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Le secret de l’efficacité

Ito Ittosai était professeur et expert dans l’art du sabre mais insatisfait par la médiocrité de son niveau, il décida de suivre l’exemple de Bouddha afin de découvrir la Voie du sabre.

D’après les « Sûtras » (symboles de la sagesse, terme provenant du sanscrit signifiant « fil »), Siddhârtha Gauma, plus connu sous le nom de Bouddha, s’était assis sous un figuier pour méditer dans l’immobilité, afin d’acquérir l’ultime compréhension de l’existence et de l’Univers. Déterminé à mourir plutôt que de renoncer, le Bouddha réalisa son vœu : il s’éveilla à la suprême Vérité.

Ito Ittosai se rendit au temple afin de découvrir le secret du sabre. Ainsi, il consacra sept jours et sept nuits à la méditation. Au bout du huitième jour, découragé de ne rien avoir appris de plus, il abandonna tout espoir de percer ce fameux secret.

A peine eut-il quitté le temple, qu’il sentit une présence menaçante derrière lui. Sans réfléchir, il se retourna et dégaina son sabre.

Ito Ittosai venait de se rendre compte que la spontanéité de son geste venait de lui sauver la vie, car un bandit gisait mort à ses pieds, le sabre à la main.


Le piège des apparences

Un proverbe chinois dit qu’il ne faut jamais sous-estimer son adversaire au risque de perdre son trésor. Celui qui joue le jeu de l’adversaire est en effet perdu.

De nombreux experts possèdent une certaine renommée grâce à des feintes et des bottes secrètes qu’ils maniaient avec habilité. Il existe une multitude de ruses, de tactiques, de farces et attrapes en tous genres.

Miyamoto Musashi donne de précieux conseils dans le Traité des Cinq Roues, qui constitue pour moi l'un des livres de référence sur la Voie du sabre : « Chaque chose obéit à un phénomène de transmission. Le sommeil se communique, un bâillement aussi… Lorsque vos adversaires sont encore sous le coup de l’excitation et qu’ils vous semblent se précipiter, prenez au contraire un air nonchalant comme si vous étiez indifférent. Ils seront alors contaminés et leur attention se relâchera. A ce moment, passez à l’assaut rapidement et énergiquement ».

Les grands Maîtres du Budô se cachaient sous l’apparence d’inoffensifs et ordinaires personnages afin d’échapper à la curiosité et à la popularité. Prouvant leur sagesse, ils préféraient se laisser humilier et paraître lâches que de répondre à des provocations insensées. Respectueux de toute vie, ils ne combattaient que quand cela était devenu inévitable.

Découvrir ou rencontrer un Maître n’est pas une chose facile car la plupart des gens s’arrête à l’aspect extérieur et ne sont pas capables de regarder au-delà des apparences.


« Le principal ennemi, qui nous fait tomber dans le piège des apparences, est celui qui prend racine dans nos propres illusions ».


Certaines personnes sont si sûres de ne plus rien avoir à apprendre, qu’elles ne progressent plus et perdent ainsi toute possibilité d’atteindre une réelle efficacité ; alors qu’avec la pratique, cette dernière s’affermit de jour en jour, quel que soit l’âge que l’on possède.


La leçon des maîtres Zen


« Marcher est aussi Zen…

Que l’on bouge ou que l’on soit immobile

Le corps demeure toujours en paix

Même si l’on se trouve face à une épée

L’esprit demeure tranquille »

Shodoka, le Chant de l’immédiat Satori


Hojo Tokimune fut l’un des plus grands guerriers et chef d’Etat connut au Japon. Il étudia sous la direction des Maîtres Zen et favorisa le développement de ce courant de pensée à travers le bouddhisme.

Une légende raconte que Hojo Tokimune rendit visite à Bukko, un célèbre maître Zen afin de lui demander comment échapper à sa propre peur. Le Maître lui répondit qu’il fallait qu’il la supprime à sa source et qu’elle provenait de Tokimune lui-même. Bien que Tokimune détestait la peur par-dessus tout, il se demandait pourquoi elle venait à lui.

Alors le Maître répondit : « Essaye de jeter par-dessus bord ton cher « moi » appelé Tokimune et regarde alors ce que tu ressens. Je te verrai de nouveau quand tu auras fait cela ».

Tokimune questionna le Maître sur la façon de procéder.

Le Maître commenta : « Fais taire tes pensées. Assieds-toi jambes croisées en méditation et regarde dans la source de tes pensées ce que tu imagines appartenir à Tokimune ».

Alors Tokimune répliqua posséder une vie publique ne lui permettant pas de trouver du temps libre pour méditer.

Le Maître répondit : « Quelles que soient les activités dans lesquelles tu t’es engagé, prends-les comme des occasions pour ta recherche intérieure et un jour, tu découvriras qui est ce cher Tokimune ».

Ce récit est un des nombreux exemples de démarche Zen dans la méditation dans l’histoire du Japon. De nombreux guerriers, moines et rônins fréquentèrent les monastères afin de s’initier au Zen.


Pourquoi le Zen attirait les guerriers samouraïs ?

L’attitude virile des maîtres Zen est certainement l’élément déterminant pour cet attrait. Les maîtres Zen font généralement preuve d’un très grand sang-froid et ne montrent aucune faiblesse même dans les situations les plus dramatiques. Rien ne semble les effrayer, pas même la mort.

« Quand les pensées sont apaisées, le feu lui-même est frais et rafraîchissant ». Kwaisen


Ce qui intéressait les guerriers à la pratique du Zen, c’est que cette dernière refuse tout formalisme intellectuel, dogmatique ou rituel.

Le Zen n’est ni une philosophie ni une religion. Le but de la Voie du Zen est d’atteindre le « Satori », l’éveil de soi-même et à la Réalité. Le Zen indique la Voie qui mène de l’esclavage à la liberté, en cela le Zen détient la clef de la libération et de la réalisation de soi.

L’homme peut alors devenir maître des énergies latentes qui l’habitent. Afin de guider l’élève, le Maître lui communique des techniques et des conseils, mais son rôle s’arrête là. C’est au disciple d’accomplir le travail nécessaire à la recherche de l’Eveil.


« Le Satori ne peut survenir qu’au moment où les nuages de l’ignorance et de l’illusion sont dissipés. Il s’agit, en fait, d’aller au-delà du dualisme fabriqué par le mental qui déforme la réalité ».


Le Zazen est une méditation en posture assise qui pousse la personne dans les profondeurs de l’être et du cosmos, le Zen enseigne des techniques destinées à provoquer une prise de conscience susceptible de faire éclater les « limites du mental ».

Les « koans » sont des sortes de rébus, des questions illogiques qui n’ont aucune réponse mentale mais que le disciple est tenu de méditer.

Les plus connus sont :

« Toute chose retourne à l’Unique, mais où retourne l’Unique ? »


« Quand tu frappes des deux mains, le choc produit un certain son. Quel est le son produit par une seule main ? »


Le Zen constitue un art de vivre permettant la présence d’esprit dans chaque geste de la vie quotidienne. Afin de compléter et de finaliser leur réalisation intérieure, les adeptes du Zen se doivent d’exécuter eux-mêmes les travaux manuels nécessaires à l’entretien de leur environnement, tout en pratiquant un art (martial), quel qu’il soit.

Ainsi, cela donne l’occasion de s’exercer à la « méditation en action », à la concentration en mouvement. En pratiquant un entraînement assidu de son art, de son savoir-faire, on a la possibilité de réaliser « une union plus étroite entre l’homme et l’instrument, le sujet et l’objet, l’acteur et l’action, l’esprit et le corps ».


« La maîtrise d’un Art est une preuve de réalisation intérieure ».


De nombreux maîtres Zen pratiquent les Arts Martiaux, et, Zen et Arts Martiaux sont intimement liés au Japon, ainsi que le Shinto, antique religion nationale qui demeure le canevas du Budô.

Le Zen est une synthèse entre le bouddhisme indien et le Taoïsme. Le Taoïsme est considéré comme une alchimie intérieure et l’enseignement comporte un ensemble de techniques conduisant à l’éveil des énergies latentes en vue d’une régénération de l’adepte.

Les méthodes du Taoïsme ressemblent à celles du Zen : méditation, contrôle du souffle, questions et réponses énigmatiques, pratique de la méditation en mouvement et de la concentration dans les gestes quotidiens.

Pour les Taoïstes, la méditation en action est beaucoup plus importante et supérieure que la méditation au repos.


« C’est seulement quand il y a le calme dans le mouvement que le rythme universel se manifeste ».


Ainsi, le Taï Chi Chuan représente l’un des Arts Martiaux les plus achevés. Il symbolise non seulement un art de combat mais également, une thérapie, une danse symbolique ainsi qu’une méditation du corps.

Comme son nom l’indique, cet art gouverne l’action de l’énergie du corps.


« Il faut conserver le Chi originel car de même qu’il maintient la pureté du Ciel et le calme de la Terre, il permet la réalisation d’un Homme ».


« La grande Voie n’a pas de porte

Des milliers de routes y débouchent

Celui qui franchit cette porte sans porte

Marche librement entre le Ciel et la Terre ».


Les portes du paradis

Un samouraï se présenta un jour devant le Maître Zen Hakuin et lui demanda s’il existait réellement un paradis et un enfer.

Le Maître demanda : « Qui es-tu ? »

Le samouraï se présenta tel un guerrier mais le Maître, d’une façon ironique, le provoqua en doutant de sa parole. Empli de colère, le samouraï dégaina son sabre. Mais le Maître, imperturbable, semblait continuer à se moquer du guerrier.

Le samouraï se mit en garde, sabre au-dessus de la tête, s’apprêtant à frapper le Maître.

C’est alors que ce dernier dit : « Ici s’ouvrent les portes de l’enfer ».

Surpris par la sérénité du Maître, la samouraï rengaina son sabre et s’inclina.

Le Maître commenta : « Ici s’ouvrent les portes du paradis ».


Sources :

Contes & Récits des Arts Martiaux de Chine et du Japon - Pascal Faulot, préface de Michel Random

La Voie du Samouraï, pratiques de la stratégie au Japon ~ Thomas Cleary ~ 1992

Zen & Arts martiaux ~ Taisen Deshimaru ~ 1977

Histoires de Samouraïs, récits des temps héroïques ~ Roland Habersetzer ~ 2008

Tactiques secrètes : leçons de grands maîtres des temps anciens  ~ Kazumi Tabata ~ 2003

Gorin-no-Shô : Traité des Cinq Roue ~ Miyamoto Musashi

Confère le Blog de Phoebe

Histoires de Samouraïs # 3 : Les Sept vertus du Samouraïs et la quête de Miyamoto Musashi : la Voie du sabre et de la tactique

Gorin-no-Shô : la Voie de la stratégie (suite)

Histoires de Samouraïs # 4 : la Voie du guerrier ; Shintoïsme, Bouddhisme et Bushidô

Histoires de Samouraïs # 5 : Secret du Budô, secret du Zen ; Le Maître du thé et le samouraï ; Le Maître du thé et le rônin

Etude portée sur la Voie du sabre # 1 : Le livre des sept Maîtres

Etude portée sur la Voie du sabre # 2 : Philosophie et secrets de la stratégie

Etude portée sur la Voie du sabre # 3 : Etude technique du Kempô par Kotoda Yahei Toshisada

La cérémonie du thé : histoire, démonstration et dégustation

Initiation au théâtre Nô

Voir également

Little Bouddha - Bernardo Bertolucci - 1993 - France/Italie/GB/ Liechtenstein


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