Photo d'un flyer-carte postale : Auteure photographie : Estelle HANANIA Auteur graphiste : Techner-Sturacci Pour illustration Spectacle "Crowd", conception, chorégraphie & scénographie de Gisèle VIENNE, Du 07 au 16/12/2017 en Ile-de-France

 

« La danse, langage du corps, est essentiellement un art du mouvement, un art moteur, qui nécessite une connaissance intime de soi, de sa motricité et celle d’autrui […] »

 

La danse : médium de la transe

La danse est un moyen d’expression qui s’est manifesté dans la nature en tant que moyen de séduction afin d’assurer la pérennité du vivant.

Les premières indications sur l’exécution de danses datent de la Préhistoire, au Paléolithique, où des peintures rupestres attestent de l’existence de danses primitives. Il s’agit avant tout d’un acte cérémoniel et rituel, adressé à une entité supérieure afin de conjurer le sort, comme par exemple la danse de la pluie, pour donner du courage (danse de guerre ou de chasse), ainsi que pour plaire aux dieux (antiquités égyptienne, grecque et romaine).

La danse primitive, couplée aux chants et à la musique, avait aussi probablement la capacité de faire entrer les participants dans un état de transe. 

Au début de la civilisation humaine, la danse est un des jeux les plus anciens de l’humanité, qui permettait aux gens de dépasser l’état où leurs corps ne servaient que d’outils consacrés au travail. Ils pouvaient dans la danse atteindre un autre état. Les mouvements du corps nous rappellent qu’une personne vivante interprète. Les études anthropologiques nous disent que dans la Préhistoire, la danse faisait partie des rituels de vénération qui permettaient aux hommes de communiquer avec le ciel. En passant par le médium de la danse chamanique, l’homme pouvait interagir avec les êtres divins, et par la vénération et le respect des divinités, les hommes pouvaient obtenir leur protection. 

Grâce à différentes danses exécutées, l’état de transe peut être atteint, par exemple, à l’aide le tournoiement, qui a des effets psychosomatiques : perte de la notion d’espace, sensation de vertige, dépossession de soi-même (chamanes, derviches, exorcismes). A l’époque du Paléolithique, les danses se référaient à la vie animale et les rites, ainsi que de la transe permettaient de sortir du monde visible et de communiquer avec les esprits, ce qui conférait à la danse un caractère sacré.

La danse et la musique sont étroitement liées car les mouvements exécutés sont induits par le rythme et les mélodies. La danse est la musique du corps. La musique pouvait être gaie ou mélancolique, tenir compagnie au travail ou à la guerre, elle pouvait être violente ou douce. Elle pouvait également exalter les sentiments religieux par des incantations destinées à agir sur les phénomènes que les hommes ne pouvaient expliquer, tels que le vent, le tonnerre, la maladie et servaient également à communiquer avec les esprits et apaiser les démons.

Par exemple, en Chine, la musique est inséparable de la poésie et de la danse et pour certains sages, elle exprimait l’équilibre entre le ciel et la terre.

Autre exemple, déjà, à l'époque de l'esclavage, les Noirs se réunissaient après leur journée de dur labeur pour se ressourcer à travers de longues veillées pleines de musiques, de chants et de danses. La musique accompagnait presque toutes les activités du quotidien : elle rythmait le travail dans les champs, la coupe de la canne à sucre, les coups de main (koud'min) qui consistaient à s'unir pour aider un des leurs à accomplir un travail important. La musique était également présente lors des fêtes mais aussi lors des veillées mortuaires.

Toute la communauté se rassemblait autour de la musique et de la danse. Ces moments de détente générale permettaient d'exprimer et d’exorciser tensions et frustrations.

Les tambours et les percussions sont à la base des musiques traditionnelles antillaises. La musique et par conséquent, la danse, ont toujours été omniprésentes dans la vie des Antillais. Ce qui induit que dans certaines sociétés la musique et la danse régissaient et régissent toujours la vie quotidienne des individus, quels qu’ils soient.

La danse, l’art du mouvement

Le corps est un outil, un instrument, un objet de discours qui s’exprime à travers une multitude d’émotions : il communique des sentiments et des idées. Pour nous permettre de découvrir les perceptions intérieures du corps, ce dernier est le lieu essentiel des nombreuses perceptions : visuelles, auditives et tactiles ; lieu de circulation des énergies. L’espace intérieur du corps est lié à l’imaginaire et aux représentations mentales et culturelles, ce qui permet de donner à la gestuelle une signification. 

Le mouvement peut créer son propre rythme (musicalité intérieure) ou suivre un rythme extérieur, ou jouer avec le rythme ; s’en distancier, le retrouver ou l’inverser. L’exploitation du temps externe par le danseur correspond à un monde sonore extérieur. Afin d’établir une relation dialoguée avec la musique, il faut apprendre à reconnaître la pulsation de cette dernière par le mouvement, en jouant sur l’atmosphère de la musique ainsi que sur l’organisation temporelle des sons et sur la nature des instruments employés constituant une certaine manière de s’exprimer. 

Le corps évolue dans un espace précis qui engendre entre les danseurs, de nombreux rapports allant du rapprochement à l’éloignement, en passant par les croisements et les rencontres. Et c’est en multipliant les combinaisons que le danseur dégagera des significations dans sa gestuelle, tout comme un écrivain développera un certain vocabulaire afin de générer un texte compréhensif et le communiquer à autrui pour transmettre une idée, une pensée, une théorie.

Espace festif, espace profane : le défoulement à travers la danse

L’aspect festif dans la musique techno représente de nos jours le besoin que l’homme à de célébrer et de vivre l’instant présent.

Marie-Claude Vaudrin fait un très bon parallèle entre les Dionysies de l’Antiquité et les fêtes de musique techno (concernant les raves et les free parties).

L’évolution des mœurs et de la culture au sein de la société contemporaine occidentale nous apporte la preuve qu’il n’existe plus de lieux réservés (hormis quelques lieux spécialisés) à la catharsis des sentiments humains. D’un point de vue socio culturel, les arts du spectacle en général sont devenus pour la plupart des loisirs ou des activités ludiques ponctuels voire rares pour certaines personnes, et en prenant en compte le contexte politico-économique, l’accès à la culture est rendu difficile. 

Depuis toujours, les hommes ont réglementé leurs activités en fonction des saisons et ont développé des instants de célébration qui se sont modifiés au fil du temps, se pliant à l’apparition de nouvelles religions et politiques, répondant à un besoin fondamental : se rassembler, retrouver sa spontanéité, festoyer et rompre avec la routine.

Pour comprendre une partie de l’importance de la danse et de la musique au sein de la société, il est nécessaire de jeter un œil sur les us, coutumes et pratiques gréco-romains, plus particulièrement sur le mythe de Dionysos. 

Fils de Zeus et de Sémélé, Dionysos (Bacchus dans la mythologie romaine) est un demi-dieu issu de la mythologie grecque, il représente la vigne, le vin et ses excès, le théâtre et la tragédie. En raison du désordre qu’il générait, Dionysos était considéré comme un dieu étranger, de l’enfance, de l’animalité et de la barbarie qui menace la raison et les institutions, en particulier, celle du mariage, entraînant les hommes dans les excès du sexe et de l’ivresse, et les femmes, dans la transe et dans l’intimité de la nature. 

Les Orgies ou bacchanales prenaient un caractère mystérieux et étaient célébrées primitivement par les femmes, dans les bois, les montagnes, au milieu des rochers.

Dionysos représentait la marge et la transgression, en même temps, il signifiait le renouveau, la joie, la vie, l’ouverture à l’autre. C’était un dieu lié à l’humidité féconde, au vin, au théâtre, à l’expansion et à la renaissance de la végétation comme de l’individu.

Devant le mystère des phénomènes naturels et les forces régissant l’univers, les Grecs se sont forgés un monde mythologique dans lequel une multitude de personnages éclairent les aspects de la vie individuelle et culturelle. Les cités honoraient un ou plusieurs dieux afin de conserver le bon ordre social. 

Pour les Grecs, la musique était indissociable du chant, de la danse et de la poésie. La fusion de la danse et de la musique apporte le plaisir physique et l’expérience vécue par l’ordre du divin. Ce moment de plaisir touche l‘esprit, amenant purification et purgation. Musique excitante et danse frénétique s’unissent afin que les tensions s’échappent par les vibrations du corps, ce qui contribuait à pacifier la vie intérieure. Toutefois, certains modes musicaux étaient réglementés, de peur de voir les mœurs se relâcher ; ainsi l’état considérait important de conserver un certain contrôle sur la musique de la cité. 

Le théâtre était intimement lié à la musique. Il permettait une purification de l’esprit des spectateurs par projection des sentiments : la catharsis, phénomène libérant le trop plein d’émotions et de sentiments et permettant de faire le lien entre le corps et l’esprit, entre le rationnel et l’irrationnel. Les pulsions réprimées dans le quotidien étaient épurées et reprises par les personnages de la tragédie.

« La catharsis réside en partie dans cette faculté paradoxale de transformer des sentiments désagréables en plaisir ».

Le culte de Dionysos s’intégrait parfaitement dans ce rapport religieux au monde divin et leur conception musicale. Ce qui était interdit le reste du temps devenait possible : c’est la transgression officialisée. L’expérience était collective et épidémique. Les adeptes des fêtes dionysiaques laissaient toute civilité derrière eux et se livraient à des comportements normalement bannis et condamnés par la société.

« Par l’extase, l’âme se perd, mais aussi se réalise comme un être à part, qu’on sent s’opposer au monde ordinaire et se distinguer radicalement du corps ».

Les pouvoirs conférés à Dionysos étaient inhibiteurs de la raison humaine ; ils brouillaient les apparences, inspiraient les hallucinations, embrumaient les esprits ; ces pouvoirs étaient contagieux et possédaient des aspects libérateurs de tensions. Et pourtant, ils contribuaient au maintien de l’ordre social car ils assuraient le reste du temps, paix et tranquillité. Les adeptes exprimaient leurs instincts primaires dans les moments privilégiés des fêtes, conférant un sentiment de liberté.  

De nos jours, il existe ni lieu, ni fête, ni commémoration où s’opère cette liberté officialisée et les lieux festifs ont fortement changé et évolué jusqu’à ne laisser qu’un vague sentiment de liberté, le temps d’une soirée, dont l’aspect reste vaguement ludique. Tout s’est transformé en loisir, bien souvent nécessitant un apport financier, sous l’influence d’une société capitaliste où l’on fait comprendre à l’individu qu’il doit s’acquitter d’une certaine rétribution et respecter lois et codes, afin de pouvoir prétendre à un moment de détente, de loisir, d’enivrement.

La particularité de la fête techno

Au sein de la fête techno, la musique stimule et organise l’énergie mise à la disposition du vécu de l’événement. Elle procure des émotions à l’individu en même temps qu’elle devient un lien, un dénominateur commun, liant l’ensemble des autres participants. Les états particuliers atteints, souvent qualifiés de « libérateurs », alternent entre ressenti de l’effervescence collective et l’exploration de ses propres sensations. 

La danse constitue un élément libérateur voire exutoire pour qui fréquente le milieu techno et aime danser. Chaque danseur vit sa propre expérience, car il y trouve la possibilité de s’exprimer comme il l’entend. Le corps vit sur la musique (il vit la musique). L’ambiance d’une soirée techno contribue à rassembler plusieurs facteurs dont la musique et la danse constituent des éléments prépondérants.  

En tant que récepteur et sous l’action de la puissance des basses et des infra-basses, le corps vibre, tremble et semble parfois s’animer tout seul, conférant aux vibrations un aspect positif. Les autres sons nous parviennent également d’une autre manière, d’autant plus que la sphère auditive (pour qui sait tendre l’oreille) se trouve solliciter à un tel point que toutes les zones du corps se retrouvent excitées par cet univers sonore. A quelques exceptions près, les musiques électroniques ont un pouvoir inhibiteur pour certains et l’agencement des morceaux y joue pour beaucoup.

A titre d’exemple, la montée reste encore un élément de la composition qui marque l’attention de l’auditeur-récepteur-danseur. Elle est le signe d’une expression positive, d’une joie, d’un bien-être et d’une allégresse, dont les nappes (souvent dans les médiums et les aigus) ont le don de « faire monter la pression », libérant une énergie puissante, redonnant au corps et à l’esprit ce sentiment de liberté quand les basses et les beats reprennent. Cette sensation peut parfois être assimilée à un état orgasmique. Les sentiments rejaillissent afin de laisser le corps s’imprégner des vibrations sonores et sont l’énergie décuplée transparaît à travers le plexus solaire conférant une sensation d’enivrement (parfois amplifié par l’usage de psychotropes). Ces vibrations peuvent également se localiser dans les zones érogènes internes, provoquer une accélération du rythme cardiaque. Les mélodies répétitives viennent agrémenter cette sensation de continuité, renforcée par le biais du set/mix du DJ, ce qui donne l’impression que la fête dure indéfiniment. 

La danse joue un rôle important prépondérant signifiant une rupture avec le quotidien, rendant possible le défoulement, amenant à un état modifié de conscience orgasmique ou autre, ou tout au moins, une sensation de grande joie, de satisfaction et de libération du corps et de l’esprit, comparable à un état de transe quand l’expérience est vécue d’une façon intense.

Cette vision est assez idéalisée mais est tout de même existante, car facilement vérifiable pour qui souhaite tenter l’expérience. 

Ainsi, devant la difficulté d’exprimer d’une façon rationnelle les mouvements exécutés à travers la danse, le rapprochement avec le plaisir sexuel est fait car les éléments de la fête techno procure enthousiasme, joie, et plaisir, permettant de laisser s’exprimer le corps et l’esprit en mettant de côté toutes les frustrations quotidiennes et amenant à la catharsis, qui implique l’affirmation de la personnalité de l’individu car ce dernier n’a d’autre rôle à jouer que le sien. Ce processus permet de se décharger du stress et de la tension accumulés tout au long du quotidien.

La danse dans les milieux festifs

La pratique de la danse dans les milieux festifs (clubs, raves, etc.) met en avant l’individualisme au profit de la collectivité. Les participants ont le choix entre danser, boire ou discuter, le tout conditionné par l’apparence et la séduction.  

La danse découle de normes et reste l’intérêt principal des participants. Un temps est généralement nécessaire pour laisser le corps s’imprégner de la musique diffusée et l’entrée sur le dancefloor dépend de cette dernière ; ce temps que j’appelle « l’effet diesel ».

La danse en club fait souvent appel à une chorégraphie non définie, mais toute la danse n’est pas admise, certainement dû aux références culturelles et aux regards d’autrui, car toute l’originalité est délaissée, considérée comme déviante ou syndrome de folie passagère ! Or, le club est par définition un lieu de défoulement où l’on vient s’exprimer d’une autre façon, c’est le lieu d’expression du corps où les inhibitions du quotidien devraient être mises à l’écart afin d’évoquer la communication non-verbale bien souvent délaissée ou non remarquable car la société impose beaucoup trop de barrières et de codes aux individus. Le paradoxe réside donc dans la manière dont le corps s’expose et se raconte à travers la musique et la danse, vis-à-vis de soi-même et d’autrui. L’espace et le temps sont transformés au profit d’un relâchement hypocritement codifié.

« La société occidentale est une société de raison où les règles sont des frontières abstraites permettant de valoriser la normalité et de condamner la pathologie ».

Dans une soirée techno, le son accapare l’oreille dès l’arrivée des participants. La puissance du beat et le volume de la Techno diffusée amènent certains danseurs à entrer directement sur le dancefloor. Il n’existe ni code ni règle spécifiques pour danser sur de la musique techno.

« La culture techno permet de bouger sans se demander si cela correspond à un modèle ou à un code. Cela renvoie à une autonomie individuelle ».

Sans règle, la danse techno peut s’apparenter à un mouvement autistique ou à des sauts et afin de comprendre cette danse, il faut savoir aller au-delà de l’individu et prendre en compte ses réactions face aux personnes qui l’entourent. La danse semble être conditionnée par l’ambiance de la fête, une communication influençant mutuellement les participants induisant un mimétisme socio culturel. 

Quelle que soit sa forme, la danse relève de l’endurance, alimentée pour certains par l’usage de psychotropes, qui permet aux danseurs d’aller au-delà de ses limites physique, favorisant un étant second appelé « transe ».

A SUIVRE...

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Photo by Phoebe 22/02/2014 - France

 

Sources

  • Le phénomène techno : Clubs, raves et free-parties ~ Etienne Racine ~ 2004
  • La musique techno ou le retour de Dionysos : je rave, tu raves, nous rêvons ~ Marie-Claude Vaudrin ~ 2004

Mise à jour par Phoebe le 2 Août 2020

Photos by Phoebe (03/09/2011& 13/07/2010)
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