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Contes de la sagesse merveilleuse et de la danse du Vide

La tradition japonaise ainsi que la tradition bouddhiste sont riches de contes et de poésies enseignant la sagesse.

Dans d’autres traditions, y compris occidentales, les contes de fées et légendes fantastiques ne manquent pas d’apporter aux jeunes comme aux moins jeunes, des leçons de vie qui apprennent la sagesse à travers des situations concrètes et quotidiennes.

Les récits issus des Arts Martiaux nous apportent une agréable et intelligente façon de faire ressortir des événements qui ont parfois été authentiques.

 

« Qu’il s’agisse de la réalité ou du merveilleux, il est difficile, dans ce monde subtil et un peu magique des grands maîtres, de savoir où l’histoire s’achève et où commence le conte ».

 

« L’ultime secret » n’est jamais vraiment transmissible mais il est possible de le comprendre, d’y être initié ou de le voler (dans le but de l’apprendre afin de l’enseigner par la suite).

Tous ces contes possèdent un enseignement régulier : dans notre désir d’efficacité et de compétitivité, notre esprit rationnel se retrouve souvent pris au piège, car au sein de notre réalité, il en existe une autre qui fait apparaître une efficacité absolue.

 

« …] et celui qui croyait agir ou frapper est subtilement vaincu ou atteint dans ses profondeurs ».

 

« Ces histoires ont pour but de nous faire comprendre que le seul but à atteindre et la vérité à comprendre ne sont jamais évidents, que la véritable efficacité est le plus souvent secrète et cachée, voire volontairement dissimulée, car le comble de la vraie connaissance et de se jouer d’elle, de feindre que l’on ne sait rien ».

 

Bien souvent, les grands maîtres de ce monde restent inconnus, ces hommes pourraient être confondus avec des personnages ordinaires, mais il n’en est rien.

 

« Le maître des maîtres, doit rester inconnu et parfois inconnu à lui-même. Car l’humanité est parsemée d’êtres dont la qualité intérieure est un champ de force déterminant pour le bienfait et la sauvegarde de la vie ».

 

Ces êtres sont des centres spirituels et créent autour d’eux des influences bénéfiques propices à maintenir ou à transmettre la tradition secrète.

 

La liberté de l’esprit

Voici quelques qualités requises qui permettent à l’esprit d’être libre et d’agir avec la plus soudaine efficacité : force immuable, compréhension de ce qui est hors du temps, force d’un tout incluse dans les forces mouvantes de la pensée, puissance libre et centrée dans un être délivré du désir et de la peur, etc.

 

Dans certaines histoires, le calme et la maîtrise de soi triomphent sur la force brute. L’apparition de l’esprit subtil constitue le secret des secrets. Plus on descend ou plus on monte dans la connaissance, plus on se découvre dans cet infinitésimal rien, qui ne pèse pas plus qu’un regard ou qu’une pensée et qui constitue la source de toute essence, donc de toutes les puissances. Le véritable combat se déroule dans ce monde de l’infiniment subtil et de l’inexprimable.

Chez un grand maître, quand l’unité est réalisée, le Vide lui-même agit, confère le chapitre «Vide», in Le Traité des Cinq Roues, de Miyamoto Musashi. La force de l’Univers est une force cosmique qui est en perpétuel changement et cette force que rien ni personne ne peut concevoir ni nommer, agit d’une façon souveraine. Là, se trouve l’ultime secret de tous les secrets.

Les contes et légendes merveilleux qui s’y rattachent nous enseignent qu’il existe et qu’il a existé jadis, des êtres humains qui ont compris ces principes de l’Absolu et les ont incarnés.

 

« Sans doute tout est relatif et un grand maître peut encore trouver plus grand que lui ».

 

La danse du Vide

C’est un domaine où la compétition n’a plus aucune valeur, car elle n’a plus lieu d’être, et où plus rien ne devient car tout est. C’est un point stable, un centre qui existe dans chaque être et qu’il n’est pas impossible de réaliser, car il ne nécessite rien d’autre de ce qui existe déjà dans l’homme : " une ouverture à l’infinie sagesse intérieure, celle qui laisse éclore et laisse s’épanouir ce qui est. C’est une sagesse libre qui comme celle des grands maîtres (Sensei en japonais), fait bouger les gestes, les doigts, les plus infimes choses de ce monde ".

 

Le message des contes

Afin de pouvoir faire ressentir l’inexprimable, les Maîtres ont de tous temps utilisé les vertus magiques des contes. Les récits d’Arts Martiaux constituent avant tout une « Ecole de Vie ».

Les histoires sont pour la plupart tirées de faits authentiques, ce qui en fait des histoires beaucoup plus percutantes, car elles possèdent la preuve que la vie recèle un mystère, un secret que nous sommes à peine conscients de soupçonner.

Ces histoires nous emportent dans d’autres dimensions et nous témoignent que l’incroyable n’est pas impossible et que l’extraordinaire peut se mêler au quotidien. Mais elles ne constituent pas des leçons de morale, telles les fameuses Fables de Jean de La Fontaine, et n’ont rien d’exemplaires à nous démontrer. Leur but est de provoquer des questions qui n’ont que la pratique pour réponse.

 

L’Art d’arrêter la lance

Les véritables Arts Martiaux ne sont pas de simples sports de combat. Ainsi, un idéogramme peut en dire beaucoup plus qu’un long discours. D’ailleurs, les idéogrammes (ou kanjis) sont identiques, à peu de choses près, en Chine et au Japon, pour désigner les Arts Martiaux, seule la prononciation diffère.

« Art martial » signifie « art d’arrêter la lance » ou « art d’arrêter sa propre lance ».

 

« Le grand Art de la pacification extérieure et de l’harmonie intérieure ».

 

L’Art et la Voie

Les Arts traditionnels des civilisations anciennes de l’Orient débouchent sur une Voie qui permet à l’Homme d’approfondir son expérience de la Réalité et de lui-même, mais il convient d’entreprendre un apprentissage long et difficile. Grâce à l’entraînement, l’apprenti découvre les lois qui régissent les forces subtiles de la vie et apprend que la qualité de ses actions dépend de ce qu’il peut maîtriser lui-même, de ce qu’il est.

 

« Son travail extérieur devient le support d’une métamorphose intérieure ».

 

Le Kung-Fu, Chuan-Shu en chinois (littéralement l’Art du poing), exprime l’effort conscient et la persévérance dans l’entraînement en vue de réaliser une œuvre d’Art ou de parvenir à la maîtrise de soi.

Le terme « Kung-Fu » exprime également le niveau de l’homme dans n’importe quel domaine. Par exemple, les Chinois disent d’un calligraphe de qualité que son « Kung-Fu » est très avancé. Au Japon, il existe une voie pour chaque Art ancien et l’Art du combat n’échappe pas à cette règle. Le Budo est le chemin qui arpente la Voie des Arts Martiaux. La présence de l’adversaire exige la présence de soi dans le moindre geste qui devient ainsi une question de vie ou de mort. Voilà pourquoi les samouraïs de l’époque féodale du Japon, étaient éduqués avec l’omniprésence de la mort, qu’ils se devaient de contempler et d’intégrer lors de leurs multiples séances d’entraînement et de méditation.

 

« Une faille dans la concentration, un décalage entre l’esprit et le corps ne pardonnent pas dans un combat réel et ne sont pas non plus sans risque à l’entraînement ».

 

« L’adversaire le plus dangereux n’est pas à chercher ailleurs qu’en soi-même. La Voie du combat revêt ainsi un tout autre sens ».

 

Le Dojo, lieu de la Voie, est l’équivalent du temple, car le Dojo est un espace sacré dans lequel on vient recevoir un enseignement, s’exercer et se régénérer, toujours en toute humilité. Dans un Dojo, le silence est de rigueur et généralement, seul le maître prend la parole.

Lors de mes entraînements au Kenjutsu, le silence emplissait les lieux et l’on pouvait ressentir toutes sortes d’émotions. Au sein d’un Dojo, la concentration est de rigueur afin de faire ressurgir le Ki, l’énergie vitale. La concentration par le silence demande une grande attention de la part des adversaires et comme chaque adversaire est différent, alors l’apprentissage devient également un élément à ne pas négliger, afin de repérer les points forts et les points faibles de ces mêmes adversaires.

La solidarité est une qualité d’une grande importance et la bienveillance, une grande noblesse, car quand on est novice, la compréhension de chacun est essentielle afin que chacun puisse progresser en harmonie, à l’unisson : les disciples les plus expérimentés se doivent de venir en aide aux disciples néophytes, c’est du moins ce que l’école Niten m’a appris.

Le silence dans un Dojo, c’est aussi apprendre à écouter son cœur et à " parler avec les yeux". Les Maîtres répètent souvent que le Budo ne se pratique pas qu’à l’intérieur du Dojo. Le Budo est un art de vivre qui s’apprend et qui s’expérimente à chaque instant.

 

« Le véritable Dojo est celui que le disciple se bâtit dans son propre cœur (kokoro en japonais), au plus profond de lui-même ».

 

Au début, j’appréhendais mon bokken comme un objet, une arme qu’il fallait apprendre à manier avec dextérité et respect, comme quelque chose "d'ordinairement" dangereux. Mais en fait, le sabre est plus qu’une arme, il constitue symboliquement l’esprit du guerrier, l’esprit de la personne qui le détient, il est également le prolongement du bras et de la main, il fait partie d’un tout, il fait partie de mon moi le plus profond. Et c'est pour cela qu'il est essentiel de savoir faire correctement la part des choses, savoir correctement et justement distinguer le bien du mal, ne pas se tromper et être doté d'un esprit impartiale, un esprit juste et honnête.

Le fait de m’entraîner en pleine nature ou en intérieur, seule ou en groupe, me faisait ressentir l’apprentissage et l’entraînement d’une manière différente.

Mes multiples lectures sur l’histoire des samouraïs ainsi que sur les Arts Martiaux, notamment le " Traité des Cinq Roues ", écrit par Miyamoto Musashi, m’ont ouvert les yeux sur un monde encore plus mystérieux, régit par des forces invisibles mais belles et bien palpables, qu’il faut apprendre à maîtriser. L'appréhension de ce monde constitue un travail sur soi-même, car ces forces sont parfois très puissantes. D’où l’importance de savoir maîtriser le ki, qui est, en définitive, une énergie grandiose qui permet réellement de pouvoir faire des choses extraordinaires, mais pour cela il faut avant tout savoir se combattre soi-même !

L’incroyable force de l’esprit, oui, mais délestée et débarrassée de toutes les fausses croyances, les illusions séductrices et les nombreuses superstitions qui viennent le polluer. En libérant l’esprit de ces "impuretés", la concentration pourra s’accroître et permettra de développer de grandes capacités d’exécution.

Au cours de mes entraînements, je procédais seule à l’exécution des katas (exercices) assez régulièrement. De ce fait, lors de l’enseignement en Dojo, j’arrivais à percevoir la qualité d’exécution du geste de chaque adversaire et à en évaluer le niveau. Cela m’a également confirmé une chose : c’est que rien n’est acquis et qu’un entraînement sérieux, voire quotidien est indispensable si l’on souhaite posséder un haut niveau, et cela, quel que soit la discipline que l'on pratique.

 

La genèse du Wu-Shu

 

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Les Wu-Shu, les Arts Martiaux chinois restent un univers insondable. Le Chuan Shu, l’Art du combat à mains nues est le plus renommé, car certainement le plus ancien (2ème millénaire avant J.C.).

Le Chuan Shu et le Taoïsme, la Voie initiatique chinoise, sont intimement liés, tout comme la Voie du sabre et le bouddhisme zen au Japon. De nombreuses légendes racontent la création d’une école de combat à un adepte du Tao (la Voie).

L’histoire officielle confirme qu’un célèbre médecin taoïste, Hua To (220 avant JC), avait créé une méthode fondée sur le comportement de cinq animaux en relations avec les cinq éléments de l’Alchimie chinoise, tout comme le Bando, également art de combat à mains nues basé sur l’autoprotection, plutôt pratiqué par les moines en Birmanie.

 

A l’école de Bodhidharma

Damo, plus connu sous le nom de Bodhidharma (l’Illuminé), était un moine indien qui parcourut la Chine au début du 6ème siècle afin de « rénover » les préceptes du bouddhisme. Il initia ses adeptes au "Chan", philosophie que l’on appelle Zen au Japon.

Le Chan (Zen) est une pratique basée sur l’adoption de postures propices à la méditation, postures usitées par le Bouddha pour parvenir à l’Eveil, ce que l’on appelle le « Satori » au Japon.

C’est une attitude qui consiste à prendre une posture immobile et droite, les jambes croisées en lotus ou demi-lotus. L’attention doit se concentrer sur l’expiration longue et profonde poussée dans le « Hara », zone située trois doigts (plus un pouce en profondeur) en dessous du nombril, appelée également "Kikai Tanden", littéralement « l’océan de l’énergie ».

 

« Les pensées qui passent comme des nuages dans le Ciel ne doivent pas être entretenues ».

 

Après avoir voyagé dans des contrées lointaines durant une bonne partie de sa vie, Bodhidharma s’établit au monastère de Shaolin. Il initia alors les moines du monastère à unir leurs corps et leurs esprits d’une façon harmonieuse, harmonie considérée comme étant la source de toute évolution spirituelle.

Pour ce faire, Bodhidharma leur enseigna des mouvements issus des Arts Martiaux indiens et chinois, que ce dernier avait perfectionnés aux cours de ses nombreux et périlleux voyages. Ainsi, le monastère de Shaolin devint la plus célèbre école de Wu Shu. Depuis l’enseignement de Damo, les moines ne cessèrent de pratiquer et de perfectionner l’Art du Combat. L’Art des moines Shaolin fut enseigné secrètement durant des siècles.

Après la destruction du monastère en 1793, le Shaolin Pai se popularisa et il demeura l’Art Martial le plus répandu en Chine.

L’art se divisa en deux styles : l’un externe, uniquement basé sur la force musculaire ; l’autre basé sur les qualités internes : le Nei Chia, art de combat qui n’est transmis qu’au sein de cercles très fermés dont les membres sont des adeptes taoïstes.

 

L’art de la « Main Souple »

Chang San Fong, le Maître des Trois Pics, a donné naissance au Wu-Tang Shu, ancêtre du Taï Chi Chuan, l’art du Poing Suprême autrement appelé boxe ultime.

Le Taï Chi Chuan est souvent considéré comme une gymnastique thérapeutique qui n’aurait d’intérêt que pour les femmes et les personnes âgées. Or, les apparences sont trompeuses car le principe du Taï Chi Chuan repose sur l’exécution de mouvements très lents, mais plus on accélère l’exécution de ces mêmes mouvements et plus la gestuelle ressemble à du Kung Fu, techniques de combat à mains nues.

Le secret de cet art réside dans son nom : littéralement, « Chuan » signifie « action », « Chi » constitue « l’énergie » et « Taï », " le corps ". Cet art est la Véritable Voie de l’alchimie taoïste, d’où une certaine invulnérabilité, à condition de ne pas oublier que l’autre nom donné au Taï Chi Chuan est « lutte contre son ombre ».

Le Pa Kua, un autre style d’art martial interne, tire son nom des huit trigrammes primordiaux du Yi King, le livre des changements, qui constitue un livre de référence pour les Taoïstes.

Ces huit trigrammes sont souvent représentés autour du cercle qui contient harmonieusement les symboles du Yin (passivité) et du Yang (activité). Le Pa Kua enseigne la Science de l’énergie à travers des mouvements circulaires et continus. Le début de l’apprentissage se fait à un rythme très lent, s’accélère au fur et à mesure, pour finalement atteindre une étonnante rapidité, rendue possible par le développement de la souplesse et de la fluidité.

 

 

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D’autres styles se sont développés au fil du temps. Certains se démarquent plus que d’autres et la plupart s’inspirent de pratiques issues des attitudes et des mouvements des animaux.

 

« Le modèle idéal reste la technique du Dragon, qui allie celle du Tigre et celle du Serpent : force et souplesse, fermeté et fluidité ».

 

Toutes les écoles utilisent des « tao », qui sont des enchaînements de mouvements, tout comme les « katas » japonais. Ces mouvements constituent des entraînements pour les combats mais également des gestuelles symboliques, des exercices basés sur la concentration.

Durant mon entraînement au Kenjutsu, j’ai appris que les katas ont leur utilité dans ce que l’on pourrait appeler « la mémorisation de la gestuelle du corps », car ils constituent des mouvements nécessaires à l’exécution de multiples gardes, attaques, défenses et enchaînements qui doivent être libérés de toute entrave, seul l’esprit doit agir.

C’est ainsi, qu’avec l’aide du ki, l’énergie vitale, on pourra exécuter les multiples bottes d’escrime, tout en « sondant » l’esprit de chaque adversaire. Ceci constitue néanmoins un apprentissage difficile, endurant et long qui nécessite patience, volonté et concentration.

 

A SUIVRE…

 

Sources :

Zen & Arts Martiaux par Maître Taisen Deshimaru

Contes & Récits des Arts Martiaux de Chine et du Japon - Pascal Fauliot, préface de Michel Random - 1984

Histoires de Samouraïs : Récits de temps héroïques - Roland Habersetzer - 2008

Confère également sur le blog de Phoebe

Essais & Pensées :

Le Feng Shui

Le Yi Jing, le livre des changements # 1

Le Yi Jing, textes et signes # 2

Chroniques martiales :

Bushido, la Voie du Zen # 1, # 2 & # 3

Histoires de Samouraïs # 1, # 2, # 3, # 4 & # 5

Miyamoto Musashi : la Voie du sabre et de la tactique

Gorin-no-Shô : la Voie de tactique (suite)

Stage Kenjutsu

Etude portée sur la Voie du Sabre # 1, # 2, # 3

Chronique mise à jour le : 18 Juin 2017 by Phoebe

 

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