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« Hana wa sakura gi hito wa bushi ».

 (« Parmi les fleurs, le cerisier ; parmi les hommes, le guerrier ».)

 

Comment se faire une idée juste de ce mythique personnage à travers de nombreuses déformations dues au temps ?


Portraits idéalisés de héros des temps jadis, les nombreux récits des aventures réalistes et/ou légendaires du samouraï ont été colportés jusqu’à nos jours. Le récit de la vie d’un samouraï est une leçon et son histoire reste souvent tragique, car nombreux ont été ces hommes d’armes, à avoir perdu leur vie à  lutter contre des forces contraires, dotés de courage et de fidélité et de détermination hors du commun.

Voués à l’exil ou condamnés au suicide rituel, pourchassés par des systèmes politiques qui s’acharnaient à broyer les forts et les purs, la philosophie du samouraï réside dans la noblesse de l’échec appelée « hogan biiki ». L’échec et la solitude semblaient être une forme de réussite car ils étaient synonymes de dignité de l’homme en quête de l’impossible.

Avec une sensibilité différente de celle du monde occidental, le Japon raconte ses héros malheureux souvent représentés dans les théâtres Kabuki et .

Des siècles après, les mêmes questions se posent : leur mort, le plus souvent violente, représente-t-elle une défaite ou une victoire ? Sur qui et sur quoi ?

Le sacrifice des braves a-t-il un sens ? Pourquoi faut-il que si souvent triomphe le mal ou le médiocre ?

Evoquée mais rarement comprise, l’image du mythe d’un homme pur et parfait, s’estompe et se confond dans nos rêves…

 

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Samouraï, un art de vivre et de mourir

Dans la tradition guerrière japonaise, il existait des chevaliers vaillants, solitaires, romantiques et fidèles jusqu’à la mort : les samouraïs.

Depuis des générations, ils représentent un modèle idéal de vertus dont la raison d’être réside dans l’orientation vers le combat durant toute son existence (cf. Les sept vertus du samouraï).

Durant sept cent ans, ces guerriers ont joué un rôle prépondérant dans l’histoire du Japon, bravant la mort sur tous les champs de bataille, vivant selon ses propres lois.

Le mot samouraï est apparu entre le 9ème et le 11ème siècle, issu du terme « saburai » dérivé de « saburau » signifiant se tenir à côté, garder, servir. Au départ, se terme désignait une élite qui représentait l’aristocratie guerrière (buke). Le modèle du samouraï japonais évolua au cours de son histoire : servir, envers et contre tout, jusqu’à la mort (cf. La Voie du Samouraï de Thomas Cleary).

Durant le shogunat des Tokugawa, entre 1603 et 1868, le samouraï atteignit sa définition la plus pure dans l’esprit du peuple. Peu à peu, ces guerriers tombèrent dans l’oubli et la misère, mais curieusement, l’image de ces héros romantiques se popularisa à travers leur code de l’honneur appelé « Bushidô », littéralement « la Voie du guerrier », décomposée comme suit : « bu », techniques martiales ; « shi », le guerrier ; «  », la voie.

Le bushidô est un code décrivant les principes moraux que le samouraï japonais était tenu de suivre, comportant trente-six stratégies. Il est issu du Bouddhisme (endurance stoïque, respect du danger et de la mort), du Shintoïsme (culte religieux de la Patrie de l’Empereur) et du Confucianisme (culture littéraire et artistique).

Lorsqu’un samouraï n’était rattaché à aucun maître ou clan, il devenait rônin, littéralement « homme de la vague ». Libéré de son devoir, il devenait soit redresseur de torts ou bandit de grand chemin. Il enseignait parfois dans un dôjô (salle d’armes) ou fondait une école de combat (ryû).


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L’aspect du samouraï résidait dans le port d’attributs spécifiques et de signes distinctifs brodés sur ses vêtements : le hakama, jupe-culotte qui descendait jusqu’aux chevilles. Il était autorisé à porter une paire de sabres (le daishô) : le katana, sabre long et le wakizashi, sabre court. Son armure était relativement légère et vulnérable comparée à celle des chevaliers occidentaux, constituée de plaques de fer laquées ou de lamelles de cuir articulées, réunies entre elles par des lacets de couleur indiquant son appartenance à un clan. Sa tête était affublée d’un casque de fer (kabuto), orné d’ailes ou de cornes afin d’impressionner l’adversaire. Il était également de coutume de se maquiller et de se parfumer avant d’aller au combat afin d’être toujours prêt à laisser une belle tête sur le champ de bataille.

Etre samouraï était avant tout un art de vivre, ce qui constitue un véritable paradoxe puisqu’il devait vivre en ne quittant jamais l’idée de la mort. Homme résigné devant les coups du sort, le samouraï était brave, d’une sensibilité à fleur de peau tout de même maîtrisée car il ne devait jamais perdre la face.

Le samouraï ressentait de tout son être l’aspect pathétique des choses (mono-no-aware), la force incontournable du destin (karma) et éprouvait une sympathie pour les perdants (hogan biiki). Il savait ressentir une réelle mélancolie, le rendant méconnaissable et fragile. Il devenait alors soit poète soit musicien. Il puisait sa force hors du commun dans une éducation particulière qui lui apprenait à cerner ses faiblesses ; éducation guerrière qui le conditionnait et l’amenait à s’ouvrir aux arts, à la culture, à la religion ainsi qu’à une philosophie le poussant à être en harmonie avec l’Univers.

Le Shintoïsme, le Confucianisme et le Bouddhisme zen influencèrent pour beaucoup ces hommes habitués à côtoyer la mort, ce qui les plongeaient dans la quête et l’appréciation d’une vie au raffinement extrême. En temps de paix, ils rivalisaient de luxe et d’élégance. Guerriers intrépides et esthètes, les samouraïs faisaient de leur armement de véritables œuvres d’art par amour de la beauté et le besoin de perfection afin de donner une forme de splendeur à la mort qu’ils ne fuyaient jamais puisqu’elle faisait partie du jeu de la vie.


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Dès leur plus jeune âge, on leur enseignait la mort destituée de son caractère de rupture ; ils devaient être capables de la domestiquer.

Etre samouraï, c’était aussi savoir mourir. Ils apprenaient l’art de bien mourir dans les règles et en toute circonstance car rien ne devait être laissé au hasard. L’idéal était de choisir le moment de sa mort et de se la donner soi-même, lorsqu’il n’y avait plus d’autre issue pour sauver son honneur ou celui de son seigneur. Cette mort que le samouraï se donnait lui-même était lente et faite si possible en public ; cela constituait une façon de jeter son courage à la face des vivants ainsi qu’une manière de protester et de tourner en dérision tous ceux qui continuaient à s’accrocher à la vie.

Le Japon élabora un code de la mort-spectacle, rituel très précis donnant aux derniers instants du guerrier qui choisissait de se retirer de la vie, une dimension éthique propre à sa culture. Le seppuku ou suicide par éventration (littéralement, couper le ventre) se réalisait avec le wakizashi ou le tantô (poignard) ; le ventre était considéré comme le siège du souffle et de l’énergie vitale. La tradition exigeait que l’homme devait maîriser seul sa douleur, personne ne devait intervenir, ce qui intimait la preuve de son courage et le respect une fois mort. Il était assisté par le kaishakunin qui se tenait debout derrière le supplicié, dont la fonction était de mettre un terme à son agonie en le décapitant. Cette fonction était considérée comme un honneur et était généralement attribuée à un parent ou à un ami proche. Il existait également le junshi, autre forme de suicide rituel qui consistait à pratiquer le seppuku pour suivre un supérieur dans la mort car un samouraï ne pouvait servir qu’un seul maître au cours de sa vie.

 

Source :

Histoires de Samouraïs, Récits de temps héroïques - Roland Habersetzer - 2008


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