LE GRAND DAUPHIN ou DAUPHIN SOUFFLEUR (Tursiop Truncatus)

(en Anglais « Bottlenose », littéralement « nez-en-bouteille »).

Les grands dauphins peuplent tous les océans, toutes les mers du monde (sauf les mers fermées), en zone tropicale et tempérée, ainsi que quelques fleuves. On peut le trouver, par exemple, en Mer Méditerranée, en Mer Noire, autour des grandes îles et près du littoral continental. Son habitat est principalement situé près du plateau continental. Ils vivent généralement regroupés en clan d’une dizaine d’individus (avec un ou deux delphineaux), voire en groupe  ou tribu de 50 à 100 individus (par exemple, une cinquantaine dans le Golfe du Lion).

Le Tursiop Truncatus est l’espèce dauphine la plus répandue sur la planète. D’autres espèces, comme les céphalorhynques et les lagenorhynques (Cf. Article Une fenêtre sur le monde : Les céphalorhynques et les lagenorhynques) peuplent les régions antarctiques et subantarctiques du globe.

Les dauphins sont des mammifères sauvages et il est primordial de réaliser qu’ils occupent une place importante dans un écosystème fragile et complexe. Ils sont les témoins de l’état de santé des mers et océans de la planète.

Qu’il vive près des côtes ou en pleine mer, le grand dauphin présente des différences morphologique et culturelle.

Il existe deux espèces : une côtière et une pélagique (qui vit en haute mer). Cette dernière est plus conséquente que l’espèce côtière.

 

Morphologie

Robuste, élancé et d’une forme hydrodynamique parfaite, le dauphin présente une perfection dans l’évolution et l’adaptation marine (Cf. Article Chroniques terriennes : Les cétacés une belle et extraordinaire évolution).

Le grand dauphin est un mammifère marin à sang chaud, respirant de l’air. Adulte, il peut mesurer jusqu’à 3,50 m pour un poids compris entre 150 et 400 kg. Les femelles sont plus petites que les mâles.

La gestation des femelles se déroule sur environ 12 mois. Les delphineaux naissent au début du printemps et à la fin de l’été.

 

La société des Tursiops Truncatus : comportement social

C’est une société matrilinéaire (comme chez les éléphants et les bonobos) au sein de laquelle solidarité et entraide sont mises en avant, ce qui leur permet d’obtenir une force et une dynamique de groupe pour se défendre et se nourrir. Par exemple, un dauphin en difficulté ou malade peut être secouru et assisté jusqu’à ce qu’il retrouve son autonomie. Les dauphins possèdent un langage corporel et selon les circonstances ou les situations rencontrées, peuvent faire preuve d’agressivité et de violence.

La structure sociale des dauphins dépend en partie du mode de vie et de l’alimentation et varie selon les espèces.

Une alliance directe est faite par les femelles pour la protection des petits ainsi que pour la chasse. Des associations mutuelles existent basées sur une structure sociale nommée « fission-fusion ».

 

Relation de type fission-fusion

Cela consiste en de nombreux allers et venues, des changements de lieu, de partenaire, bagarre entre mâles surtout pour les femelles, sans toutefois qu’il y ait de victime.

Durant la belle saison, les dauphins nagent près des côtes, fourragent dans les prairies marines, plongent et explorent les fonds marins, tout en se guidant grâce à leur écholocation, magnifique instrument de communication.

Les dauphines matriarches constituent le centre de la société des dauphins. Les mâles vivent à l’écart du territoire commun.

 

Alliances

Les dauphins savent créer des alliances ainsi que des super-alliances ou alliances de deuxième ordre dont l’objectif est d’acquérir un avantage numérique, en accédant aux femelles suivies par un groupe de mâles.

Les dauphins s’organisent en tribus (groupes d’environ 100 à 1000 individus), puis en clan d’une quinzaine d’individus, puis en famille de 2 à 5 individus mais cela ne signifie pas que la famille est constituée d’individus d’une même lignée. Leur territoire peut s’étendre sur 120 km, empiétant parfois sur d’autres territoires où des échanges incessants s’opèrent : amitiés, alliances, conflits. Il existe également des super-tribus comparables aux différentes nations humaines, où plus d’un millier d’individus peuvent se réunir.

Toute la tribu veille sur les petits. Elle consiste en une surveillance partagée, nécessaire car les dauphins doivent parfois descendre assez bas dans le fond marin pour y dénicher de la nourriture.

Le delphineau est encore incapable d’aller dans les fonds marins, c’est pour cette raison qu’une amie dauphine, une tante, une grand-mère ou une grande-sœur, sont susceptibles de devoir s’en occuper pendant que les mères chassent. Ce type de comportement appelé « alloparental », est un comportement particulièrement développé chez les cétacés, surtout chez les cachalots.

Les dauphins adolescents se rassemblent au sein de groupes mixtes de jeunes d’âges différents, comparables à des colonies de vacances où les dauphins adultes garderaient un œil, pour les préserver du danger. Lieu où les ados jouent, flirtent et s’amusent, tout en apprenant la vie d’adulte. C’est également un lieu où les liens d’amitié se construisent. C’est à ce stade que le noyau dur d’un duo, trio ou quatuor se constitue. Lorsque les dauphins atteignent l’âge de 10/15 ans, ils s’associent en petites bandes (gang) très soudées de deux, trois ou quatre individus, généralement amis d’enfance, afin de voyager ensemble à la rencontre des femelles.

Ces bandes ne sont pas fondées sur les liens de parenté mais plutôt sur une connivence, une identité de vue, visant à rendre une association possible et performante. Il existe des groupes de femelles, élaborés de façon plus familiale, plus subtile mais moins connus.

Par exemple, en Floride, il a pu être observé des constitutions de super-alliances : des trios ou des duos s’alliant avec des quatuors dans le but d’affronter une autre alliance. Ces bandes sont d’ailleurs plus versatiles et changent plus souvent de partenaires au gré des règles qui régissent le groupe, tout comme les humains, surtout à cause des femelles.

Il a été également observé, d’une façon fréquente, des amitiés inter-espèces entre cétacés ou même avec d’autres espèces. Les dauphins Tursiops apprécient particulièrement la compagnie des globicéphales et des dauphins tachetés, ou chassent avec les thons.

Par exemple, les baleines et les cachalots sont entourés d’égards et de signes de respect par de grandes bandes de dauphins.

Il a été constaté que les Tursiops ont un jour assailli des bateaux-baleiniers en protestant à grands cris quand la chasse commençait. Les Tursiops sont capables et cela a été remarqué à maintes reprises et cela depuis l’Antiquité, de sauver les humains de la noyade, de les protéger des requins ou guider les navires loin des récifs dangereux.

 

Voyages

Les mâles adultes, toujours en bande de 2, 3 ou 4 voire 5 individus, voyagent sur des distances de plus en plus longues, les menant à des centaines de km de leur lieu d’origine. Au cours de ces voyages, ils rencontrent d’autres tribus ainsi que des femelles. Les dauphines croisées en chemin, peuvent les accompagner pendant un moment, avant de rejoindre leur mère au sein de leur tribu initiale (clan ou famille).

Loin des côtes, les dauphins s’orientent en se fiant aux courants marins et magnétiques ainsi qu’aux vents. Peut-être peuvent-ils également s’orienter en observant dans le ciel, le soleil, les nuages, les oiseaux, la lune, ainsi que certains mouvements des étoiles.

Même après la séparation, le delphineau et sa mère gardent des contacts réguliers. Par exemple, en Floride, il a été observé qu’un dauphin adulte mâle, qui avait voyagé durant un ou deux ans, était revenu visiter sa mère le jour de la naissance de son nouveau petit frère. Il semble que ce comportement ne soit pas rare.

Un autre exemple démontre comment un groupe de 5 sentinelles est parvenu à repousser vers les fonds, un grand requin (squale). Le groupe a fait appel à des renforts pour lutter contre le squale. La lutte se déroula sans morsure et consistait à envoyer des menaces à coup de rostres, de nageoires caudales ainsi qu’à une pluie d’ultrasons, qui se s’est avérée être insupportable pour le grand prédateur. Une fois le squale évincé, la tribu des dauphins s’est empressée autour des vainqueurs, tout en dansant autour d’eux, pour les acclamer à coup de cliquetis et de sifflements, comme pour les féliciter.

 

Comportements aériens et vie sociale

L’environnement et les fermes d’aquaculture interfèrent avec le comportement et la structure sociales des dauphins.

Les Tursiops accomplissent des figures hors de l’eau dont la signification ou l’utilité n’est pas clairement connue :

Bon hors de l’eau (Bow) : saut hors de l’eau sur une distance ne dépassant pas la longueur du corps. Le pédoncule caudal est en l’air pendant que la partie antérieure plonge. Soit le pédoncule caudal, soit la partie antérieure, est fixe tandis que l’autre est mobile.

Tête hors de l’eau (Head Up) : la partie avant du corps est hors de l’eau dans une position oblique. Le dauphin peut rester temporairement immobile et le corps est nettement arqué.

Bon sur le côté (Lateral Bow) : le dauphin bondit hors de l’eau sur le côté ou bondit le corps droit et pivote lorsqu’il est hors de l’eau.

Eclaboussement de côté : le dauphin s’élève en partie hors de l’eau et se laisse retomber bruyamment à plat.

Eclaboussement arrière (Breaching Back) : le dauphin élève la partie avant hors de l’eau et se laisse bruyamment retomber en arrière tout en éclaboussant.

Saut en long (Leap) : le dauphin saute hors de l’eau en position normale sur une distance nettement plus grande que la longueur de son corps.

Saut sur le dos (Inverted Leap) : le dauphin saute hors de l’eau en position inverse, aileron dorsal vers le bas.

Saut sur le côté (Lateral Leap) : le dauphin saute et retombe sur le côté.

Saut à travers la vague (Wave Leaping) : réalisation d’un saut depuis l’arrière d’une vague par un dauphin qui se déplace dans le sens opposé à celui de la vague.

 

Vie sexuelle et rapports sociaux

Les dauphins ont une vie sexuelle engendrant une promiscuité, qui permet, par exemple, des coïts à plusieurs et d’incessants échanges de partenaires, cela à n’importe quel moment de l’année.

L’interdépendance du plaisir par rapport à la reproduction est une caractéristique propre à l’être humain, à certains grands singes et aux cétacés. Même s’il existe des cycles de reproduction, la vie sexuelle joue manifestement un rôle social essentiel chez les dauphins.

Le Tursiop possède de nombreux récepteurs sous la peau, particulièrement à proximité des yeux et de l’évent, sur le rostre, autour des parties génitales et des mamelles.

Caresses, séduction sont d’excellents moyens de résoudre les conflits et d’assurer une protection rapprochée à n’importe quel delphineau.

L’accouplement se déroule en présence de plusieurs mâles, car il faut stabiliser la dauphine sous l’eau afin de pouvoir se livrer aux jeux amoureux. L’imagination des dauphins est débordante et sans limite car ils possèdent une extrême sensibilité (peau) qui rendent leurs échanges extatiques. Les préliminaires amoureux se prolongent souvent durant des heures avant que 2 ou 3 mâles ne s’affairent au coït, les uns succèdent aux autres, pour quelques secondes.

Les contacts corporels et les attouchements constituent les moyens d’expression favoris des grands dauphins sans distinction de sexe.

 

Chasse, cueillette et utilisation d’outils

Il existe une multitude de techniques de chasse en fonction du milieu marin et des traditions locales :

  • Carrousel horizontal
  • Carrousel vertical
  • Bouilloire
  • Techniques du mur, etc.

Le but est de rassembler à coup de sonar tous les poissons d’un banc vers un point central afin de constituer une boule où chacun viendra picorer à son tour. Certains dauphins chassent sur la rive en poussant leurs proies à s’échouer. L’exercice est difficile et périlleux, car le dauphin risque lui aussi de s’échouer. D’autres dauphins soulèvent des bancs de sable pour aveugler le poisson, d’autres repoussent les poissons vers les falaises.

Les dauphins procèdent à de vastes randonnées, ils partent à l’aventure pour explorer l‘immensité des océans. Le groupe est encadré par une armada de repéreurs-éclaireurs afin de repérer les meilleures zones de pêche. Lorsque les éclaireurs reviennent, ils se placent face au groupe en lui indiquant, à base de clics et de sifflements, le nombre de proies disponibles et où elles se situent. Ainsi, l’ensemble du groupe se dirige vers l’endroit désigné.

Les dauphins explorent également les fonds marins. L’occasion pour eux d’opérer à une séance de grattage contre les rochers, parfois de plaisir solitaire, de jeux divers au gré des rencontres, de recherche de nourriture plus variée : coquillages, crustacés, raies, calamars, petits requins, céphalopodes, poissons divers, etc.

Les dauphins sont également capables de rechercher des outils pour conserver un certain « bien-être ». Par exemple, ils recherchent des éponges pour protéger le rostre lors des sondes des fonds sablonneux.

Chez le dauphin, le sonar est souvent sollicité pour repérer outil et nourriture.

 

Jeux

Les  « jouets » tels que les poissons et les crustacés sont utiles pour l’apprentissage des delphineaux. Cela permet le développement des réflexes, des sens, de la mémoire ainsi que des connaissances.

Leur jeu favori est appelé « jeu de l’algue » dont l’objectif est basé sur la coopération et l’agilité, consistant à réaliser la plus extraordinaire des figures avec un objet choisi. Le but étant de lancer l’algue au plus haut, au-dessus de la nageoire dorsale, pour la rattraper avec la nageoire caudale, pour la renvoyer à un autre dauphin. Ils font parfois de même quand ils rencontrent un poisson-ballon, qui lui est neurotoxique. Il n’est donc pas bien difficile d’imaginer toute la finesse et toute la délicatesse que peut posséder un dauphin. Le jeu continue jusqu’à épuisement des participants.

 

Sommeil

Les Tursiops dorment à la tombée du jour, mais seulement quelques heures. Ils sont notamment actifs durant la nuit quand poissons et calmars remontent des profondeurs. On estime que les dauphins passent 33% de leur temps à se reposer.

Chez les dauphins, il existe deux méthodes de base pour dormir :

  • Le repos tranquille dans l’eau, à la verticale, ou à l’horizontale.
  • Le repos en nageant auprès des congénères.

Un dauphin peut entrer dans une phase de sommeil plus profonde de sommeil, surtout la nuit. C’est ainsi qu’il peut ressembler à une bûche flottant à la surface de l’eau. Il peut aussi trouver le repos dans des eaux peu profondes mais ce comportement reste rare.

Les Tursiops pratiquent la « sieste du chat », c’est-à-dire, qu’ils dorment qu’avec la moitié de leur cerveau, fermant l’œil opposé à la zone du cerveau désactivée. L’autre hémisphère reste éveillé à un faible niveau de vigilance tandis que l’œil opposé reste ouvert. Ceci permet de pouvoir surveiller les prédateurs, les obstacles et les membres du groupe. Cela permet également de remonter à la surface pour respirer. Après deux heures, le dauphin inverse le processus afin de reposer le côté de l’hémisphère qui était actif.

Les Tursiops océaniques peuvent nager jusqu’à 200 mètres de profondeur et rester sous l’eau durant une quinzaine de minutes en apnée (record du monde en apnée statique 22 mn 32 s). Les espèces côtières descendent jusqu’à 30 mètres pour un maximum de 4 à 5 minutes. Ils peuvent également atteindre une vitesse de pointe de 30 km/heure.

Il est à noter que les cétacés odontocètes sont des prédateurs et peuvent adopter un comportement dit « agressif », incluant combat entre mâles pour une femelle ou combat avec d’autres cétacés plus petits. Par exemple, lorsqu’ils sont en compétition avec les marsouins pour la nourriture, les Tursiops n’hésitent pas à les attaquer, voire à les tuer.

Les Tursiops truncatus dit dauphin-souffleur possède une espérance de vie de 60 ans, avec une moyenne de 40 ans pour les femelles et de 30 ans pour les mâles.

 

Bibliographie :

  • « Atlantis : la mer, les dauphins et les autres » - Luc Besson - Terre sauvage 1991).
  • « Dauphins : mystères et drôles de mœurs » - Terre sauvage (1991).
  • « Les dauphins et la liberté » - Jacques-Yves Cousteau & Diolé (1975).
  • « Le monde des dauphins » - Jacques-Yves Cousteau & Paccalet (1995), « Les dauphins : La Nouvelle Odyssée » (édition de 1975 retravaillée).
  • « La delphinothérapie : le journal des Psychologues » - Donio & Meir (1999).
  •  « Le message des dauphins » (titre original : « the secret langage of dolphins », 1991) - P. St John (1993).
  • « Cétacés du monde : systématique, éthologie biologie statut » - Jean-Pierre Sylvestre (47,02 €, Amazon.fr).

Filmographie :

« Le Grand Bleu » - Luc Besson - Fiction - France - 1988

« The Cove » (VF : La baie de la honte) - Louie Psihoyos - Film documentaire - USA -2009

Documentaires et reportages :

« National Geographic : les dauphins »

« Mes amis, les grands dauphins » (cf. ARTE)

Site web : Dolphin Connection

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