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En 1985, Stuart Gordon, jeune cinéaste encore inconnu, révolutionne le genre avec Re-Animator, un film gore et sarcastique, teinté d’absurdité, associé au suspense, au sexe et à l’humour.

 

RE-ANIMATOR

 

Réalisation : Stuart Gordon

Scénario : d’après l’œuvre d’H.P. Lovecraft

Genre : Horreur

Pays : USA

Année : 1985

Synopsis : Dans un hôpital du Massachussets, un étudiant invente un sérum à ressusciter les morts…

 

Herbert West, jeune étudiant ambitieux, est un personnage tout droit sorti de l’imagination brumeuse d’H.P. Lovecraft, croit détenir les secrets de la vie éternelle et s’applique à prouver ses théories dans un idéalisme mégalomaniaque comparable à celui du célèbre docteur Frankenstein.

 

Avec Re-Animator, Stuart Gordon se permet tout et le revendique à juste titre et ose les pires extravagances en adaptant une nouvelle de Lovecraft. Il met en scène un savant fou qui vole des cadavres et les ramène à la vie grâce à un sérum dont il a le secret. Hélas, l’expérience tourne mal et le scientifique crée des zombies affamés, lubriques et violents.

 

Stuart Gordon n’hésite pas à donner dans le burlesque en filmant d’une manière grotesque les membres arrachés et coupés en morceaux.

 

« Le sérum libère les zombies de toute entrave morale, sociale et physiologique […] devient une mise en abyme du gore qui permet au cinéaste de modeler les corps à sa guise et de briser les derniers tabous ».

 

Parodie, pastiche et gore

 

Le Gore est un sous-genre qui attire un bon nombre de jeunes réalisateurs qui y voient l’occasion de créer en toute liberté et à un moindre coût. Tout comme les pionniers des années 60, ces novices ne se prennent pas au sérieux et compensent le peu de moyens financiers par des astuces et autres systèmes D. Souhaitant séduire le public, ils n’hésitent pas à pousser l’horreur jusqu’à l’outrance qui la fait basculer dans un gore parodique chargé d’humour volontairement graveleux et à prendre au dernier degré (Cf. Braindead, Shaun of the  Dead).

 

Le Gore a donc la faculté de mélanger humour noir et de traiter les indicibles carnages sur un mode si extrême que le film en devient absurde, une façon de traiter la violence sur un mode loufoque. Les réalisateurs jonglent avec les codes et les clichés et n’hésitent pas à jouer la carte de l’horreur visuelle : corps hurlants, mutilés, charcutés et déchiquetés au gré des effets spéciaux, parfois d’un goût douteux. Jouant également la carte du réalisme ou voulant se rapprocher du style reportage, les cinéastes usent et parfois abusent des caméras à l’épaule et autres gros plans, techniques cinématographiques usuellement utilisées dans les productions gores.

 

L’hémoglobine ainsi déversée par quantité gargantuesque détermine une étonnante danse macabre qui aurait des allures de « théâtre du burlesque » provoquant une multitude de crises de rire plutôt qu’une multitude de crises de nerf !

 

Le paradoxe engendré par les films gores est assez flagrant : dans sa volonté à vouloir diffuser des images d’un écœurant réalisme, le genre s’éloigne de la réalité et provoque d’une façon chronique une distanciation évidente ainsi que diverses situations tragi-comiques.

 

BRAINDEAD

 

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Réalisation : Peter Jackson

Scénario : Stephen Sinclair, Frances Walsh & Peter Jackson

Genre : parodie horrifique/gore

Pays : Nouvelle Zélande

Année : 1992

 

Synopsis : Lionel est un jeune homme célibataire et timide qui vit avec sa mère tyrannique. Au cours d’une visite au zoo de la ville, cette dernière se fait mordre par un singe-rat provenant de l’île de Sumatra. D’après la légende, quiconque se fait mordre, deviendra un zombie…

 

Le rire et la peur

 

Le rire et la peur sont deux émotions instinctives, simples, viscérales et fondamentales. Elles représentent un réflexe de libération qui peut s’avérer être un puissant élément de subversion. La peur comme le rire se déclenche au terme d’un mécanisme qui permet de résoudre une situation insupportable.

 

C’est dans l’art primitif et naïf (arts plastiques et picturaux) qu’il sera possible de reconnaître le jeu d’alternance et de simultanéité du rire et de la peur. Dans l’histoire de la représentation, c’est au sein du théâtre antique que l’on pourra en faire la distinction initiale, en se penchant sur les nombreuses comédies et tragédies produites à cette époque.

 

Ces émotions primitives s’expriment également à travers les contes de fées et les masques carnavalesques où se mêlent fantaisies, cruauté, terreur et burlesque. Par exemple, le théâtre Grand-Guignol donnait des représentations naïves teintées de comique et d’épouvante.

 

Dans la mesure où la même situation peut engendrer soit le rire soit la peur ; ces deux émotions sont deux manières différentes d’échapper à la contrainte, deux formes de détente succédant à une oppression. La distinction entre les deux est faite à partir du moment où l’on choisit soit la participation soit la distanciation.

 

"A l’inverse de la peur, le rire résulte du spectacle d’une situation contraignante dans laquelle nous ne nous projetons pas. Ce qui fait ressortir les composantes sadiques du rire et donc masochistes de la peur démontrant l’opposition de ces deux émotions".

 

Le comique et le fantastique sont deux notions qui reposent sur la rupture d’un ordre établit qui prend la forme d’un événement plus ou moins grave qui devient symbolique, le danger à éviter ou la fuite devant un hypothétique envahisseur cannibale et carnassier, puis devient anecdotique voire cosmique.

 

Cette graduation correspond à la gamme des sentiments éprouvés par le spectateur. La situation de contrainte extrême est la catastrophe. L’élément catastrophique de la narration est traité d’une façon différente par le spectateur selon le genre cinématographique utilisé, la résultante sera soit le rire, dans le contexte d’un film d’animation par exemple, soit la peur mettant en évidence une échelle croissante d’émotions telles que l’inquiétude, l’anxiété, l’angoisse, l’effroi, la terreur et l’épouvante.

 

ANALYSE FILMIQUE : SHAUN OF THE DEAD

 

 

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Réalisation : Edgar Wright

Scénario : Simon Pegg & Edgar Wright

Genre : Horreur/Gore/Parodie

Pays : GB

Année : 2004

 

Synopsis : Shaun, jeune vendeur dans un magasin d’électroménager, se fait larguer par sa petite amie. Après avoir noyé son chagrin à coup de verres de bière, il se réveille cerné par des zombies hagards et affamés…

 

Du pastiche à la parodie

 

La surexploitation des mythes au cinéma a certainement contribué à la perte de leur signification, ce qui a entraîné une dégradation mythologique du fantastique. Cette perte du signifiant s’accompagne d’une radicale dissociation du rire et de la peur, au profit du rire ou de l’horreur gratuite. Le rire du grotesque parodique se sépare du rire du fantastique.

 

« L’horreur suprême ne déguise-t-elle pas en farce ? La cruauté n’est-elle pas plus abominable quand elle se double d’un hypocrite sourire ? »

 

Le fantastique cesse d’exister lorsque le rire n’en constitue plus un élément essentiel, mais simplement un effet recherché.

 

Par exemple, Le Bal des Vampires (Roman Polanski, 1967, USA/GB) est un pastiche des films de vampires qui conserve un récit original et témoigne « d’une familiarité sensible avec la mythologie sur laquelle il fonde son propos ». Dans le cas de ce film, la dimension parodique est plus sujet à réflexion qu’à dérision.

 

Il existe une nette différence entre la parodie basse, qui se contente de se moquer d’un mythe quelconque tout en utilisant un thème donné à des fins non fantastiques, et la satire (fantastique ou sociale) qui conserve le mythe tout en utilisant une attitude parodique.

 

Il est évident que « Shaun of the Dead » soit indéniablement un hommage au film de George Romero, « Dawn of the Dead ». A l’instar de la série des films des frères Wayans, « Scary Movie », qui s’avèrent être des parodies basses qui se contentent de se moquer ouvertement de la société américaine à travers ses productions horrifiques pour teenagers en mal de frisson. A contrario, le film d’Edgar Wright suggère une parodie conservant le mythe du zombie sans cervelle et cannibale, dans un contexte de comédie loufoque et déjantée où la peur ne survient… que très rarement !

 

Ce récit original nous conte l’histoire d’un jeune vendeur qui vit à côté de la plaque et qui se retrouve à devoir sauver sa peau ainsi que celle de ses amis, d’une horde de zombies lobotomisés et affamés.

 

Le film ne renouvelle pas le genre mais ne détruit pas le mythe et apparaît comme une satire du monde moderne. La dynamique du récit est basée sur un judicieux montage « cut » (coupure de plan sans effet spécial) et rapide qui donne une ambiance « speedée » au film. Cette dynamique vient contrebalancer le personnage de Shaun, personnage proche du commun des mortels, figure de l’anti héros par excellence, complètement dépassé par les événements mais qui se démène tant bien que mal pour se sortir de cette situation désespérée.

 

Les situations dramatiques du film s’enchaînent à un rythme effréné où le réalisateur a su allier avec brio suspense, rire, horreur, culture virtuelle et bande son.

L’introduction du facteur fantastique, élément perturbateur, mais qui passe inaperçu dans un premier temps, est transmis par le biais de la voix off (Radio, TV) : « Une sonde spatiale est entrée dans l’atmosphère terrestre et se retrouve au-dessus du Royaume-Uni ».

 

« Shaun of the Dead » est un film qui se compose de deux récits qui se déroule parallèlement : le premier récit situe le personnage de Shaun, trentenaire ayant des allures de bureaucrate endimanché, confronté aux affres de la vie, pris entre la colère de sa petite amie qui réclame plus d’attention et un meilleur ami squatteur, feignant et adolescent attardé passant son temps devant les jeux vidéos.

Le deuxième récit prend le pas sur le récit premier dès lors que la ville est envahie par les zombies. La lutte contre ces morts-vivants démarre alors comme une course contre la montre (et contre la mort) mais les choses ne prennent pas la tournure qu’aurait voulu Shaun, qui, malgré la situation catastrophique, semble vivre dans un monde « où tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » et où il suffirait d’énoncer une solution qui tienne à peu près la route pour que tout redevienne dans l’ordre.

 

Une vie de merde dans un monde totalement lobotomisé

 

Le film de zombies défini au sein des productions du genre renvoie à une symbolique bien spécifique qui est celle de l’aliénation, où l’individualisme est à proscrire.

 

« Shaun of the Dead », malgré ses aspects humoristiques et parodiques, semble bien dénoncer un conformisme latent où la pensée unique pourrait s’avérer insidieuse et où la violence serait reine sous couvert des médias qui s’en donnent à cœur joie.

 

Dans ce monde chaotique et apocalyptique, le film propose des situations qui sont à la base, d’une gravité sans précédent, mais les situations grotesques et les réactions illogiques des personnages constituent un excellent contrepoint narratif et visuel et sont propice, non pas à la crise de nerfs mais plutôt à la crise de rire.

 

Le thème de la violence est ainsi traité sur le mode de l’humour et du burlesque, tout en utilisant les bonnes vieilles ficelles du film d’horreur (montage, bande son, mouvements de caméra, jeu champ/hors champ, champ/contre champ).

Le film apparaît également telle une critique ironique et sarcastique d’une société déjà lobotomisée où la réalité virtuelle prend le pas sur la vraie vie. « Shaun of the Dead » peut être un film vécu tel un jeu vidéo où les protagonistes doivent combattre d’affreux monstres anthropophages ; une sorte de mise en abyme (le film dans le jeu et le jeu dans le film), confère les séquences où les personnages sont face aux zombies et les tuent comme s’ils se retrouvaient dans un jeu virtuel. Le clin d’œil est facile à déceler : Resident Evil.

 

Cela serait également un sacrilège de ne pas parler de la bande sonore qui est complètement en phase avec les actions des différents personnages ainsi que la musique qui devient un élément d’effet spécial (underscoring) et intradiégétique. Le réalisateur lance aussi un petit clin d’œil à la musique électronique en balançant le « Zombie Nation » des Kernkraft 400, titre d’Electroclash (2000).

 

« Shaun of the Dead » reste un bon film de série B où les situations rocambolesques s’enchaînent à un rythme effréné et où le rire est de la partie. Une parodie légère sur fond d’histoire d’amour ratée et un combat toujours plus sanglant contre l’ordre établi, le conformisme abrutissant et l’aliénation des personnes…

 

Sources :

Le gore : une esthétique du sang

Le cinéma fantastique et ses mythologies

 

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