Introduction

La mythologie vampirique occupe une place prépondérante dans la littérature ainsi que dans le cinéma fantastique. Cette suprématie s’explique par le biais d’un authentique folklore issu, dans un premier temps, d’une tradition littéraire, puis, cinématographique, puisant directement son inspiration dans l’univers de la légende, engendrant des structures propres au fantastique.

Les origines du mythe : qu’est-ce qu’un vampire ?

Un vampire est une créature fantastique morte-vivante, qui selon les différentes légendes et folklores, se nourrit du sang des vivants afin de leur soutirer leur énergie vitale.

Cette légende a été popularisée au cours du 18ème siècle et puise ses origines partout dans le monde et plus particulièrement dans les Balkans. C’est en Serbie, en 1725, que le terme "vampire" fut usité pour la première fois, désignant "un revenant en corps" par opposition au revenant immatériel.

Dans la mythologie grecque, les ombres du royaume d’Hadès (dieu des Enfers) étaient des âmes malheureuses et errantes attirées par l’odeur du sang. Les Anciens étaient persuadés qu’il fallait incinérer les cadavres afin que leurs âmes évitent d’errer sur la Terre. On raconte que les devins se servaient de ces âmes pour deviner des secrets et des trésors, tout en cherchant un moyen pour les apaiser ou les contrer. Dans l’empire romain, il existait même une loi qui stipulait qu’aucun corps ne devait rester sans sépulture.

En outre, les deux légendes les plus célèbres proviennent d’Europe centrale et orientale.

Tout d’abord, il y a celle de Vlad III Basarab, prince de Valachie, surnommé "Vlad Tepes" (Vlad l’Empaleur) (1431-1476) ou encore Vlad Drakul, car son père avait était membre de l’Ordre du Dragon. La légende tient sa source d’une propagande commanditée par ses détracteurs de l’époque afin de s’octroyer le pouvoir. Vlad Tepes était un chrétien orthodoxe, prônant avant tout l’honnêteté et l’ordre, qui combattait la corruption en intimant la terreur. Pas plus sanguinaire que ses opposants, on raconte que le supplice du pal proviendrait du camp turc où il fut envoyé en otage durant sa jeunesse ; il aurait retenu ce sacrifice afin de tuer ses ennemis. Le mythe résulterait d’écrits et de paroles plus ou moins diffamatoires et haineuses, véhiculés par ses adversaires. Les historiens modernes ont pu démontrer que ces accusations étaient infondées.

Vient ensuite celle d’Elisabeth Barthory (1750-1614), comtesse hongroise, surnommée "la Comtesse sanglante". Selon le mythe, elle aurait sacrifié de nombreuses jeunes filles, afin de pouvoir se plonger dans des bains de sang, au sens strict du terme. Ces accusations ont été également écartées par les historiens modernes mais les croyances devenues populaires continuent de persister.

Les vampires dans la littérature

Le vampire, plus que tout autre personnage de la littérature fantastique, est un être charismatique. Grâce au mouvement artistique du Romantisme, certains écrivains s’emparèrent du sujet. La production faisait l’objet de "ghost novel" : récits relatant des atmosphères et de caractères psychologiques ainsi que des nouvelles anecdotiques sous forme de témoignages.

En 1797, Goethe écrivit La Fiancée de Corinthe, roman métaphorique dans lequel l’écrivain conte l’histoire d’une jeune femme se nourrissant de sang. Puis, en 1810, un premier texte paru, écrit par l’anglais John Stagg. En 1819, John Polidori publie The Vampyre, le livre remporta un franc succès. Dans son œuvre intitulée Camilla publiée en 1872, Sheridan Le Fanu présente le vampire comme la victime de son propre état. Il s’oppose par la même occasion à la mentalité bien pensante britannique en abordant le côté homosexuel du personnage féminin, sachant que le saphisme était fortement condamné.

Bien que certaine de ces œuvres connurent un brillant succès, le livre de Bram Stoker se distingue du genre, avec son Dracula qui fut publié en 1897. L’auteur renforce la légende vampirique, en érigeant ses manifestations par une mythologie cohérente et codifiée. Il opère en une série de choix dictés par la nécessité de l’écriture dramatique en utilisant de vieilles superstitions. L’œuvre de Stoker annonce une grande richesse thématique qui permet à son personnage, le Comte Dracula, d’être la figure centrale de la vampirologie. Aristocrate solitaire, assisté par son valet Renfield, Dracula collectionne ses conquêtes, affublé d’une soif inassouvie, défiant les lois sociales et religieuses.

Le Cauchemar de Dracula

 

Le Cauchemar de Dracula

Titre original : Horror of Dracula (d’après l’œuvre de Bram Stoker)

Réalisation : Terence Fisher

Pays : Grande Bretagne

Année : 1958

Synopsis : Jonathan Harker se rend dans les Carpates chez le Comte Dracula qui l'a engagé comme bibliothécaire. Mordu par une femme-vampire, il devient vampire à son tour. Son ami Van Helsing va libérer son âme et pourchasser Dracula, afin de le détruire.

Ce film est un des premiers produits par la Hammer Film Productions. Il trouva un succès évident auprès du public. Sa progression dramatique et son efficacité épouse l’évolution des rapports érotiques/affectifs dont Dracula se fait l’ordonnateur omniprésent. La présence de Christopher Lee ainsi que la plastique du film deviendront les images de marque de la Hammer et marqueront une influence sur le cinéma fantastique mondial.

 

En 1954, dans le roman de Richard Matheson, Je suis une légende, le héros est le seul être humain à vivre dans un monde peuplé par les vampires. Ce roman prétend apporter une explication scientifique à l’existence de ces derniers.

La littérature fantastique continuant d’évoluer, Stephen King écrit Salem en 1975, livre dans lequel il raconte l’histoire de Jerusalem’s Lot, petite ville située dans le Maine témoin de disparitions inexpliquées. L’effet de surprise vient du fait qu’il n’est aucunement question de sorcière mais bien de vampires qui envahissent la ville.

Anne Rice redonne un second souffle à la légende avec ses Chroniques des Vampires, qui débutent en 1976 par le fameux Entretien avec un Vampire, suivi de Lestat le Vampire, La Reine des Damnés (1988) et du Voleur de Corps. L’auteur y apporte une interprétation métaphysique et philosophique qui hante les pensées des vampires. Par la suite, elle écrira Les Nouvelles Chroniques des Vampires, variations sur le même thème.

En 2005, Stephanie Meyer écrit une quadrilogie intitulée Twilight mettant en scène des créatures vampiriques qui vivent parmi les humains, en menant une vie ordinaire tout en se nourrissant uniquement du sang des animaux.

Peu à peu, le vampire devient, par conséquent, une figure complexe du cinéma fantastique, possédant un caractère libertin, proche des tribulations sadiennes, tant les sentiments qu’il inspire, désir et crime, connotent une ambiguïté. Ce qui prouve que cet être non-mort est un personnage dont la psychologie ténébreuse fait état d’un prédateur, rentrant dans la chambre de sa proie pour mieux la posséder.

L’aspect sanglant est volontairement relégué au second plan pour laisser place à l’aspect érotique.

Significations possibles du vampirisme au cinéma

Le vampire n’est pas un simple mort vivant qui sort de sa tombe. C’est un être ayant subi une métamorphose complétée par la destruction de sa personnalité, prouvant le fait qu’il n’est que le double d’un être ; il en est son ombre, son reflet, voilà pourquoi il lui est impossible de se réfléchir dans un miroir.

La structure de dédoublement/métamorphose indique qu’il est possible d’en retirer des explications manichéennes s’exerçant sur des points de vue individuel et/ou social.

Au niveau social, les thèmes de la secte secrète et de l’invasion s’intègrent parfaitement au cinéma fantastique. Utilisant le prosélytisme, le Comte Dracula se donne en grand maître du culte, ayant pour but la domination du monde.

Les Morsures de l'aube

 

Les Morsures de l'Aube, (Antoine de Caunes, France, 2001, d’après le roman éponyme de Tonino Benacquista). 

Cette mythologie a donné lieu à des fables à caractère politique, ce qui a poussé certaines paraboles idéologiques à dénoncer certains fléaux (vampirisme/communisme -vampirisme/capitalisme - vampirisme/pathologie), par le biais d’une légende fondée sur la sexualité. L’approche en devient insidieuse, diabolique et persuasive, dangereuse de séduction. Le vampirisme se trouve être par conséquent la représentation symbolique de l’érotisme.

Dans l’histoire du cinéma, le terme "vampire" a donné naissance au terme "vamp’" qui désigne une femme (fatale) aux charmes envoûtants. Dans le feuilleton de Louis Feuillade, Les Vampires (1915), l’héroïne était si érotiquement troublante que ses apparitions provoquèrent des scandales. Il est à noter que les ces vampires étaient assimilés à des voleurs qui dérobaient les biens de la bourgeoisie bien pensante de l’époque.

Les sources démonologiques de la vampirisation sont une nécessité physique avant d’être une possession de l’âme. Le principal ressort de la dramatisation est de superposer puis de substituer les relations vampiriques (sous entendu, érotiques) aux relations affectives. Il en résulte des affrontements, des luttes et des résistances qui viennent agrémenter l’intérêt narratif des films. Le combat manichéen se déroule toujours indirectement entre les voluptés interdites, l’ordre social et la morale bourgeoise. Le vampire administre sa domination à travers des personnages vulnérables en attribuant le triomphe de la sensualité sur la légitimité.

Bram Stoker's Dracula01

Bram Stoker's Dracula

Réalisation : Francis Ford Coppola (d'après le roman éponyme de Bram Stoker)

Pays : USA

Année : 1992

Synopsis : Transylvanie, 1462. Le comte Vlad III l'Empaleur, chevalier roumain, part en guerre contre les Turcs en laissant derrière lui sa femme Elizabeta. Cette dernière met fin à ses jours lorsqu'elle apprend la fausse nouvelle de la mort de son bien-aimé. Fou de douleur, Vlad Dracul renie l'Église et déclare vouloir venger la mort de sa princesse damnée à l'aide des pouvoirs obscurs, devenant ainsi un vampire sous le nom de Dracula.

Cette énième adaptation reprend les origines du mythe en y apportant une explication historique. La force de ce film tient à l'esthétisme des images ainsi qu'au romantisme et à l'érotisme sous-jacents.

 

Le vampirisme au cinéma

La légende fut maintes fois portée à l’écran, ce qui en fit un thème surexploité, entraînant de nombreuses productions cinématographiques. La victoire du vampirisme s’opère comme une libération de la libido, comme une transgression des tabous que l’on peut observer après la transformation des victimes féminines.

La Reine des Damnés

 

La Reine des Damnés

Réalisation : Michael Rymer

Titre original : Queen of the Damned

Pays : USA/Australie

Année : 2000

Synopsis : Après avoir dormi durant de longs siècles, Lestat, le vampire souhaite devenir une rock star mondialement connue et ainsi dévoiler sa condition de non-mort. Son créateur, Marius, va le retrouver pour le mettre en garde et lui annoncer que la Reine de tous les Vampires, Akasha, est de retour.

Ce film n’est pas la suite logique d’Entretien avec un vampire mais, un des épisodes de la vie du vampire Lestat. Hélas, il n’est point à la hauteur du film de Neil Jordan…

Le mythe cède la place à un archétype construit sur la mécanique de la peur. Il s’agit de développer une base mythologique précise afin que les narrations successives sur le thème puissent continuer d’exister. Il est donc nécessaire d’en établir des règles logiques afin de maintenir les formes du réel même dans l’imaginaire total afin d’en conserver une crédibilité.

La  filmographie des vampires est la plus abondante que le cinéma fantastique ait connue. La majeure partie de ces films ne nécessite pas forcément une analyse particulière tant elle s’applique à respecter les codes de la mythologie vampirique.

Il serait fastidieux d’énumérer la totalité des films car le domaine de la vampirologie s’étend au-delà des frontières hollywoodiennes.

Dans le domaine de l’épouvante, le vampire reste néanmoins le héros tragique et funeste par excellence. Méprisé, poursuivi, condamné à la solitude, les institutions répressives et l’opinion publique l’ont condamné tel un être monstrueux dont la destinée semble toute tracée.

"Il n’est lui-même qu’un reflet sans vie véritable, que son instinct pousse à s’accrocher désespérément à un monde qui le rejette."

Finalement, ne serions-nous pas nous-mêmes des vampires ?

Entretien avec un vampire02

 

Entretien avec un vampire (d’après Les Chroniques des Vampires d’Anne Rice)

Titre original : Interview with the Vampire

Réalisation : Neil Jordan

Pays : USA

Année : 1994

 Synopsis : Un journaliste s’apprête à enregistrer sur son magnétophone le récit d'un vampire vieux de plusieurs siècles se prénommant Louis de la Pointe du Lac. Avant de devenir un vampire, Louis était un jeune propriétaire d'un domaine agricole, près de la Nouvelle-Orléans au 18ème siècle. Après le décès de son frère Paul dans le livre, ou le décès en couche de sa femme, il rencontre un vampire, Lestat de Lioncourt, qui lui offre l'immortalité, en échange d'une vie luxueuse de colon français...

 Sources :

* Wikipédia

* Le Cinéma Fantastique et ses mythologies (1895-1970) - Gérard Lenne


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