Le fantastique dans le cinéma de Science-Fiction

 

Alien, le huitième passager 02

 

La Science-Fiction est le moyen le plus fantastique de traiter des problèmes d’éthique et de société, des questions liées à l’avenir de la civilisation, de l’évolution des sciences et des technologies.

 

« L’hypocrisie de l’homme l’aveugle sur sa propre nature et se trouve à l’origine de la plupart des problèmes sociaux. L’idée que la crise de notre société a pour cause les structures sociales plutôt que l’homme lui-même est un avis dangereux. L’homme doit être conscient de sa dualité et de sa propre faiblesse pour éviter les pires problèmes personnels et sociaux » - Stanley Kubrick

 

Certains réalisateurs ont mis en avant « le fantastique social », par le biais de la science fiction, et ont ainsi développé des sociétés fictives totalitaires, bien souvent inspirées de la réalité, qui pourraient bien un de ces jours causer la perte de l’humanité et du monde dans lequel nous vivons.

A l’ère du tout virtuel, alors que la communication et les médiums utilisés pour la véhiculer s’étendent par delà le monde entier, la société se retrouvant acculée derrière des ordinateurs, les gens ont aujourd’hui bien du mal à communiquer d’une façon simple et réelle. Le virtuel proposerait-il une fuite plutôt qu’un affrontement ?

 

Alien, le huitième passager

 

Alien, Le huitième passager 01

 

Titre original : Alien

Réalisation : Ridley Scott

Scénario : Dan O’Bannon & Walter Hill

Genre : Science Fiction/Anticipation

Pays : Grande-Bretagne/USA

Année : 1979

Synopsis : En route vers la Terre, Le Nostromo est un vaisseau spatial de cargaison marchande transportant à son bord sept personnes, cinq hommes et deux femmes. Ayant capté un message de détresse, l’ordinateur de bord, appelé « Maman », réveille l’équipage. Loin de leur système solaire, les personnages se posent sur une planète où ils découvrent les vestiges d’un vaisseau spatial. C’est alors que l’un des membres se fait agresser par une créature arachnoïde. L’équipage du Nostromo est loin de se douter que le SOS était en fait un message d’avertissement et qu’un huitième passager a été introduit dans le vaisseau…

 

 

L’architecture gothique imite la forêt et cette architecture est à la base de l’imaginaire gothique. Le cinéma gothique réussit à mettre en place un décor de lieux clos au sein desquels on fait naître un suspense et une angoisse qui débouchera sur une terreur non seulement des lieux mais également sur l’appréhension de ce que l’on pourrait bien y découvrir. Dans ce cas, le film Alien est considéré comme un film moderne pouvant s’inscrire dans la catégorie des films gothiques dans lequel, le décorateur s’est fait une joie de cultiver ce même style gothique pour faire du vaisseau spatial Nostromo, un lieu de terreur et de hantise, perdu au milieu de l’espace intersidéral.

 

 

Le film « Alien », dont la créature est inspirée de l’univers d’Howard Philip Lovecraft, reste un véritable film culte, mêlant science fiction et anticipation dans lequel le décor a une grande importance. C’est pourquoi, il peut être considéré comme un personnage à part entière, participant activement à la narration. Le réalisateur joue énormément avec les rapports champs/hors champs, engendrant un sentiment d’angoisse et d’épouvante.

 

 

« Le décor joue parfois, souvent même, à la place de l’acteur » ~ Eisenstein

 

 

La créature se fond et se confond littéralement avec les éléments du décor, qui pour le coup devient intrigant, ce qui a le don de créer un effet de surprise lors de ses apparitions, d’ailleurs peu nombreuses, car il suscite un élément de curiosité chez le spectateur transmis par le jeu des acteurs, mais où se cache le monstre ? Ainsi, le réalisateur joue également avec une forme classique du film d’horreur et fantastique, le montré et le caché et la partie pour le tout, propice au développement de l’imagination du spectateur.

 

 

Dans « Alien », la suggestion est par conséquent de mise lorsque le monstre dévore un à un les membres de l’équipage du Nostromo. Ridley Scott laisse imaginer au spectateur les derniers instants de ses personnages lorsqu’ils se retrouvent face à l’extraterrestre. Cette retenue dans la mise en scène de la mort n’est cependant pas un refus de l’horreur visuelle : si le réalisateur n’insiste pas sur les souffrances physiques des victimes, c’est qu’il a suffisamment illustré auparavant les actes de la créature.

 

 

Le réalisateur a fait le choix de concentrer les effets gores dans le premier tiers de son film qui constitue un parti pris efficace puisque le spectateur s’attend au pire. L’extraterrestre apparaît d’abord comme un amas de chair palpitant à travers la membrane translucide d’un œuf. Puis, à l’éclosion, prend la forme d’une créature arachnoïde dont le corps est prolongé par une longue queue, animal parasite qui viendra se fixer sur le visage de l’un des personnages. Une entaille pratiquée sur un de ses tentacules dans l’espoir de libéré l’infortuné, donne le ton sur la menace introduite dans le vaisseau, car en guise de sang, il s’écoule de la créature un liquide acide. La scène la plus spectaculaire reste celle de la naissance du véritable alien, qui défonce littéralement la cage thoracique du personnage où les gros plans et le montage ne cachent rien au spectateur.

 

 

« Conscient de ne pouvoir surenchérir dans le gore, Ridley Scott, après cette apogée, trouve d’autres moyens de susciter la peur, offrant d’audacieux prolongements visuels à l’horreur biomécanique de l’alien en assimilant les coursives suintantes du Nostromo à l’intérieur d’un organisme vivant ».

 

 

Alien, le retour

 

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Titre original : Aliens

Réalisation : James Cameron

Scénario : James Cameron, David Giler & Walter Hill

Genre : Science-Fiction

Pays : USA

Année : 1986

Synopsis : Après avoir affronté la créature alien, Ellen Ripley a pu s’enfuir à bord d’une navette de secours qui a été récupérée par La Compagnie. Traumatisée, elle a développé une forte aversion envers la créature. Peu de temps après, elle apprend que des colons ont disparu et le retour de l’alien est à craindre… Deuxième opus pas très convaincant.

 

 

Dans « Alien », le monstre, c’est l’étranger, une entité qui vient ébranler le psychique des personnages. Cette créature pourrait bien également déstabiliser une civilisation entière, grâce à sa physionomie quasi-indestructible, elle serait susceptible de devenir le « super-guerrier » tant convoité par les instances militaires (Cf. Les propos d’Ash, l’androïde : le guerrier parfait qui renvoie certainement aux expériences militaires douteuses pour améliorer les performances physiques des soldats).

 

Alien 3

 

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Réalisation : David Fincher

Scénario : David Giler, Walter Hille & Larry Ferguson

Genre : Science-Fiction/Anticipation/Horreur

Pays : USA

Année : 1992

Synopsis : Ellen Ripley a pu s’échapper de la dernière planète où elle avait une nouvelle fois affrontée l’Alien (Cf. Alien, le retour, James Cameron, 1986). A bord de l’USS Sulaco, navette spatiale de secours, Ellen Ripley se trouve en hyper-sommeil lorsque la navette prend feu (déclenché par la présence d’un alien à bord du vaisseau) et s’écrase sur la planète-prison Fiorina 161, planète peuplée de criminels essentiellement de sexe masculin. Ripley est la seule survivante du crash. La créature xénomorphe (qui cette fois-ci se déplace à quatre pattes mais qui a développé entre temps une forme certaine d’intelligence, rendant la créature moins instinctive mais plus maligne) reprend vit en prenant possession du corps d’un chien. Ripley découvre alors qu’elle porte également un embryon alien en elle, que la Compagnie souhaite récupérer, ce qui la pousse à se donner la mort.

 

L’animal avalé

 

 

Les légendes contemporaines sont considérées comme un genre folklorique de communication collective. Bien que considéré comme un terme péjoratif, pittoresque et dépourvu de sérieux, le mot « folklore » signifie littéralement, le savoir (lore) du peuple (folk).

 

 

« Le folklore est la communication et l’expression du consensus et de l’implicite partagé qui fonde la conformité sociale : il est donc au cœur de la collectivité. Il est considéré comme l’ensemble de croyances, d’activités, de façon à faire, de dire et de voir […] ».

 

 

Le folklore est une forme de culture informelle que l’on peut distinguer de la culture de masse parce qu’elle ne rapporte rien.

Nos sociétés modernes au sein desquelles se côtoient des groupes culturellement hétérogènes, constituent un terrain propice aux créations folkloriques, à la fois anonymes et collectives.

 

« Le folklore est partout et s’exprime par des croyances, des pratiques, des rituels et des superstitions. Il passe surtout par des genres narratifs dont la légende contemporaine fait partie ».

 

Il existe de nombreuses histoires dans lesquelles on nous rapporte que certaines personnes ont avalé des larves de batracien (triton, têtard) qui se seraient développé à l’intérieur du corps humain. Il s’agit d’une légende authentique appelée « bosom serpent », littéralement le serpent dans les entrailles. Cette légende s’associe avec l’existence réelle de vers parasites du corps humain (ténia, ascarides, etc) où l’homme a ainsi imaginé que des animaux serpentiformes pouvaient vivre dans ses organes internes.

 

La littérature et le cinéma fantastique ont largement exploité cette légende qui constitue une source d’angoisse et d’épouvante.

 

Dans les films fantastiques, les monstres et les extraterrestres pénètrent en parasites dans le corps et l’esprit des Terriens pour les contrôler. Dans The Invasion of the Body Snatchers (Don, Siegel, 1956, USA), littéralement « l’invasion des voleurs de corps » (titre mal traduit en français par l’invasion des profanateurs de sépulture), des extraterrestres en forme de végétaux s’emparent peu à peu des corps des personnes.

Dans The Parasite Murders (Frissons) réalisé en 1974 par David Cronenberg, de dangereux parasites envahissent un immeuble et ses occupants et se livrent à la violence et à la débauche.

Plus récemment, la série télévisée, Stargate SG 1 (série SF crée par Jonathan Glassner et Brad Wright, inspirée du film de Roland Emmerich, Stargate, la porte des étoile, 1994), relate comment les Goa’ulds, une race d’extraterrestres parasitant le corps humain grâce à un symbiote, règnent sur l’univers en se faisant passer pour des anciens dieux inspirés en partie par la mythologie égyptienne.

Dans Hidden (Jack Sholder, 1987), une créature visqueuse et répugnante se glisse dans la bouche des individus, lui conférant une méchanceté totale et une force quasi surhumaine.

 

Interprétation du motif de l’animal dans les entrailles

 

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La vraisemblance de la légende réside dans l’existence réelle de parasites vermiculaires chez l’homme. Les légendes prolongent souvent la réalité en la poussant à son paroxysme. Ainsi, les vers deviennent des serpents, les animaux avalés survivent dans le corps et y développent des œufs. Ces histoires fascinent car elles incarnent des fantasmes, des croyances et des mythes qui engendrent quatre thèmes majeurs : le fantasme de la gestation, le fantasme de pénétration, la victoire de la Nature sauvage et à la Mort à l’œuvre.

 

La structure de la légende suit le schéma de la reproduction : fécondation (entrée de l’animal), gestation (développement interne de l’animal) et accouchement (sortie de l’animal).

 

« La peur de la pénétration corporelle par des êtres visibles ou invisibles, naturels ou surnaturels, est l’une des plus archaïques et des plus universelles ».

 

C’est pourquoi la plupart des cultures traditionnelles possèdent des rites de protection magique des orifices du corps. Ainsi, il est dit que les boucles d’oreilles avaient certainement pour fonction première, une protection magique avant d’être des bijoux esthétiques. S’appuyant sur des fantasmes de pénétration sexuelle, le motif de l’animal dans le corps permet de symboliser toutes sortes d’intrusions, d’invasions et de contaminations. Il rationnalise et modernise les anciens thèmes de la possession diabolique et de la fécondation par l’incube, démon masculin.

 

Le film Alien cumule la pénétration corporelle et la pénétration dans le territoire, représenté par le vaisseau spatial.

 

En anglais, le mot « alien » signifie étranger. La créature dans Alien représente l’intrus, l’indésirable, le passager clandestin, le huitième passager comme le suggère le sous-titre du film.

 

Dans les années 50, aux Etats-Unis, l’invasion extraterrestre représentait la menace communiste. Dans les années 70 et 80, elle exprime le danger de l’immigration venue du tiers monde. Dans les années 90 et 2000, l’immigration étrangère est véhiculée d’une façon quasi négative et constitue un argument de taille dans le domaine politique, en particulier au sein de partis fascistes et extrémistes.

 

Le thème de la victoire de l’indomptable Nature sur l’Humanité participe également à la propagation de légendes contemporaines qui dénoncent bien souvent les dangers de la technologie. L’Animalité s’installe au sein même du corps humain et les animaux qui y demeurent symbolisent la vie primitive, amphibie et grouillante.

 

Le thème de la Mort à l’œuvre est aussi développé à travers la légende de l’animal dans le corps, ce qui en fait une figure emblématique. Une créature dans le corps humain constitue un fantasme d’hypocondriaque, une représentation symbolique des vers qui dévoreront nos cadavres, d’une croyance en l’origine animale des maladies.

 

Dans une Europe moyenâgeuse, le serpent et le crapaud symbolisaient la mort et étaient des attributs du squelette. De ces anciens symboles de la sexualité, le christianisme en a fait des emblèmes de la luxure et du péché.

 

Alien, la résurrection

 

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Réalisation : Jean-Pierre Jeunet

Scénario : Josh Whedon & Ronald Shusett, d’après l’histoire de Dan O’Bannon

Genre : SF/Anticipation/Horreur

Pays : USA

Année : 1997

Synopsis : Deux ans après le suicide d’Ellen Ripley, une équipe de généticiens clone la jeune femme afin de récupérer l’alien femelle vivant en elle. Le clone de Ripley a hérité de certains caractères génétiques de la créature, tout comme l’alien a hérité d’une partie du génome humain, ce qui lui confère un aspect différent par rapport aux épisodes précédents (d’ailleurs la créature est amphibie). Afin de pouvoir étudier l’espèce xénomorphe et de lui permettre de se reproduire, l’équipe de scientifiques fait appel à des pirates de l’espace, chargés de fournir des cobayes humains pour l’incubation des embryons. Manipulations génétiques : le clonage humain en question…

 

L’anthropomorphisme et les altérations du corps humain

 

L’anthropomorphisme est la conséquence de la bestialité. Les « êtres humains réduits » ne peuvent être considérés comme des créatures artificielles, même si le procédé de création le reste, il n’en reste pas moins qu’il crée la vie, pas toujours comme il le souhaiterait. Le scientifique bien ou mal intentionné qui manipule le génome humain n’est pas toujours certain du résultat de ses expériences. Néanmoins, il crée la vie mais est-il en droit de la retirer ? Dans « Alien, la résurrection », quatrième du nom, la séquence où Ellen Ripley, personnage principal de la saga, découvre ses clones ratés est assez émouvante. Comment réagir face à des doubles conscients qui la supplient de les éliminer ?

 

La séquence fonctionne comme un miroir, une prise de conscience et avec un peu plus de recul, fonctionne comme une belle leçon de morale, telle une mauvaise ritournelle qui envahit l’esprit : voilà ce qui arrive quand on se prend pour Dieu. Le film aurait mérité une critique beaucoup plus acerbe concernant le clonage humain (qui reste interdit) ainsi que sur les intérêts financiers et militaires en jeu. Car, quoi qu’il en soit, la saga répercute un thème récurrent, qui est devenu redondant au fil du temps : vouloir à tout prix maîtriser la créature (l’alien) afin de la transformer en un parfait guerrier. Mais l’homme oublie un peu trop vite qu’il n’est pas en mesure de totalement contrôler la Nature (en témoigne les différents ratages du clonage d’Ellen Ripley), et bien souvent, dans son désir de vouloir conquérir et dominer l’univers, il en perd toute notion d’humilité et s’impose lui-même en tant que prédateur avide et cupide : ici, il n’est plus question de survie mais bien de domination, ce que somme toute, l’homme a toujours cherché à faire à travers les nombreuses invasions dont témoigne notre Histoire.

 

En outre, on évitera la relation avec la religion et on fera en sorte de mettre en avant la question de l’éthique scientifique et humaine (qui me semble la plus importante), qui nous donnera la possibilité d’apporter une belle réflexion philosophique sur notre monde.

L’intégrité du corps humain et la conscience est une hantise viscérale. La séparation d’une partie du corps acquérant une vie autonome est un thème classique de l’étrange.

 

L’invention du cinéma a marqué une étape décisive dans l’histoire de l’humanité et l’écran est devenu non seulement une fenêtre sur le monde mais également un nouveau miroir, qui parfois échappe à tout contrôle.

 

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Pour les amateurs et cinéphiles, « Alien 5, Prometheus » réalisé par Ridley Scott (apparemment sans Sigourney Weaver) : sortie normalement prévue le 30 Mai 2012, à ne pas manquer…

 

 

Sources :

Fantastique et Science-Fiction au cinéma ~ Alain Pelosato ~ 1999

Légendes urbaines, l’animal avalé vivant ~ Véronique Campion-Vincent & Jean-Bruno Renard ~ 1992

Le cinéma fantastique et ses mythologies 1895-1970 ~ Gérard Lenne ~ 1985

Le cinéma gore : une esthétique du sang ~ Philippe Rouyer ~ 1997

 

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