Elle peut aussi non seulement désigner un groupe d’amis vivant sous le même toit ou sur le même pallier (« Friends », « Seinfeld » ou « Les Filles d’à côté »), mais également un couple de vieux garçons qui se partagent un appartement comme dans « Bottom ».


La réalisation de ce genre sériel se fait la plupart du temps au moyen de trois caméras qui enregistrent les scènes simultanément. Le montage est effectué en régie dans les conditions du direct et certaines séries sont encore parfois enregistrées en public aux Etats-Unis.

La sitcom est issue directement de la dramatique vidéo, qui était enregistrée dans un nombre réduit de décors semblables à ceux d’une scène de théâtre ou d’un plateau de télévision, dont on ne voit toujours que les trois mêmes murs. Le mur absent (le quatrième mur) correspond à la place réservée au public, dont la présence et même symbolisée par les rires enregistrés, qui ponctuent régulièrement la bande sonore.

D’après Stéphane Benassi, ces rires, qui sont considérés comme des indications faites à l’attention du téléspectateur, semblent plutôt être une sorte de justificatif de l’esthétique désuète (ou factice, ndr) dont sont affligées ces fictions, une façon en quelque sorte d’excuser leur qualité médiocre en donnant l’illusion du direct, en « montrant » un public imaginaire en son off, plutôt qu’en cachant la pauvreté des moyens techniques et scénaristiques françaises, ce qui n’est pas le cas en Grande Bretagne, puisque la télévision est considéré tout autant que le cinéma comme un art noble.

Tout comme la pièce de théâtre et la dramatique de la première époque de la télévision, la sitcom utilise bien souvent dans ses différents épisodes la règle diégétique des trois unités (lieu, temps, action), de sorte que tous les épisodes d’une même sitcom se déroulent toujours dans les mêmes lieux, ne développent toujours qu’une intrigue à la fois et selon une temporalité qui est pratiquement toujours la même, entre une demi-journée et deux jours.

Le coût de production de la sitcom est relativement peu élevé, ce qui fait qu’elle est souvent constituée d’un grand nombre d’épisodes, lui permettant d’étaler sa diffusion sur plusieurs années.


Le modèle récurrent d’un épisode de sitcom

1/ La séquence initiale (euphorie)

C’est une séquence où survient généralement une tension ou un nœud, liés à un ou plusieurs des membres de la famille ou du groupe, et qui rompt l’équilibre (l’harmonie) familial (arrivée ou départ, passion ou haine, joie ou peine, naissance ou mort, etc.).

2/ La séquence actionnelle (dysphorie)

C’est une séquence au sein de laquelle les protagonistes tentent à plusieurs reprises de rétablir l’équilibre.

3/ La séquence finale (dénouement)

Séquence où l’équilibre est rétabli (suppression de la tension et retour à l’euphorie), au sein duquel la famille ou le groupe se retrouve dans la même situation qu’avant le changement.


Macro-récit et micro-narration

Macro-récit et micro-narration sont deux types de structure narrative qui se développent généralement de façon parallèle dans la sitcom.

Il est intéressant de noter que dans certains épisodes, la macro-narration vient d’une certaine façon s’intégrer à la micro-narration. Ce phénomène est rendu possible grâce à l’utilisation du flash-back qui permet d’apporter un regard rétrospectif sur l’un des membres de la famille et de suivre ainsi son évolution accélérée par le montage de segments de micro-récits antérieurs. Ces flash-backs sont des micro-récits analeptiques répétitifs elliptiques.

Il est possible de penser qu’outre leur fonction itérative, ces micro-récits analeptiques répétitifs elliptiques peuvent également être le moyen pour les producteurs de réaliser un épisode à moindre coût, en recyclant des segments d’épisodes précédents.

Il est également important de noter que la mise en abîme de la télévision est une figure très présente dans la sitcom. Outre son dispositif scénique qui évoque le plateau de télévision, son montage vidéo en régie et sa réalisation à trois caméras, qui lui confère des faux airs de direct, ce genre sériel intègre en effet le télévisuel en tant qu’élément constitutif du récit et de la narration. Par exemple, dans « Dream On », les émotions fortes provoquent dans l’esprit du personnage principal des souvenirs télévisuels liés à son enfance.

Il est par conséquent intéressant de constater que le récepteur de télévision occupe généralement une place de choix dans le décor de la sitcom : il se trouve en effet dans la plupart des cas contre le « quatrième mur » (le mur invisible qui définit la place supposée du public), de sorte que lorsqu’elle regarde la télévision, la famille diégétique nous regarde, créant ainsi une sorte de réflexivité qui favorise l’identification de la famille du téléspectateur, le fameux effet miroir.

Par exemple, dans la sitcom américaine « The Big Bang Theory », Sheldon Cooper est un des personnages de la série qui possède ses habitudes quotidiennes au sein de l’appartement qu’il partage en colocation avec son ami et collègue de travail Leonard. En effet, le côté droit du sofa est une place attitrée que personne ne doit prendre, au risque de déclencher un conflit sans précédent. Cette « place attribuée » au personnage de Sheldon est soulignée ainsi : « située dans le bon axe pour regarder la télévision, pas trop éloignée du chauffage en hiver et bien disposée pour sentir la brise en été, cette position lui permet également d’avoir une vue d’ensemble sur l’appartement et de pouvoir suivre les conversations ».

Cette place pourrait donc représenter d’une manière symbolique la place du « chef de famille », emplacement indiquant la position du personnage au sein du groupe, lui permettant, non seulement de « pouvoir observer et dominer » les lieux, afin de pouvoir appréhender les différentes situations à sa guise, mais également de pouvoir apprécier un certain niveau de confort (chez soi, bien installé), éléments qui renvoient au mode de réception du programme télévisuel lui-même.


A SUIVRE : Le paysage télévisuel en Grande Bretagne

 

Source :

 

« Séries et feuilletons T.V. : pour une typologie des fictions télévisuelles » - Stéphane Benassi - Editions du Céfal, 2000


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